jeudi 23 juin 2011

Cours d'histoire — vers un retour aux connaissances ?

Le 21 juin, le Monopole de l'Éducation du Québec a discrètement mis en place quatre nouveaux documents qui décrivent de « la progression des apprentissages » en éthique et culture religieuse, histoire et éducation à la citoyenneté 3e et 4e secondaire, espagnol langue tierce. Ces documents détaillent les contenus à enseigner dans chaque matière.

Pour Le Devoir, le document concernant l'histoire et l'éducation à la citoyenneté ne marque rien de moins qu'un franc retour vers les connaissances aux dépens, selon certains, des compétences. Curieusement, Le Devoir ne s'est pas intéressé au document portant sur le programme ECR, alors que l'absence de connaissances requises qui le caractérisait a fait l'objet de nombreuses critiques.

Le quotidien de la rue de Bleury signale que sans évacuer complètement les « compétences », les verbes utilisés (nommer, décrire, indiquer, etc.) pour décrire ce que les élèves sont censés apprendre correspondent au plus bas niveau de la taxonomie de Bloom, un modèle pédagogique qui propose une classification des niveaux d'acquisition des connaissances.

Exemple de tableau des apprentissages 

 ★ Une étoile indique que l'enseignement doit être planifié de manière à ce que la majorité des élèves aient complété cet apprentissage à la fin de l'année.

       L'espace grisé indique que l'enseignement doit être planifié de manière à ce que cette connaissance soit réutilisée au cours de l'année scolaire.

Année
3e 4e
  1. L’idée de l’appartenance nationale, aujourd’hui, au Québec
    1. Énumérer les principaux éléments constitutifs d’une nation : un territoire commun, une histoire, une culture, des valeurs partagées
    1. Indiquer des conceptions de la nation (ex. : le Québec au sein de la fédération canadienne, la souveraineté du Québec)
  1. Revendications et luttes dans la colonie britannique
  • 2.1.   Transmission des idées libérales
    1. Nommer des valeurs et des idées libérales diffusées au début du XIXe siècle : la liberté, l’égalité, le principe de nationalité
    1. Indiquer des moyens de diffusion des idées libérales au début du XIXe siècle (ex. : publications, journaux, cabinets de lecture)
    1. Indiquer des revendications d’ordre politique liées aux idées libérales : représentativité, participation au pouvoir
  • 2.2.   Organisation politique de la colonie
    1. Nommer les constitutions de 1791 et de 1840 : l’Acte constitutionnel et l’Acte d’Union
    1. Indiquer les limites du Haut-Canada et du Bas-Canada en 1791 et celles du Canada-Uni en 1840
    1. Nommer le régime politique instauré par l’Acte constitutionnel : la monarchie constitutionnelle
    1. Nommer l’institution par laquelle la population est représentée sur le plan politique à la suite de l’Acte constitutionnel : la Chambre d’assemblée
    1. Décrire la structure politique mise en place par les constitutions de 1791 et de 1840 et des pouvoirs de ses composantes (ex. : le gouverneur possède un droit de veto et choisit les membres des conseils; le conseil exécutif fait appliquer les lois et administre les fonds publics; les députés de la Chambre d’assemblée votent les lois)
  • 2.3.   Intérêts des groupes sociaux
    1. Décrire la place occupée par les marchands britanniques et la bourgeoisie professionnelle canadienne-française dans la structure politique du Bas-Canada en 1791 : les marchands britanniques sont majoritaires aux conseils exécutif et législatif; des membres de la bourgeoisie professionnelle canadienne-française siègent à la Chambre d’assemblée
    1. Indiquer des intérêts politiques des administrateurs britanniques et de la bourgeoisie professionnelle au Bas-Canada au début du XIXe siècle (ex. : les administrateurs britanniques veulent conserver le contrôle de la colonie; la bourgeoisie professionnelle canadienne-française défend les intérêts du peuple)
  • 2.4.   Tensions politiques et sociales
    1. Nommer des objets d’opposition entre le gouverneur, les membres des conseils et la Chambre d’assemblée du Bas-Canada (ex. : le financement de la construction de canaux, la langue utilisée à la Chambre d’assemblée)
    1. Indiquer les principales revendications énoncées dans les 92 Résolutions : la responsabilité ministérielle, le contrôle des budgets par la Chambre d’assemblée, l’élection des membres des conseils
    1. Nommer quelques faits relatifs aux Rébellions (ex. : la dissolution de la Chambre d’assemblée, la déclaration de Toronto, la déclaration d’indépendance du Bas-Canada, le désaveu de l’ordonnance d’amnistie générale accordée par Durham aux Patriotes, la pendaison de Patriotes ordonnée par le Conseil spécial)
    1. Indiquer les recommandations du rapport Durham : l’union des deux Canadas, l’octroi de la responsabilité ministérielle, l’assimilation des Canadiens-français
    1. Indiquer la réaction de la majeure partie de la population du Bas-Canada à la suite du rapport Durham : dénonciation du projet d’union
  1. Conceptions de la nation et débat de société, aujourd’hui, au Québec
    1. Indiquer l’objet de débat : le statut politique du Québec
    1. Identifier des acteurs concernés par le débat relatif au statut politique du Québec (ex. : les premiers ministres, les partis politiques, les gouvernements du Québec et du Canada, la Société Saint-Jean-Baptiste, la Ligue monarchiste du Canada)
    1. Indiquer la position d’acteurs concernés par le débat relatif au statut politique du Québec : le fédéralisme, le fédéralisme renouvelé, l’autonomisme, la souveraineté


Changements dus à la pression publique ?

« C'est un virage à 180 degrés des compétences vers les connaissances, analyse Laurent Lamontagne, président de la Société des professeurs d'histoire du Québec (SPHQ). Par exemple, un enseignant va pouvoir n'évaluer que les connaissances dans le bulletin. »

Il déplore l'utilisation des verbes, qui renvoient à des savoir-faire trop simplistes, et déplore que l'accent soit mis sur les connaissances plutôt que sur les compétences.

Selon M. Lamontagne, « Le ministère n'a fait que réagir à la pression publique. »

La compétence Consolider l'exercice de sa citoyenneté

La majorité des connaissances à acquérir lors du second cycle du secondaire se rapporte à l'histoire passée et répond à la deuxième compétence (de trois), à savoir « Interpréter les réalités sociales à l'aide de la méthode historique ». La troisième compétence, plus idéologique selon d'aucuns, « Consolider l'exercice de sa citoyenneté à l'aide de l'histoire », ne serait pratiquement pas développée.




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