mercredi 29 septembre 2021

Université — Une majorité de professeurs pratiquent l’autocensure

Une majorité de professeurs d’université affirment s’être censurés au cours des cinq dernières années en évitant d’utiliser certains mots. Dans ce contexte, plus d’un professeur sur deux estime que la liberté universitaire devrait être protégée à la fois par des normes nationales et par les établissements d’enseignement.

Ces constats obtenus par La Presse émanent des résultats d’un questionnaire qui a été soumis du 9 juin au 9 juillet derniers aux 33 516 membres du corps professoral québécois (professeurs et chargés de cours) par la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire, présidée par Alexandre Cloutier. Les réponses des 1079 répondants permettent de « faire ressortir des tendances significatives sur la liberté universitaire au Québec », estime-t-on.

Ainsi, 60 % des répondants affirment s’être censurés depuis cinq ans en évitant certains mots, alors que l’utilisation du « mot commençant par N » dans un contexte scolaire a fait débat au cours des derniers mois. Dans une moindre mesure, 35 % des professeurs qui ont répondu au questionnaire disent avoir pratiqué l’autocensure en évitant d’enseigner carrément certains sujets. Près d’un professeur sur cinq (19 %) dit même avoir évité de faire de la recherche sur un sujet en particulier.

Une majorité écrasante de professeurs (82 %) estiment que les membres du corps professoral doivent « pouvoir utiliser tous les mots qu’ils jugent utiles à des fins universitaires ». Ils sont également plus de 90 % à estimer qu’ils doivent « pouvoir traiter de tous les contenus relevant de leur domaine d’expertise, et ce, peu importe leur genre, identité de genre, orientation sexuelle, ethnicité ou religion ».

Québec veut agir

L’hiver dernier, en entrevue avec La Presse, le premier ministre François Legault a affirmé qu’il voulait envoyer un « signal fort » pour protéger la liberté universitaire. Le gouvernement privilégie la rédaction d’un énoncé gouvernemental plutôt qu’une loi, mais il attend avant de trancher la publication du rapport de la commission Cloutier, qui doit lui soumettre des suggestions à ce sujet d’ici la fin de l’automne.

Alors que le Québec débattait encore récemment de l’utilisation du « mot commençant par N » dans les salles de cours, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, a affirmé qu’elle craignait que des « professeurs s’autocensurent » sur les campus, une réalité que semble confirmer l’enquête menée par la commission Cloutier auprès du corps professoral québécois.

Selon les résultats du questionnaire qui a été soumis aux professeurs, une majorité d’entre eux (57 %) estiment que les « dispositions de protection de la liberté universitaire devraient relever à la fois de normes nationales et de leur établissement ». Une faible proportion (14 %) estiment que cette protection devrait relever uniquement de leur université.

[...]

Que pensent les étudiants ?

La commission Cloutier a également sollicité un sondage auprès de la firme Léger, au moyen de sa plateforme web Léger Opinion (LEO), pour obtenir un son de cloche de la communauté étudiante. Le sondage, réalisé du 23 juin au 14 juillet auprès de 992 étudiants, dévoile que près du tiers d’entre eux (28 %) affirment s’être déjà censurés dans le cadre de leurs études universitaires. Une même proportion ont également répondu avoir été témoins d’autocensure de la part d’un professeur.

Une majorité d’étudiants (63 %) estiment que les professeurs doivent pouvoir utiliser « tous les mots » qu’ils jugent nécessaires dans leurs cours, alors que le quart des étudiants (25 %) pensent l’inverse.

Le sondage mené par Léger Opinion souligne également que 85 % des étudiants souhaitent que les universités fassent « plus d’efforts pour faire connaître les dispositions de protection de la liberté universitaire » et que 78 % d’entre eux pensent que les professeurs doivent traiter de tous les sujets relevant de leur expertise, sans égard à leur genre, identité de genre, orientation sexuelle ou religion.

Source


Aucun commentaire: