Les hommes mariés, les pères de famille, ces grands aventuriers du monde moderne
« Il n’y a qu’un aventurier au monde, et cela se voit très notamment dans le monde moderne : c’est le père de famille. Les autres, les pires aventuriers ne sont rien, ne le sont aucunement en comparaison de lui. »
Cette assertion est délibérément et doublement provocatrice, puisqu’en guise de sainteté elle fait l’éloge de l’aventure et qu’en guise d’aventurier elle semble choisir M. Prudhomme. Péguy le sait : nul n’est, en apparence, plus pantoufflard, plus (petit-)bourgeois que le père de famille.
Il sait aussi que les libertins, les bambocheurs, les explorateurs, les brûleurs de chandelles par les deux bouts, tous ceux qui revendiquent pour eux l’aura de l’aventure, daubent à l’infini sur ce lourdaud engoncé et pusillanime. Mais il connaît également, pour en avoir lui-même fait l’épreuve, l’étrange particularité, la désappropriante propriété dont est pourvu le père de famille : « Les autres ne souffrent qu’eux-mêmes. Ipsi. Au premier degré. Lui seul souffre d’autres. Alii patitur. Lui seul, autrement dit, déjoue les contraintes de la finitude : son être déborde son moi. Et que lui vaut cette prouesse ontologique, ce n’est pas un pouvoir accru, c’est une vulnérabilité plus grande. Il souffre d’autres, qu’on appelle à tort les siens, car ils ne sont pas à lui, mais lui à eux : il n’est pas leur possesseur, il est leur possession, il leur appartient, il leur est livré, il est, risque même Péguy, leur « otage ». Pour le dire d’une autre métaphore, ce chef de famille n’est pas un pater familias, mais un roi déchu qui a fait, en fondant un foyer, le sacrifice de sa liberté souveraine. Avant d’avoir charge d’âmes et de corps, il était seul maître de sa vie; le voici désormais assujetti, dépendant, privé de la possibilité de trouver refuge en lui-même : le confort du quant à soi lui est définitivement interdit.
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André Gill, Le nouveau-né, 1881 Petit Palais |
Tiré du « Mécontemporain » par Alain Finkielkraut
Entretemps dans le Wokistan (division Québec à la natalité catastrophique)
Les trois Centres de la petite enfance (CPE) La Souris verte ont annoncé cette semaine qu'ils ne souligneront plus la fête des Pères.
Dans un message transmis aux parents, la direction des trois CPE situés dans l'arrondissement de Jonquière prétend que cette décision a été prise « dans un souci de respecter la diversité des réalités familiales ».
« Nous avons pris la décision de ne pas organiser d'activités spécifiques (cadeau, carte, etc.) à la fête des Pères. Cette décision découle de notre volonté de créer un environnement bienveillant, inclusif et respectueux de toutes les structures familiales. » Et d'exclure ainsi toute célébration des pères.
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