jeudi 22 mai 2014

Abolir les commissions scolaires, une bonne idée ?

Article intéressant de Michel Pallascio dans le numéro 43 d'Égards sur la question d'abolir les commissions scolaires :

« La question de l’abolition des commissions scolaires a été soulevée à plusieurs reprises lors des dernières campagnes électorales. À ma connaissance, elle a été présentée pour la première fois par l’Action démocratique du Québec (ADQ) lors de l’élection de 2008. Elle a été récupérée ensuite par la Coalition Avenir Québec (CAQ), le parti de François Legault. Et, plus récemment, le Parti libéral du Québec (PLQ) n’avait pas fermé la porte à l’idée de cette abolition, sondages d’opinion obligent.

Il n’est pas facile de répondre à une telle question. Il faut d’abord préciser que l’ADQ et la CAQ ont proposé cette mesure dans une optique essentiellement économique, et non dans le cadre plus global d’une réforme de notre système d’éducation. Dans ce contexte, la proposition ne nous avance guère. Il est douteux que l’abolition des commissions scolaires apporte quelque économie que ce soit, étant donné la garantie d’emploi des gens syndiqués œuvrant dans ces institutions et les services rendus par ces mêmes personnes au bénéfice des écoles.

Rappelons-nous les conséquences liées à la réduction du nombre de commissions scolaires au cours des années 1990. Cette opération avait aussi pour but ultime d'apporter des économies d'échelle et de faciliter la gestion de ces institutions. Il était pourtant à prévoir que le résultat serait « nul ». Exemple : là où il existait trois commissions scolaires avec trois directeurs généraux, on s'est retrouvé avec un directeur général et deux adjoints. Il ne faut pas oublier que le salaire de ces personnes est déterminé en fonction de l'importance de la clientèle, donc commission scolaire plus « grosse », salaire plus « gros », CQFD.

Il faut aussi noter que les représentants de l'ADQ et de la CAQ ont toujours fourni des réponses assez vagues lorsqu'on leur demandait d'expliquer quel organisme allait reprendre des pouvoirs octroyés aux commissions scolaires. Encore aujourd'hui, personne n'est en mesure de répondre de façon claire et satisfaisante.

En ce qui concerne l'ADQ, Mario Dumont avait mentionné publiquement que les pouvoirs des commissions scolaires seraient remis au gouvernement. Cette proposition était pour le moins surprenante venant d'un parti qui prônait «moins d'État» et semblait privilégier, en général, la «subsidiarité», notamment dans le domaine de la famille. Quant à la CAQ, son programme indique que son gouvernement accorderait plus d'autonomie à l'école », mais sans donner plus d'explications sur la réalisation d'un tel objectif. Pour sa part , le Parti Québécois (PQ) a préconisé un certain temps l'abolition des directions régionales du ministère de l'Éducation du Québec CMÉQ) et la transformation des commissions scolaires actuelles en banques de service pour les écoles, mais cette résolution semble s'être évaporée. Il faut toutefois mentionner que ce parti insistait beaucoup sur l'autonomie de l'école. Encore là, on ne sait pas ce qu'il serait advenu des droits et obligations des commissions scolaires et rien n'avait été dit concernant l'avenir des commissaires élus.

Dans tous les cas, il s'agit d'abord de mesures économiques qui ne sauraient résoudre les problèmes de fond du système d'éducation québécois. On s'attaque aux structures, sans oser [remettre en question] les différentes réformes de l'éducation pilotées par les « théologiens » du MÉQ.

Si l'on veut vraiment « dégraisser le mammouth », il faudrait peut-être envisager de remettre en cause le fonctionnement de certaines instances œuvrant au niveau de l'éducation. Tout de suite, il me vient à l'esprit le pouvoir abusif des syndicats, pouvoir qui leur a été octroyé en opérant une centralisation à outrance des négociations patronales/syndicales. Il est bon de rappeler qu'au début des années 1980, le gouvernement provincial dirigé alors par le Parti Québécois (avec Pierre Marc Johnson comme ministre de l'Éducation) avait mis en tutelle la CECM pour une période de vingt-quatre heures, afin de signer une convention collective avec l'Alliance des professeurs de Montréal, passant ainsi outre aux pouvoirs légitimes de la commission scolaire. Il est bien entendu qu'à partir de ce moment, le p ou voir de négociation, principalement au niveau salarial (ne laissant que les questions normatives au niveau local), a été retiré graduellement aux commissions scolaires. Pour se donner bonne conscience, on a permis aux commissions scolaires d 'être représentées aux tables de négociations provinciales.

Par contre, il faut le signaler, bien des commissions scolaires ont tiré une certaine satisfaction, pour ne pas dire un certain soulagement de cette situation. Elles s'éviteraient désormais les conflits locaux avec le lot de misère, de contestations et de gestes disgracieux qui accompagnaient généralement le renouvellement des négociations collectives. Malheureuse ment, c'était aussi le début de la fin. Aujourd'hui, il est évident que les syndicats négocient directement avec leur véritable employeur, l'État, que les commissions scolaires soient présentes ou non aux tables de négociations provinciales. Pourtant Louis-Philippe Audet, dans son livre Le système scolaire de la province de Québec (Québec, Éditions de l'Érable, tome I, 1951 , p. 137) soulignait : « Mandataires des parents dont ils ont mission de compléter la tâche éducatrice, les instituteurs, dans la provin ce de Québec, ne sont pas des fonctionnaires de l'État. Ils sont engagés par la commission qui représente tous les propriétaires de biens-fonds de leur municipalité scolaire ». Il appert que les commissaires d'école ont ainsi abandonné leurs droits et leurs obligations.


[...]

Le rôle de la commission scolaire a toujours été de permettre aux communautés locales de gérer leurs écoles publiques avec des objectifs scolaires communs et d'utiliser conjointement les ressources nécessaires au bon fonctionnement des écoles. On peut soutenir sans se tromper que les objectifs scolaires sont maintenant déterminés par le ministère de l'Éducation — l'exemple du cours d'Éthique et culture religieuse (ÉCR) le démontre amplement, aucune commission scolaire à ma connaissance n'ayant amorcé une quelconque réflexion sur son contenu et procédé à l'analyse des demandes d'exemption de façon sérieuse.

[...]

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†  Ex-commissaire de la Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM) de 1980 à 1990 et de 1994 à 2003; président de cette même commission scolaire de 1984 à 1990 et de 1994 à 1999.

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