vendredi 13 décembre 2013

Québec — La dégringolade en sciences

Lettre ouverte de René Nault, enseignant en sciences de 4e secondaire depuis 20 ans :

Selon les résultats du dernier Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), le Québec est maintenant sous la moyenne canadienne en sciences, et a glissé de la 14e à la 24e position au niveau international, en seulement trois ans. Une réflexion s'impose pour faire cesser cette dégringolade, d'autant plus que personne ne semble s'inquiéter de cette situation.

Les sciences ont sûrement été le secteur qui a subi les plus grands changements lors de la réforme de l'enseignement du secondaire. En effet, les enseignants sont passés de spécialistes à généralistes. Les nouveaux programmes ont regroupé les différents domaines des sciences sous le grand chapeau de « science et technologie » pour la première à la quatrième secondaire et ils touchent à toutes les sciences à la fois.


Par conséquent, un enseignant doit maîtriser des notions de chimie, de physique, de biologie, d'écologie, d'astronomie, de géologie et, bien sûr, de technologie, sans avoir nécessairement la formation adéquate. Ainsi, n'a-t-on pas éteint la passion de chaque enseignant voué à sa discipline spécifique ?

Un des aspects importants de la réforme a été l'introduction de la technologie dans le curriculum. Les jeunes doivent maintenant apprendre entre autres le dessin technique et la manipulation de machines-outils: scie à ruban, perceuse ou ponceuse. Les enseignants peuvent se retrouver avec des groupes de 32 élèves dans un local exigu et dans un environnement bruyant et poussiéreux où les risques d'accident sont présents. Avant la refonte des programmes, le cours d'initiation à la technologie était donné par des enseignants spécialistes et le ratio était d'un maximum de 22 élèves.

Est-ce vraiment aux enseignants de science de montrer aux élèves à utiliser une perceuse, un marteau ou un tournevis? La technologie ne devrait-elle pas être une discipline en soi ? Et le temps qui est consacré à la technologie réduit-il l'enseignement des concepts de base et l'apprentissage de la méthode scientifique ?

Nous avons tous appris que lors d'une expérimentation, la première chose à faire était d'émettre une hypothèse. Aujourd'hui, l'accent est davantage mis sur un but à atteindre. Un certain Albert Einstein disait qu'en science, la réussite dépendait beaucoup plus de la question qui était posée que de la réponse!

Nous avons également tous appris que l'atome était composé de trois particules: proton, électron et neutron. Mais, depuis la réforme, les élèves québécois inscrits au cours régulier de quatrième secondaire n'entendent plus parler des neutrons. Exit cette troisième particule avec le nouveau programme! Le niveau doit-il être rabaissé à ce point pour améliorer le taux de réussite? Nos élèves valent mieux que cela.

Que dire des différentes voies en science, les choix sont tellement compliqués que tout le monde s'y perd : « application technologique et scientifique », « science et technologie », « science et technologie de l'environnement » et finalement « science de l'environnement », seulement pour le quatrième secondaire !

En tant qu'enseignant de sciences, je me suis souvent demandé comment on en était arrivé là. Tous ces grands spécialistes de la pédagogie et de la réforme qui nous dictent trop souvent comment enseigner, comment réagissent-ils devant ce recul de la performance des élèves québécois en sciences?

Il est peut-être temps qu'on écoute les enseignants. Nous devons faire un bilan de la réforme et, au besoin, de corriger le tir. Nous devons nous poser des questions et faire un débat sur cette dérive. Notre société ne peut pas se permettre que l'enseignement des sciences au secondaire continue de décliner. Il en va de l'avenir de nos jeunes.

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