lundi 22 juillet 2013

Oh, non ! J'ai oublié de socialiser les enfants !

Lu sur le carnet Apprendre à l'air libre (avec quelques corrections éditoriales) :

La PREMIÈRE question qui arrive sur le tapis quand on sort ses gamins de l’école (ou lorsqu’on ne prend même pas la peine de les y rentrer, pour les feignantes) c’est la question de la SO-CIA-LI-SA-TION. Vous savez, ce truc qui fait que votre enfant est capable de vivre en société.

C’est LA question ABSOLUMENT inévitable qu’on vous pose à CHAQUE fois. Même Maman, qui voit d’un bon œil la déscolarisation des enfants. Ma sœur qui trouve « qu’elle n’aurait pas patience », mais n’y trouve rien à redire se pose quand même la question de la « socialisation des enfants ».

Il faut dire que le défi est énorme. Il va falloir lutter contre environ 6 heures assis sssssans-bouger-sur-sa-chaise avec interdiction-de-se-lever et interdiction-de-parler-à-son-voisin. Pardon. Bavasser. Plus deux fois 15 minutes de récré.


Wikipédia m’explique « la socialisation est le processus au cours duquel un individu apprend et intériorise les normes et les valeurs tout au long de sa vie, dans la société à laquelle il appartient, et construit son identité sociale. Elle est le résultat à la fois d’une contrainte imposée par certains agents sociaux, mais aussi d’une interaction entre l’individu et son environnement. Si elle favorise la reproduction sociale, elle n’élimine pas pour autant les possibilités de changement social. » Larousse fait plus simple en expliquant (je vous épargne la définition politique de la socialisation) que c’est un « processus par lequel l’enfant intériorise les divers éléments de la culture environnante (valeurs, normes, codes symboliques et règles de conduite) et s’intègre dans la vie sociale ».

Remarque n° 1 – la définition n’intègre nulle part l’école de manière explicite. Donc S.V.P., arrêtez de confondre école et socialisation.

Remarque n° 2 – la socialisation est un apprentissage. Là se situe peut-être le nœud gordien de l’assimilation de la socialisation à l’école : apprentissage=école ? Mes enfants, fort opportunément et comme l’immense majorité de leurs congénères, n’ont pas attendu l’école pour apprendre : à parler/marcher/manger seul/ faire pipi dans un pot. Donc il se peut qu’on apprenne des choses à l’école, mais il est bien évident pour tout le monde qu’on n’apprend pas QU'à l’école. Par ailleurs, un apprentissage… ça arrive n’importe quand dans une vie. Pas nécessairement à 2 ans. Ni à 6. La socialisation est un processus qui début à la naissance et cesse à la mort. Ça fait de la marge…

Remarque n° 3 – Au cours de ce processus, l’individu apprend et intériorise les normes et les valeurs. C’est mon préféré celui là : et si les normes et les valeurs imposées par l’école ne nous convenaient pas ? J’estime qu’à l’école, on apprend la soumission à l’autorité. J’aurais l’occasion d’y revenir, mais grosso modo, il me semble qu’aller à l’école, dans la plupart des classes, c’est comprendre que, comme on est tout petit, on doit s’écraser face à l’adulte. Ou au caïd de la cour de récré. Là, j’entends les voix de ceux qui objectent : « oui, mais la vie, c’est comme ça ! » En fait, les seules personnes qui m’ont tenu ces objections étaient des enseignants. Ce doit être un hasard. Et là, que répond-je ? Non, comme de bien entendu ! La vie, c’est peut-être comme ça pour vous, mais pas pour moi. La soumission n’est pas inévitable et les exemples pullulent de personnes qui ont pris leur destin en main.

Il ne faut pas confondre socialisation et collectivité. Je reconnais volontiers que mes enfants n’apprennent pas la collectivité au sens étendu du terme. Pour autant, cela ne signifie pas qu’ils grandissent sans règle. D’abord, ils vivent dans une famille de trois enfants, au sein de laquelle il faut inévitablement composer avec les autres, qui en outre ne sont pas du même âge ni de la même maturité. Ils vivent aussi avec leurs parents, qui sont des adultes avec d’autres besoins. Nous avons des règles à la maison et tout le monde apprend que « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ». Croyez-le ou non, c’est un concept plus facile à expliquer, démontrer et faire respecter avec trois enfants qu’avec trente. Personne ne peut se cacher derrière son voisin chez nous. On n’échappe pas à la règle.

Comment confondre la socialisation avec ces 50 heures hebdomadaires de collectivité forcée, avec des personnes que vous n’avez pas choisies, qui vous côtoient pour deux seules raisons : ils sont nés au cours du même semestre que vous et ils vivent dans le même périmètre géographique ? Notre socialisation de non-sco[larisés] signifie côtoyer des personnes que nous choisissons. Qui partagent des valeurs communes avec nous, mais pas que. Nos enfants sont confrontés à une diversité culturelle qu’ils n’auraient probablement pas eue à l’école ; la situation financière des familles non-sco est très hétérogène ; les opinions politiques des non-sco sont également très diverses.

Il y a certainement, dans l’instruction en famille, beaucoup plus de mixité sociale que tout ce que les gouvernements successifs pourraient seulement rêver pour l’école. Au lieu d’être unis par le hasard, nous sommes unis par choix et ce choix nous amène à faire fi de différences sociales et culturelles parfois très importantes. N’est-ce pas là offrir à nos enfants une socialisation de qualité que leur faire vivre des différences sociales ?

L’école n’est pas le lieu où on apprend la vie. Le lieu où on apprend la vie, c’est dans la vie réelle.

Nos enfants non-sco vont sans conteste plus souvent et plus longtemps dans des musées que les enfants scolarisés. Lorsqu’ils apprennent comment se fait le fromage, ils vont « à la source » : dans les champs, pour observer les vaches ; dans une fromagerie, pour connaître les différentes étapes, dans une cave à fromages pour percevoir l’humidité et sentir tous ces fromages à différentes maturité. Mon grand souhaite être hôtelier plus tard : nous parlons avec des hôteliers. Il a l’occasion d’observer comment cela se passe en réalité et non pas à partir d’un livre ou en l’entendant expliquer par un enseignant qui, dans le meilleur des cas, a fréquenté au moins un hôtel en tant que client.

De fait la sociabilité s’acquiert au contact des autres et dans tous les contextes : on attend son tour à la caisse des supermarchés, on se lève pour laisser la place aux personnes âgées dans le bus, on n’interrompt pas la personne qui parle, on arrive à l’heure et on fait attention aux autres. Les enfants l’apprennent parfaitement dans un environnement non-sco ; les enfants se côtoient d’âges divers et les grands font attention aux petits.

— sur les rapports humains, il doit exister une espèce de phantasme dans l’imaginaire collectif qui veut que instruction en famille = bouclage entre les murs familiaux. En fait, c’est tout à fait tout le contraire. Enfin, oui et non. Effectivement, mes enfants ne connaissent plus les joies de la récré.

En réalité, mes enfants n’ont jamais eu autant de copains : il y a les sco = ceux qui ont rarement le temps et toujours des devoirs à faire. Il y a aussi les copains non-sco, ceux qui sont souvent dispos, sauf si ils ont un autre truc de prévu, ce qui arrive souvent. Ceux avec qui ont va faire une visite. Avec qui on a le temps de passer l’après midi. Ils n’ont pas tous le même âge. Ils viennent d’horizons incroyablement différents. Certains ne parlent pas la même langue. Ca fonctionne quand même.

— sur la transmission de valeurs implicites, commençons par le plus facile : l’esprit de compétition. Les enfants ont – parfois et pour certains — besoin de se mesurer. Il me semble que le sport leur permet cela de manière utile et cadrée, dans un esprit sain et la transmission de hautes valeurs morales. Ils n’y sont pas obligés s’ils ne le souhaitent pas. D’une manière générale, si je ne nie pas qu’il soit utile aux personnes de connaître et intérioriser un certain nombre de valeurs que j’estime négatives et qui sont transmises par l’école (soumission à l’autorité, rapports de force, confiance en soi attaquée par l’assimilation de la Personne à ses notes ou au travail produit, jugements de valeur sur les intentions des uns ou des autres, travail solitaire et gloire personnelle) ou bien que j’estime « malheureusement indispensables » (respecter la hiérarchie, supporter une situation désagréable sans broncher).




Cependant, je réfute l’idée selon laquelle plus tôt on apprend et mieux c’est. Grandir dans un environnement positif qui tire les élèves vers le haut en renforçant les aptitudes naturelles, en soutenant le développement de capacités nouvelles, en s’abstenant de tout jugement et en recherchant non la coercition, mais la coopération permet aux enfants de développer une confiance en eux et en leurs capacités, mais également un « arbre intérieur » de hautes valeurs morales qui leur permettra ultérieurement d’accepter ces valeurs négatives qui font partie de la société sans que cela remette en cause l’être profond. Un enfant qui a entendu à l’école qu’il n’était bon à rien – simplement parce qu’il n’est pas adapté à ce système, aura beaucoup de mal à croire en lui. Un enfant qui a appris à l’école qu’« on ne fait pas ce qu’on veut » sera naturellement plus passif face à la vie, plus fataliste que si on lui a enseigné et montré concrètement que tant qu’on agit dans le respect des autres et des règles, on peut faire ce qu’on veut.

La socialisation acquise à l’école n’est qu’une forme de socialisation. Le terme d’« école à la maison » est tout à fait impropre d’abord parce que nous nous appliquons à ne pas reproduire l’école, mais également parce que nous ne sommes pas tellement à la maison. La vie sociale des non-scos est riche de rencontres, de confrontations positives et d’expérimentations encadrées qui sont autant d’apprentissages sur la route qui les mènera à l’autonomie.

En forme de conclusion, je vous invite à lire cet article, d’auteur inconnue, qui imagine un dialogue entre deux mère : celle d’un enfant scolarisé et celle d’un enfant non-sco. Elle résume assez bien, à mon avis, la vie que nous menons, en portant nos pas hors de l’école…

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