mercredi 5 décembre 2012

Loyola c. MELS — Le Monopole de l'Éducation sort renforcé

En 2008, la ministre de l’Éducation de l’époque, Michelle Courchesne, avait refusé la demande d’équivalence de l’école secondaire Loyola à Montréal arguant que le programme proposé par l’école Loyola optait pour une optique catholique et ne pouvait donc être équivalent au cours d’éthique et de culture religieuse qui impose une approche « laïque ».

Devant le refus de la ministre de lui accorder une exemption, l’école s’était adressée à la Cour supérieure. En juin 2010, la Cour supérieure avait annulé la décision de la ministre et avait autorisé l’école Loyola à y substituer son propre programme équivalent. La Cour d’appel du Québec a infirmé, mardi, la décision de la Cour supérieure et a confirmé la décision initiale de la ministre de l’Éducation.

« Le programme proposé par Loyola semble viser l’enseignement d’un contenu similaire à celui de la ministre, mais la perspective d’enseignement est sans contredit confessionnelle », écrit le juge Jacques R. Fournier, les deux autres juges Allan R. Hilton et Richard Wagner souscrivent à ce jugement. Coïncidence, Richard Wagner avait été assermenté la veille à la Cour suprême du Canada.

« Je suis d’avis que la décision de la ministre de refuser la demande d’exemption fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », poursuit le juge Fournier. Car il faut tenir compte « de la volonté politique affirmée qui est de déconfessionnaliser l'enseignement ». De manière assez étonnante, déconfessionnaliser l’enseignement d’une école catholique semble, pour ces juges québécois, parfaitement raisonnable.

Le juge Fournier s’appuie sur le jugement Deschamps de la Cour suprême (très critiqué voir ici, ici, iciici et et encore là.) pour affirmer que « le fait d'exposer des élèves à l'étude globale des religions, dans une perspective neutre, sans les obliger à y adhérer, ne constitue pas une atteinte à la liberté de religion. » C’est prendre pour argent comptant les prétentions du ministère sur l’innocuité de son enseignement, c’est aussi oublier que la preuve dans l’affaire S. L. contre la Commission scolaire des Chênes est différente de celle déposée dans l’affaire Loyola. Le juge Fournier peut alors conclure que « le juge [de première instance] erre en fondant son jugement sur l'opinion de l'expert Farrow. Il n'y a pas de réelle atteinte ou, du moins, elle n'est pas significative. »

Le juge Fournier n’indique pas en quoi l’expert Farrow a tort, il reprend simplement les propos de la juge Deschamps, eux-mêmes basés sur les prétentions du ministère. Il n’a aucun avis d’expert à opposer, juste l’avis de la juge Deschamps sur une autre preuve dans une autre affaire.

Le juge Fournier précise que s’il y a atteinte à la foi, elle est négligeable « car il ne s'agit que d'un cours parmi plusieurs. De plus, il n'est pas demandé à l'enseignant de réfuter les préceptes de la religion catholique, mais de s'abstenir d'exprimer son opinion ou ses convictions. » Même si ce qui est discuté est contraire aux préceptes de la religion catholique. En outre, pour le juge « cette atteinte est justifiée » parce que les objectifs du programme sont louables. Les juges de la Cour d’appel n’expliquent pas, toutefois, sur quoi ils se basent pour conclure que ce nouveau programme « laïque » serait plus efficace que l’approche confessionnelle éprouvée de l’école montréalaise dans l’atteinte de ces louables objectifs et donc pourquoi cette atteinte est justifiée.

En fin de compte, le pouvoir discrétionnaire du Ministère de l’Éducation pour décider de l'équivalence des programmes proposés sort fortement renforcé de ce jugement. La barre des écoles privées  qui s’opposeraient à l’idéologie ou la pédagogie imposée par ledit ministère vient encore d’être haussée.

Voir aussi

Texte du jugement en appel Loyola contre le Monopole de l'Éducation

ECR — Appel de la cause Loyola, les trois juges en délibéré (Fournier a suivi grosso modo la plaidoirie de Me Boucher, la nomination de Fournier quelques années auparavant avait été accueillie avec incompréhension).

Mémoire en appel de la Loyola High School et John Zucchi c. le ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport

Directeur du collège Loyola : la perspective prescrite en ECR est relativiste

Le juge Richard Wagner qui a entendu l'affaire Loyola contre MELS pressenti à la Cour suprême

ECR — Décision favorable au Collège Loyola dans l'affaire qui l'oppose au Monopole de l'Éducation (en première instance)

Déclaration de Me Mark Phillips avocat de S.L. à la suite de la décision Deschamps de la Cour Suprême




Me Mark Phillips explique le jugement de la Cour suprême du Canada, ce qu'est le programme d'éthique et de culture religieuse (ECR) et ce que demandaient les parents de Drummonville






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7 commentaires:

Théo a dit…

Les petits juges ont bien oeuvré pour l'étatisme.

Je me demande d'ailleurs si les universités subventionnés avec nos sous n'ont pas aidé ce juge dans ses basses oeuvres. Je pense par exemple à l'université de Sherbrooke...

Loulou a dit…

" Coïncidence, Richard Wagner avait été assermenté la veille à la Cour suprême du Canada."

Hmmm. Pas du tout sûr que c'est une coïncidence. Sans doute pour éviter que le pays conservateur ne hurle au scandale, car c'est un nouveau juge nommé par un prétendu parti conservateur à Ottawa.

Perpétue a dit…

Est-ce que quelqu'un sait si Loyola compte aller en Cour Suprême?

Walter a dit…

ce qui est incroyable quand on écoute Me Phillips c'est comme le public est mal informé et comme les juges ne font que répéter le discours édulcoré du gouvernement qui caricature les parents et les profs qui osent s'opposer à son monopole : ils ne veulent pas connaître des faits sur d'autres religions. Ce qui est grossièrement faux pour Loyola, ils ont leur propre cours de religions du monde depuis longtemps.

Je suis dégoûté des médias, de la prétendue justice, de l,État, de la facilité qu'ils ont à répéter les mêmes sophismes sans être contredits.

Augustine a dit…

Et c'est un gouvernement soi-disant conservateur qui a placé Fournier là!

Plus aucune confiance dans le PCC non plus pour moi. Encore quoi cette décision limite-t-elle le pouvoir de l'État en cas de doute et de conflit des droits ?

En RIEN.

Anonyme a dit…

Et comme d'habitude c'est toujours la même ruse, le même truc de la part des juges : IGNORER LA PREUVE ADVERSE, la passer sous silence, la minimiser, ne pas la démonter, juste l'ignorer et s'appuyer sur ce qui fait plaisir au juge qui veut conforter ses préjugés.

Loulou a dit…

Oui, Anonyme,

et ensuite les journalistes copieurs-colleurs ne prennent que les arguments du juge qui les a copiés de la plaidoirie du gouvernement.

Les journalistes ne savent pas ce que la partie a dit ou défendu (ils ne viennent pas aux audiences sauf affaires très importantes, ne lisent pas les pièces du dossier), uniquement ce que le juge en dit.

Bref, le perdant a l'air d'un idiot qui n'a avancé aucun bon argument, les seuls arguments qui pourraient apparaître dans la presse ce sont ceux que le juge refute (et non ceux qui le dérangeait et qu'il a ignoré).