samedi 3 novembre 2012

Canada — Liberté d'expression et d'opinion menacée dans les universités

Il fut une époque où ceux qui se nomment en toute modestie « progressistes » étaient pour la liberté d'expression dans les universités, parfois même pour une opposition musclée à l'idéologie dominante.

Aujourd'hui que leur idéologie est dominante dans les médias, les écoles et les universités, il en va autrement. C'est ce qui ressort d'une étude effectuée par le Centre de justice pour les libertés constitutionnelles qui s'est penchée sur les politiques et surtout les actions de 35 universités canadiennes qu'ils s'agissent de leur administration ou de leurs associations étudiantes.


L'Index de liberté sur les campus, long de 15 pages, est basé sur un rapport de 188 pages, L'État de la libre expression sur les campus en 2012, qui fournit une analyse détaillée des politiques et des actions de chacune des 35 universités analysées.

Les universités suivantes ont obtenu un « F » pour leurs actions:

• l'Université McMaster et l'Université Wilfrid Laurier ont interdit l'expression « apartheid israélien ».

• L'Université McGill a interdit à un cercle juif d'appeler un événement «Israël Une-Partie» [Israel A-Party] et lui a ordonné de plutôt l'appeler « Une partie pour Israël ».

• L'Université de l'Île du Prince-Édouard a interdit la publication d'un numéro du journal du campus Cadre parce qu'il contenait des images du prophète Mahomet.

• L'Université York a forcé l'annulation d'une conférence du spécialiste des affaires proche-orientales Daniel Pipes, en facturant l'étudiant qui parrainait l’évènement des frais de sécurité exorbitants qu'il n'a pu acquitter.


•  L'Université d'Ottawa a menacé la journaliste américaine Ann Coulter de sanctions au civil et au pénal si elle osait exprimer son opinion de manière incorrecte lors d'une conférence, ensuite l'université n'a pas fourni de sécurité adéquate pour l’évènement  ce qui a permis à de bruyants manifestants  de forcer son annulation.


• L'Université Carleton a fait arrêter et menotter des membres de son cercle pro-vie du club menotté et les a accusés « d'intrusion » pour avoir tenté d'exprimer leurs opinions sur le campus.

• L'Université Dalhousie a annulé des conférences prévues sur son campus où participaient le « trop controversé » Jared Taylor et le député britannique George Galloway.

• L'Université Simon Fraser et l'Université de Calgary ont sciemment fermé les yeux sur l'obstruction physique faite aux affiches pro-vie présentes sur le campus : leur service de sécurité s'est borné à observer passivement alors que l'expression pacifique d'une opinion était rendue inutile et dénuée de sens par des brutes qui ont caché les affiches par des draps et des couvertures afin de censurer un message qui leur déplaisait.

• L'Université de Western Ontario, l'Université de Toronto et l'Université Carleton ont exigé que leur cercle pro-vie n'exprime l'opinion de ses membres que dans une pièce isolée afin de ne pas offenser les passants avec un message jugée impopulaire, tout en permettant à tous les autres cercles estudiantins d'afficher leurs messages dans des zones très passantes de leur campus.


L'Université de Calgary décide de protéger ses étudiants contre des images qu'elle considère choquantes... 


• L'Université Saint Mary a forcé l'annulation d'une conférence pro-vie en ne fournissant pas une sécurité adéquate pour permettre aux personnes présentes d'entendre ladite conférence.

• L'Université Concordia a toléré la perturbation d'une conférence pendant laquelle le candidat à la présidence de l'université, Alan Shepard, devait prendre la parole. L'université a également refusé d'accueillir sur le campus l'ancien Premier ministre israélien Éhoud Barak, prétextant des problèmes de sécurité.

Exemples d'associations étudiantes qui ont reçu un « F » pour leurs politiques, leurs actions, ou les deux :

• Les associations étudiantes des universités Carleton et Memorial (Terre-Neuve) ont refusé d'agréer le cercle pro-vie de leur campus, sur l'unique base des croyances de ces cercles.

• Les associations étudiantes des universités de la Saskatchewan, de Victoria, de Calgary, de   Western Ontario, de Guelph, McGill et Lakehead ont interdit du campus différents groupes pro-vie à différents moments ces dernières années. Parfois, ces clubs ne sont à nouveau agréés qu'à l'expresse condition qu'ils s'autocensurent alors que de telles restrictions ne sont imposées à aucun  autre cercle universitaire.

• La politique anti-discriminatoire [sic] de la Carleton University Students 'Association (CUSA) prévoit qu'« aucune ressource, aucun local, aucun financement de la CUSA ne sera alloué » à un large éventail de groupes, y compris la Heritage Foundation, un groupe de réflexion conservateur éminent et respecté aux États-Unis.

• Le comité sur l'équité de l'Association des étudiants de l'Université McGill (AEUM) a le pouvoir de supprimer le financement d'un cercle si ce comité décide que l'action ou les opinions dudit cercle contreviennent à sa politique d'équité formulée de manière vague et en termes larges.

« Ces résultats confirment ce que de nombreux observateurs ont observé depuis longtemps: l'enseignement supérieur au Canada manque à son devoir de favoriser le libre examen, la réflexion critique et honnête et la quête de la vérité », a déclaré le co-auteur du rapport, Michael Kennedy.

« Les universités justifient leur censure pour des raisons de sûreté et de sécurité, elles pensent que les gens ont un droit à ne pas être offensés par ce qu'ils voient ou entendent sur ​​un campus, et croient qu'elles doivent se plier aux menaces de potentiels manifestants violents en censurant des opinions impopulaires », a déclaré le co-auteur John Carpay, président du Centre de justice pour les libertés constitutionnelles.

Le rapport se concentre plus particulièrement sur les universités anglophones, nous reproduisons toutefois ci-dessous quelques extraits du rapport portant sur deux universités francophones du Québec :


Université de Montréal

Politiques et principes de l’association étudiante: D 

L’association étudiante de l’Université est la Fédération des Associations Étudiantes du Campus de l’Université de Montréal (FAECUM). Cette association a plusieurs règlements, institués par elle-même ou dont elle profite, qui font en sorte qu’elle réduit sérieusement la liberté d’expression de ses membres.

Le premier règlement en question est la Loi sur l’accréditation et le financement d’association d’élèves ou d’étudiants. Cette loi stipule à son article 26 :
 « Dans un établissement d'enseignement, tout élève ou étudiant représenté par une association d'élèves ou d'étudiants accréditée ou toute association d'élèves ou d'étudiants représentée par un regroupement d'associations d'élèves ou d'étudiants accrédité, est réputé membre ».
Lesdits étudiants sont aussi obligés de payer une cotisation. Le montant de la cotisation est fixé par l’association étudiante. La partie de la Loi pouvant entraîner des restrictions à la liberté d’expression est qu’elle autorise les associations étudiantes à prendre position et financer des campagnes sur des enjeux publics. Il y a donc une forte possibilité que des étudiants ayant des opinions politiques diamétralement opposées à celle de la FAECUM se retrouvent forcés de financer, via leurs cotisations obligatoires, des campagnes soutenant des valeurs auxquelles ils ne s’associent pas.

Source

Les règlements de la FAECUM donnent aussi le pouvoir à l’exécutif de celle-ci de prendre position sur des dossiers politiques et d’engager des fonds pour les défendre sans consulter ses membres. Cela vient du fait que la FAECUM est, par définition, une fédération d’associations étudiantes et donc ne peut pas consulter directement ses membres sans passer pas ses associations facultaires. De plus, les positions prises par la FAECUM doivent, en théorie, obligatoirement être appuyées par les étudiants lors des assemblées générales. Il y a donc une claire violation de la liberté d’expression. La direction de la FAECUM se réserve aussi le pouvoir exclusif d’accréditer ou non des regroupements d’étudiants et donc de leur consacrer un budget. Il n’existe aucun article dans le règlement disant que le fait d’accréditer ou non un regroupement ne doit pas être basé sur des motifs discriminatoires particulièrement quant aux idées et valeurs véhiculées par le regroupement.

De plus, contrairement à l’Université qui permet à un étudiant se croyant lésé dans ses droits de contester une décision, il n’existe aucune procédure semblable au niveau de la FAECUM. C’est particulièrement ce facteur qui nous conduit à accorder la note de « Médiocre » à la FAECUM.


Université du Québec à Montréal

2. Actions universitaires de la dernière année : D 

Lors de la dernière année universitaire, le gouvernement du Québec a décrété une hausse des frais de scolarité pour les cinq prochaines années. En réponse à cela de nombreuses associations étudiantes ont commencé un mouvement de boycott de cours, dès février 2012. Des assemblées générales ont eu lieu, avec des taux de participation (selon l’assemblée et la faculté) variant autour de 10 à 20 % où les étudiants se sont, en majorité, exprimés pour le boycott de cours (seule la faculté de gestion ayant accepté une seule journée de boycott symbolique). L’université, malgré que les associations étudiantes dépendent de nombreuses ressources universitaires (locaux d’association, location de salles pour assemblées générales…) a laissé les étudiants décider eux-mêmes du boycott
ou non des cours. On peut voir cela d’un point de vue favorable à la liberté d’expression, l’université étant clairement en défaveur d’un tel boycott, et s’exprimant à l’occasion pour convaincre les étudiants d’abandonner le boycott).

Là où le bât blesse, par contre, c'est que de nombreux étudiants n’ayant pu voter/ne voulant pas voter pour de multiples raisons (ou ayant perdu le vote) s’objectaient à ce que d’autres étudiants aient un pouvoir de décision sur leur volonté personnelle d’étudier ou pas. Pour faire « respecter » ces votes de boycott, des étudiants en boycott se sont mis à piqueter les entrées de classe des facultés en boycott, et en allant perturber les cours d’autres étudiants n’étant pas en boycott. L’UQAM a abandonné ses responsabilités envers les étudiants subissant un boycott en n’intervenant pas pour que ces étudiants aient accès à leurs salles de classe (en violation avec l’article 2.1 du règlement 10). Cependant, elle a aussi assumé ces mêmes responsabilités pour les étudiants n’ayant pas voté en faveur du boycott, en engageant du personnel de sécurité supplémentaire pour que cessent les actions de perturbation à l’égard de la faculté de gestion.

Il est à noter que ce mouvement de boycott n’était pas exclusif à l’UQAM, bien qu’elle en fût l’épicentre, à cause de sa proximité avec le centre-ville et des services de transport en commun. Notamment, l’UQAM est située à quelques mètres à peine du parc Émilie-Gamelin, lieu de départ de la quasi-totalité des manifestations étudiantes du printemps et de l’été. On peut donc comprendre la direction de vouloir limiter les interventions politiques (comme permettre aux étudiants en boycott de suivre leurs cours malgré tout) pour éviter de plus grands problèmes. Cependant, on ne peut excuser que l’UQAM ait choisi d’appliquer ces propres règlements, censés garantir la liberté de circulation, que lorsqu’elle le voulait.

Le conflit étudiant a généré beaucoup de bruit et les sessions d’hiver et d’été ne sont donc pas des sessions typiques, ce qui est peu favorable pour évaluer les actions de l’université en ce qui a trait à la liberté d’expression. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de respecter les droits des étudiants de suivre leurs cours, l’UQAM s’en est remise à une démocratie étudiante douteuse plutôt que d’assumer entièrement ses responsabilités pour permettre à tous les étudiants (pas simplement ceux étudiant en gestion) d’aller à leurs cours s’ils le souhaitaient.









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