samedi 17 mars 2012

Mathieu Bock-Côté : Bureaucratie ou démocratie ?

Le portrait de l’État québécois publié par le Journal est percutant. Il montre à quel point notre État est victime d’obésité morbide. Chacun s’indigne légitimement du coût astronomique d’une telle dérive. Nous ne savons plus comment freiner la croissance de la bête. L’État ne travaille plus pour la société. Mais la société travaille pour l’État. L’État est principalement occupé à entretenir sa propre expansion. On le voit au ministère de la Santé avec les cadres qui s’y multiplient sans raison. Depuis trente ans, nous savons pourtant que l’État s’empâte. Les gouvernements promettent de dégraisser le mammouth. Sans réussir. Pourquoi ? Parce que la démocratie a capitulé devant la bureaucratie. La première est moins forte que la seconde. Le vrai pouvoir, dans l’État, dépend de moins en moins du gouvernement élu et se trouve de plus en plus localisé dans la bureaucratie. Le peuple peut bien voter comme il veut, sa volonté est marginale dans les orientations collectives. Un peu comme s’il était de trop.

Pédagocratie délirante

Le meilleur exemple est celui de l’éducation. Depuis vingt ans, la plupart des ministres de l’Éducation ont cherché à ramener l’école à sa mission fondamentale : instruire et transmettre des connaissances. Ils ont voulu la déprendre des idéologues du Ministère. Mais ce n’est pas l’avis de ces derniers. Le ministère de l’Éducation est un État dans l’État. Une pédagocratie. Ses fonctionnaires tiennent à la réforme scolaire et à sa pédagogie délirante. Pire : ils se prennent pour des scientifiques de ­l’éducation. Alors, la bureaucratie de l’éducation se dit que les ministres finissent bien par passer. Et freinent le gouvernement. Jusqu’ici, ils ont réussi leur blocage. Ils maintiennent ainsi leur contrôle sur une école québécoise détournée de sa mission. Le problème déborde évidemment l’éducation.

Facile à retracer

Le chemin que suivent plusieurs programmes gouvernementaux est souvent facile à retracer. Une agence gouvernementale, en lien avec certains lobbies, se convainc qu’il y a un problème. Ses experts élaborent une politique « indispensable ». Ils la font remonter au ministre. Celui-ci a deux choix. Soit il la signe. Soit il refuse. Alors, on prendra son mal en patience et on la soumettra au prochain ministre. Qui finira bien par signer. Conséquence ? Trop souvent, un ministre plus ou moins compétent endossera une idée qu’il aurait critiquée avant de se retrouver en poste. Tout cela correspond au sentiment de supériorité des bureaucrates. Tant qu’ils ne l’ont pas balisé de normes et de règlements, ils s’imaginent la société victime d’un chaos anarchique. Tout ce qui n’est pas estampillé du tampon bureaucratique est suspect. Comme si l’administration publique devait recouvrir l’ensemble de la vie en société. Il ne s’agit évidemment pas de virer libertarien. L’État québécois aura toujours une mission nationale. De la Caisse de ­dépôt à Hydro-Québec à l’OQLF, il ne manque pas d’institutions à préserver. Sauf exception, les défenseurs de l’État minimal sont aussi des partisans de l’identité minimale. Débureaucratiser l’État ne veut pas dire le démanteler. Encore moins l’abolir. Mais la chose est simple : ce n’est plus dans l’intérêt des Québécois de se lover dans les replis du mammouth. Un État obèse n’est pas fort. Il est paralysé et ­finalement impuissant sur l’essentiel.




Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

Aucun commentaire: