Entre 2012 et 2020, la proportion de Québécois qui peinent à comprendre un texte complexe serait passée de 53,2 % à 47,8 %. L’analyse publiée mercredi indique que ces progrès proviendraient surtout du remplacement des générations des plus âgées par une cohorte de jeunes plus scolarisés.
Cependant, toutes les classes sociales, tous les groupes d’âge et toutes les régions du Québec comportent leur lot d’analphabètes, se désole le président de la Fondation pour l’alphabétisation, André Huberdeau. « Même les gens en maîtrise à l’Université ! Vous seriez surpris. Parfois, je recevais des rapports ou des examens et j’étais obligé de lire à voix haute pour comprendre ce qu’il me disait. » Selon les estimations de l’étude, près d’un quart des Québécois avec un diplôme universitaire seraient considérés comme analphabètes fonctionnels.
L’analphabétisme débute lorsque les textes moindrement difficiles donnent du fil à retordre, selon M. Huberdeau. « Vous comprenez les mots qui sont là, mais dès que ça devient un peu complexe, un peu compliqué, vous décrochez. »
La tâche devient rapidement impossible dans une époque où le numérique se retrouve partout. André Huberdeau cite un exemple parmi d’autres : une entreprise de porte et fenêtre qui décide d’informatiser son entreprise.
« Les machines fonctionnaient bien, mais les employés avaient de la difficulté à rentrer en interaction avec la machine. La machine produisait des rapports qu’il fallait comprendre pour calibrer la machine et qu’elle soit plus précise. C’est là qu’on s’est aperçu que la majorité des travailleurs de l’entreprise avaient de la difficulté à lire et à écrire. Dans le fond, on investit des centaines de milliers de dollars dans la machinerie, mais les employés du jour au lendemain devenaient inefficaces, improductifs. »
L’étude suggère que le seul fait de combler l’écart entre le Québec et l’Ontario au sujet de l’analphabétisme permettrait à la belle province d’économiser 4,9 milliards de dollars.
Le rôle des entreprises
Dans les résidences de personnes âgées dont il assure la gestion, Frédéric Soucy est à même de constater les coûts de l’analphabétisme. D’une part, nombre de ses employés sont nés à l’étranger et ne possèdent pas un niveau standard de français. D’autre part, l’omniprésence des technologies force tous ses employés à savoir manier mots et écrans. « Pour les gens qui prennent soin des aînés, tout fonctionne maintenant sur un téléphone intelligent », relate-t-il. « Ils voient leur journée sur l’informatique. Si tu n’es pas capable de lire la tâche, ça devient compliqué. »
Ce n’est pas qu’au ministère de l’Éducation et aux professeurs qu’incombe la tâche d’apprendre à lire et à écrire. Il en va d’un « devoir corporatif » d’assurer une formation continue, fait remarquer le président de la Société de gestion Cogir. « Il faut faire réaliser à ces gens que leur potentiel, ce n’est pas nécessairement de rester dans le poste qu’ils ont. Il faut regarder les postes qui sont au-dessus et où il y a un besoin de littéracie ou de numéracie plus fortes. Si on peut les aider, ça va être accessible pour eux. On va payer les formations. »
Le vice-président au centre de formation économique du Fonds de solidarité FTQ, Serge Cadieux, abonde dans le même sens. Différents programmes existent au Québec pour assurer la mise à niveau des employés. « Les nouveaux emplois qui arrivent sur le marché du travail nécessitent une compréhension de texte qui est un peu plus complexe que de lire une étiquette qui est simple. Les emplois sont plus techniques et demandent un meilleur niveau en littéracie. »
André Huberdeau signale que, malgré les progrès, le Québec demeure au dixième rang canadien en termes de littéracie. Pour réécrire la statistique, il n’y a pas de solution unique. « Il faut s’adapter. Mais, la formation en entreprise sera une des clés du succès. »
Source : Le Devoir
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L’alphabétisation de la population de la ville de Québec de 1750 à 1849
https://www.erudit.org/revue/haf/1985/v39/n1/304327ar.pdf
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