lundi 1 novembre 2021

Bjorn Lomborg : « Le changement climatique n’est pas la fin du monde »

Comme Michael Shellenberger, Bjorn Lomborg, statisticien danois, considère qu’il existe des problèmes plus prioritaires que le réchauffement climatique. Bjorn Lomborg, fondateur du réseau pensant le Copenhagen Consensus Center, s’interroge sur un discours alarmiste et contre-productif. Chroniqueur au Wall Sreet Journal, il est résolument confiant dans les capacités d’innovation de l’humanité. Il a accordé un entretien à l’hebdomadaire français Le Point

 


Le Point — Vous estimez que la peur du changement climatique est exagérée. Pourquoi ?

Bjorn Lomborg. — Le changement climatique ne représente qu’une infime partie des centres d’intérêt du Copenhagen Consensus Center. En son sein, nous cherchons à savoir comment utiliser les ressources collectives au mieux, pour le plus grand bénéfice de l’humanité. Or il s’avère qu’il existe de nombreux autres domaines dans lesquels on peut faire beaucoup de bien par dollar dépensé. Les maladies infectieuses, la nutrition des jeunes enfants, la santé maternelle et néonatale… Par exemple, chaque année, 1,5 million de personnes meurent de la tuberculose. Pourquoi n’en parlons-nous pas davantage ? Nous ne devrions pas nous concentrer uniquement sur le réchauffement de la planète.

Je suis spécialiste en sciences sociales : je prends pour argent comptant ce que les spécialistes des sciences naturelles nous disent, à savoir que le réchauffement climatique est réel, qu’il est dû à l’homme et aux gaz à effet de serre, et qu’il aura un certain nombre d’effets négatifs significatifs. Mais, face à ces faits, je pose la question suivante : quel sera son véritable impact ? Par exemple, on prévoit que le niveau des mers augmentera de 0,5 à 1 mètre d’ici la fin du siècle. Dans le monde, 187 millions de personnes vivent sur des terres situées à moins d’un mètre du niveau moyen ou élevé de la mer. On entend régulièrement dire que 187 millions de personnes vont devoir déménager d’ici la fin du siècle, ou même que 187 millions de personnes vont se noyer. C’est faux. Tout d’abord, elles ne se noieront pas, car elles auront quatre-vingts ans pour se préparer. Surtout, en disant cela, nous faisons comme si aucune nation n’allait construire davantage de défenses maritimes. Or, à mesure que le niveau de la mer va augmenter, la plupart des sociétés vont évidemment mieux s’en protéger. En tenant compte de l’enrichissement à venir de nos sociétés, peut-être qu’environ 300 000 personnes, selon mes calculs, devront se déplacer, sur une population d’environ 9 milliards d’individus. C’est un résultat très différent : l’un est une catastrophe, l’autre est un problème. C’est pourquoi j’estime que le changement climatique n’est pas la fin du monde.

– Le problème migratoire sera aggravé par d’autres problèmes : plus le monde se réchauffe, moins il y a de lieux adaptés à la vie humaine…

– Il y a certainement un ensemble de défis à affronter. Mais rappelez-vous qu’en 1900, par exemple, les gens avaient une vision pessimiste de l’avenir. Entre-temps, l’humanité a développé énormément de solutions, que personne ne prévoyait, comme les antibiotiques ou Internet. De même, nous faisons l’erreur de ne pas prendre en compte le fait qu’à la fin du siècle, selon la plupart des scénarios, nous vivrons plus longtemps, nous serons mieux éduqués, et nous aurons des revenus plus élevés. Les gens devront se déplacer, mais seront mieux lotis à presque tous les égards.

Bjorn Lomborg
— Selon les projections économiques, le changement climatique aura également un impact sur le PIB…

– Le seul économiste spécialiste du climat à avoir reçu le prix Nobel d’économie, William Nordhaus, estime que d’ici la fin du siècle, si nous ne faisons rien, le coût du changement climatique se situera entre 3 et 4 % du PIB. N’oubliez pas que d’ici là, notre PIB par personne sera bien plus important qu’il ne l’est aujourd’hui. Cela signifie que nous serons mieux lotis, mais seulement un peu moins que si le réchauffement climatique n’existait pas. Une histoire très différente de celle selon laquelle « nous allons tous mourir ».

– Des boucles de rétroaction non linéaires — quand des conséquences environnementales néfastes rétroagissent sur leurs causes, ce qui accroît le phénomène — pourraient avoir des effets fort néfastes. Il est donc rationnel de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter une situation très improbable, mais à haut risque : que la Terre devienne inhabitable.

– Tout à fait. L’économiste et lauréat du prix Nobel Thomas Schelling a été l’un des premiers à faire cette remarque en 1992. Mais vous ne pouvez pas vous contenter de souligner l’existence d’une probabilité non nulle que quelque chose de terrible se produise pour justifier qu’on la traite en priorité sur les autres. Pourquoi alors ne pas en faire davantage pour prévenir une guerre nucléaire, le bioterrorisme, la gelée grise ou les risques liés à l’intelligence artificielle ? Il existe un nombre presque infini de risques qui pourraient potentiellement éradiquer l’humanité et contre lesquels nous pourrions dépenser une quantité infinie d’argent. Or nous ne le faisons pas. Un exemple : à la fin des années 1990, des scientifiques ont commencé à repérer dans l’espace des objets géocroiseurs — des astéroïdes qui pouvaient frapper la Terre et éradiquer l’humanité. La Nasa avait la possibilité de cartographier la plupart d’entre eux, mais le Congrès américain a refusé de dépenser les sommes nécessaires. Au lieu de vouloir sauver l’humanité en nous concentrant sur un seul sujet, il vaut donc mieux nous assurer qu’à l’avenir nos enfants et petits-enfants soient plus prospères et savants et se tirent seuls d’affaire.

– Vous soulignez aussi certains impacts positifs du changement climatique. Quels sont-ils ?

– Dans l’ensemble, le réchauffement climatique a bien plus d’impacts négatifs que positifs [Il n’est pas évident que ce bilan soit négatif dans des pays très froids comme le Québec.] Pour autant, ceux-ci existent : ainsi le monde est devenu beaucoup plus vert au cours des trente dernières années grâce aux émissions de CO2. On n’en parle jamais ! Ou encore, aujourd’hui, il y a environ neuf fois plus de décès dus au froid qu’à la chaleur. Mais, avec l’augmentation des températures, il y a plus de morts causées par le froid évitées que de morts supplémentaires provoquées par la chaleur, même si cette tendance risque à terme de s’inverser.

– Si l’on vous suit, il faut s’attaquer au changement climatique avec prudence. Que recommandez-vous ?

–  À la fin des années 2010, les Nations unies ont constaté que ces années avaient été une « décennie perdue » à cause d’opportunités manquées. Il était impossible de savoir, concluaient-elles dans un rapport, si les actions entreprises depuis 2005 avaient eu un effet. Malgré quinze ans de discussions dans diverses conférences, la situation semblait figée. Il est évident que certains pays, durant cette période, se sont décarbonés, mais, dans le même temps, la Chine s’est enrichie et a émis bien plus de carbone. Cela suggère que la méthode actuelle, de surcroît fort coûteuse, n’est pas la bonne. Que faire alors ? Pour commencer, examiner le coût des effets du changement climatique et le comparer à celui de la politique environnementale à mettre en œuvre : c’est ce que fait l’économie du climat. On devrait imposer une taxe carbone faible, mais croissante sur toutes les émissions de gaz à effet de serre, de préférence au niveau mondial, afin de réduire les pires effets du réchauffement. Mais cela ne sera pas suffisant. C’est pourquoi nous avons aussi besoin d’innovation. Nous essayons de résoudre un problème significatif avec une méthode qui n’a jamais fonctionné auparavant : demander à nos congénères de vivre avec moins. En regard, nous avons toujours, historiquement, répondu aux défis qui se posaient à nous par l’innovation. Dans les années 1960, lorsque nous nous sommes inquiétés de la pénurie de nourriture en Afrique et en Asie du Sud, on a lancé la « révolution verte ». Nous devrions faire de même pour l’énergie.

– Certaines solutions innovantes peuvent créer des problèmes pires que les avantages qu’elles apportent. Prenez, par exemple, la géo-ingénierie [l’ensemble des techniques et pratiques mises en œuvre ou projetées dans une visée corrective à grande échelle d’effets de la pression anthropique sur l’environnement, NDLR].

– Tout ce que nous pourrons faire pour réduire les émissions aura forcément un impact négatif. Cependant, je n’ai jamais prôné la géo-ingénierie, car elle est potentiellement dangereuse. J’estime, en revanche, que nous devrions mener des recherches pour savoir si elle est ou non une option envisageable. Plus largement, il est réaliste de penser que les grandes découvertes prendront du temps : elles se produiront plutôt au cours du prochain demi-siècle.

– Vous avez été souvent pris pour cible par des experts qui vous reprochent de faire un mauvais usage des modèles scientifiques. Quelle est votre réponse ?

–  Je prends ces critiques au sérieux. Pour autant, je suis rarement critiqué pour utiliser de bons ou de mauvais modèles, mais parce qu’on n’apprécie pas mes conclusions politiques. On m’accuse de sous-estimer le coût du changement climatique, mais je cite en réalité la seule personne à avoir obtenu le prix Nobel d’économie pour ce travail. Certes, il est peu probable qu’une seule personne ait cerné l’ensemble du domaine de manière absolument correcte, mais il est légitime, lorsque tant de militants veulent dépenser des milliers de milliards d’euros pour lutter contre le changement climatique, d’évaluer avec soin son ampleur et ses conséquences.

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