Pour Bruno Alomar, économiste et professeur à Sciences-po, la conversion de l’icône du climat au nucléaire est la preuve que le réel finit toujours par renverser l’idéologie :
L’Europe gelée, victime collatérale consentante, du Grand Jeu américain contre la Russie ? |
« Enfin Greta adouba l’énergie nucléaire », serions-nous tentés de nous écrier pour saluer la jeune Greta Thunberg, égérie de l’écologie politique, qui a déclaré le 11 octobre à la télévision allemande qu’il serait sans doute préférable de prolonger les activités des centrales nucléaires plutôt que de rouvrir des centrales à charbon. Voilà le nucléaire civil sauvé ! Les autorités politiques nationales et européennes n’ont plus qu’à obtempérer. D’ailleurs la Suède l’a bien compris, qui a annoncé la construction de nouveaux réacteurs nucléaires quelques jours après ces déclarations.
Le propre du réel, est que, tout ou tard, il renverse l’idéologieDisons-le sans ambages : la façon dont les médias, le monde politique, en un mot l’Occident s’en laisse compter par une jeune fille — dirions-nous une gamine ? — inexpérimentée ne lui fait pas honneur. Et si de beaux esprits citeront avec emphase le rôle de l’enfant du conte d’Andersen qui ose seul dire que le « roi est nu », il faut plutôt voir dans les fureurs de Mademoiselle Thunberg une lointaine réminiscence de ces enfants destructeurs que le Moyen-Âge et la Renaissance ont connus, qu’il s’agisse des pastoureaux ravageant la France ou des séides de Savonarole brûlant les œuvres d’art dans la Florence du Quattrocento.
Le propre du réel, est que, tout ou tard, il renverse l’idéologie. Alors que le réel frappe à notre porte, beaucoup de certitudes tombent, et pas seulement celles de Mlle Thunberg. Trois exemples l’attestent. Les écologistes ont entraîné le monde dans une transition si rapide qu’elle est pour partie ratée.
Le premier, tient donc à l’énergie. L’idéologie environnementale a causé des dégâts immenses et durables. Car au mépris des réalités, les écologistes ont entraîné le monde dans une transition si rapide qu’elle est pour partie ratée. Comprenons-nous bien : le développement d’alternatives aux énergies fossiles, une utilisation mesurée des ressources sont indispensables. L’UE a d’ailleurs plaidé en ce sens dès 2000. Mais tout est question de mesure, de cette mesure dont Nietzsche disait qu’elle est le plus sûr acquis de l’expérience, et dont les écologistes radicaux sont à l’évidence dénués… quel que soit leur âge.
Le second tient à la question de la défense. Durant des années, bercée de l’illusion des dividendes de la paix, se croyant si moderne que seule elle avait compris que le doux commerce allait mettre fin aux conflictualités, l’Europe a regardé avec suspicion les questions militaires. Il était temps d’en finir — si besoin en les privant de financement — avec ces entreprises que l’on condamnait tels les « marchands de canons » de l’entre-deux-guerres. Et puis la guerre en Ukraine survint. Et dans un mouvement de panique, après avoir stigmatisé les entreprises de défense, l’on — c’est-à-dire financiers, journalistes, politiques — s’est souvenu que, peut-être, il était nécessaire de savoir se défendre. Que l’industrie de défense c’était aussi non seulement des emplois, non seulement de l’innovation, mais bien plus encore la colonne vertébrale de cette réindustrialisation qui est devenue un nouveau mantra.
Ce ne sera guère mieux l’année prochaine, puisque la COP-28 se tiendra aux Émirats arabes unis, un pays qui doit sa prospérité au pétrole et au gaz au point d’avoir choisi de faire figurer sur son drapeau la couleur noire, pour l’« or noir ». L’année prochaine, l’Union européenne sera de nouveau désavouée.
La COP-27 aura surtout servi à montrer à l’UE que les pays africains ont l’intention de se développer et que cela ne se fera qu’en augmentant les émissions de CO2.
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