mercredi 25 août 2021

La campagne centralisatrice de Justin Trudeau

Un texte de Mathieu Bock-Côté :

Justin Trudeau, apparemment, manque d’idées pour mener sa campagne.

On lui demandera légitimement pourquoi il s’y est lancé.

Mais l’essentiel est ailleurs : c’est que Justin Trudeau, ou du moins, ceux qui pensent pour lui, a décidé de mener une campagne dans les champs de compétences provinciales, comme on le voit avec son obsession de mettre partout ses pattes dans le domaine de la santé, des garderies et des CHSLD.

Ses idées sont celles d’un Premier ministre provincial. En gros, il a décidé de ne pas se mêler de ses oignons.

Soumission

Il se justifie en expliquant que c’est ce que les Canadiens demandent. C’est aussi ce que répètent ses perroquets du commentariat fédéraliste le plus servile, qui devraient avoir honte de manquer à ce point de loyauté envers le Québec.

Ne nous trompons pas : la faute n’en incombe pas exclusivement à Justin Trudeau. C’est dans la nature même du Canada de dévorer ses provinces, de les infantiliser.

Dans les faits, Justin Trudeau ne fait que donner une nouvelle poussée à une tendance lourde inscrite dans l’histoire de la fédération canadienne, surtout depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale.

Maurice Lamontagne, dans son ouvrage classique sur le fédéralisme canadien, appelait cela « l’intégration lucide ».

Pour lui, le Canada, s’il voulait se comporter comme un véritable État moderne, devait s’investir pleinement dans son gouvernement central. La construction de l’État-providence devait se faire à partir d’Ottawa pour être efficace et rationnelle.

Les provinces, pour lui, étaient des entités archaïques, plus vraiment pertinentes à l’échelle de notre époque. Lamontagne avait tendance à les voir comme de grosses municipalités. Cette vision s’est radicalisée au fil des décennies.

Ainsi, on s’en souvient, depuis Paul Martin, Ottawa a tout fait pour entretenir des relations directes avec les grandes villes du Canada, comme si elles étaient désormais ses partenaires privilégiées dans la construction du pays, les provinces étant encore une fois considérées comme quantité négligeable.

Pour s’imposer comme seul gouvernement vraiment important, Ottawa utilise tous les moyens nécessaires pour cela. Il fixe des normes pancanadiennes. Il conditionne ses investissements et transferts à des conditions lui permettant d’uniformiser les systèmes sociaux dans la fédération.

Provinces

Mais cela s’inscrit aussi dans la logique centralisatrice inscrite dans les origines du pays. Les Québécois, on le sait, s’identifient d’abord et avant tout au Québec, qu’ils considèrent avec raison comme leur État national.

Il n’en est pas ainsi dans le reste du Canada, où les provinces sont d’abord vues comme des entités administratives alors que le vrai gouvernement national est situé, dans leur esprit, à Ottawa. Il y aurait certes des nuances à faire dans l’Ouest, mais fondamentalement, la tendance lourde ne change pas.

Autrement dit, derrière ce dérèglement administratif et constitutionnel, on trouve, encore une fois, la question nationale, supposément dépassée.

Cette tendance est dévastatrice. Elle nous habitue à intérioriser toujours plus l’idée qu’Ottawa gouverne, et que Québec fait ce qu’il peut avec les moyens qu’on lui laisse.

Rien ne laisse croire, pourtant, qu’elle va changer.

 

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