mercredi 11 décembre 2019

Faux autochtones et aborigènes, mais vrais opportunistes

Au Canada, selon plusieurs chefs autochtones, de plus en plus de personnes se font frauduleusement passer pour des membres de leurs communautés, ce qui les inquiète et les choque.

Ce fait ne semble pas limité au Canada, on a ainsi vu la candidate démocrate Elizabeth Warren qu’elle était d’origine amérindienne. Des tests ADN qu’elle a elle-même présentés suggèrent plutôt qu’elle pourrait avoir 1/1024 de sang indien (si tant est que les tests sont fiables à un si petit pourcentage), moins que la moyenne des Américains. L’université Harvard avait inscrit Warren comme Amérindienne dans ses formulaires fédéraux relatifs aux politiques de discrimination positive de 1995 à 2004. Dans une interview, Elizabeth Warren a déclaré qu’elle avait l’intention de présenter des excuses pour s’être étiquetée comme amérindienne à l’Université de Pennsylvanie et à l’Université de Harvard. Elle a donné la même réponse lorsqu’on lui a demandé si cela incluait le fait qu’elle avait déclaré être membre d’une minorité dans le répertoire de l’Association of American Law Schools.

Bruce Pascoe (photographié)
dénoncé dans la presse australienne
En Australie, l’auteur à succès Bruce Pascoe prétend aussi être en partie aborigène. Il est surtout connu pour son ouvrage Dark emu : Black seeds: agriculture or accident ? « qui réexamine les récits coloniaux des peuples autochtones en Australie et cite des preuves des débuts de l’agriculture, de l’ingénierie et de la construction de bâtiments ». L’ennui c’est que les sources qu’il cite dans son ouvrage — quand elles existent vraiment — affirment plutôt l’inverse. En outre son ascendance aborigène, sur lequel il insiste beaucoup, est sérieusement mise en doute. Voir Dark Emu Exposed qui confronte les affirmations de son livre avec les sources que Pascoe cite. Sur sa généalogie voir Is Bruce Pascoe an Aboriginal man ?. « Pascoe n’a pas d'ascendance aborigène et ses prétentions sont absurdes », a déclaré Michael Mansell via le Tasmanian Aboriginal Land Council, concernant la revendication de Pascoe quant à son héritage aborigène. « Nous n’acceptons pas du tout que M. Pascoe possède des ancêtres Boonwurrung », a déclaré Jason Briggs au nom du Conseil Boonwurrung. Il est allé plus loin pour dire que Pascoe « devrait parler de sa véritable ascendance et cesser de tromper et de bénéficier de l’intégrité culturelle de notre communauté ».

Le diffuseur public australien (ABC) a tourné un documentaire en deux parties basé le livre primé de Pascoe, Dark Emu. Il sera bientôt diffusé. Selon celui-ci, contrairement aux sources européennes, les Aborigènes n’étaient pas des chasseurs-cueilleurs primitifs, mais des agriculteurs perfectionnés avec une « industrie agricole » — des champs labourés, de grands villages et d’immenses greniers aériens. Tout cela réduit à néant par des hommes méchants aussi blancs que, euh, le visage de Bruce Pascoe. C’est le genre de sanglot de l’homme blanc que les progressistes « éveillés » adorent ces jours-ci. Pascoe a donc reçu le prix du Premier ministre de la Nouvelle-Galles-du-Sud pour le livre de l’année et un autre du meilleur écrivain aborigène. Le Conseil australien lui a décerné un prix pour l’ensemble de ses réalisations. Il a même été nommé professeur à la faculté indigène de l’Université de technologie de Sydney.

Les preuves que les Aborigènes étaient en fait des agriculteurs rassemblées par Pascoe sont pour le moins douteuses. Pascoe a ainsi affirmé que l’explorateur Thomas Mitchell a écrit qu’il avait « une fois parcouru neuf milles de céréales arrimés » — des gerbes de grains coupées et entassées pour les faire sécher. En fait, Mitchell, dans son Journal of an Expedition Into the Interior of Tropical Australia de 1848, écrivait qu’il avait « compté neuf milles le long de la rivière pendant lesquels nous avons traversé une plaine herbeuse qui atteignait la sangle de nos selles », et que « des tas secs de cette herbe, qu’on avait arrachée expressément dans le but d’en récolter les graines, gisaient sur notre chemin sur plusieurs kilomètres ». Pour le journaliste Andrew Bolt dans le Herald Sun, Pascoe cite mal ses sources. La prairie faisait neuf milles. Les « épis arrimés » n’étaient que des tas d’herbe qui jonchaient le parcours, comme on peut s’y attendre de la part des chasseurs-cueilleurs. Andrew Bolt lui a posé des questions à ce sujet, mais n’a obtenu aucune réponse sur ces interprétations « osées » des sources historiques. Pas plus que lorsque Andrew Bolt l’a confronté aux archives officielles sur ses aïeuls en Australie, tous Anglo-saxons sur plus de trois générations.


Andrew Bolt (en anglais) sur la généalogie de Bruce Pascoe et comment les médias (surtout ABC) le couvrent.

Entretemps, au Québec...

En entrevue, Raphaël Picard, ex-chef de la communauté montagnaise de Pessamit, au Québec, dénonce les Indian Lovers déconnectés de la réalité du terrain. Les faux Autochtones sont-ils en train de se multiplier au pays de l’érable ?

Le 5 novembre dernier, les Canadiens ont appris que la toute première élue autochtone de la Ville de Montréal était loin de l’être réellement... En août 2018, la mairesse de cette ville, Valérie Plante, avait confié à Marie-Josée Parent le prestigieux dossier de la réconciliation avec les Premières Nations. Mme Parent a toutefois été forcée de se retirer du dossier après que deux historiens aient révélé qu’aucun ancêtre amérindien ne figurait dans son arbre généalogique. Dans leurs recherches, ces derniers ont remonté jusqu’au XVIIe siècle pour en venir à cette conclusion catégorique. « J’ai été élevée dans cette culture, avec ces valeurs et cette vision du monde. [...] Nos identités à moi et ma sœur vont au-delà d’un arbre généalogique », s’est défendue la principale intéressée dans une entrevue accordée à Radio Canada.

Faux Autochtones au Canada : pour un grand chef, « ça frise l’escroquerie ou la fraude ». Raphaël Picard est l’un de ces leaders amérindiens pour qui le récent phénomène des faux Autochtones représente une menace pour la survie même des Premières Nations. M. Picard a été chef (2002-2012) de la communauté montagnaise de Pessamit, sur la Côte-Nord du Québec. Paru en septembre dernier, son dernier ouvrage, Nutshimit, est un roman ethnographique consacré à l’imaginaire de son peuple. « Certaines personnes voudraient implanter une nouvelle manière de définir qui est Autochtone. Pourtant, la Loi fédérale sur les Indiens le définit déjà. Il y a des critères et l’origine ethnique en fait partie [...] Certaines personnes qui travaillent avec les Amérindiens développent un sentiment d’appartenance envers eux. Des gens finissent par s’autodésigner Autochtones, comme Marie-Josée Parent. C’est un problème. Concrètement, nous ne sommes pas des sociétés ouvertes », souligne d’entrée de jeu M. Picard à notre micro. Le 28 novembre dernier, M. Picard a publié une lettre sur le site de Radio Canada critiquant ces « Indian Lovers qui décident et agissent au nom des Premières Nations ». Dans cette lettre, l’ex-chef distingue les Amérindiens vivant sur leurs territoires d’une certaine diaspora autochtone urbaine, qu’il juge déconnectée de la réalité du terrain. Questionné à ce sujet par Spoutnik, M. Picard a tenu à redire son indignation : « Ce qui se passe à Montréal est injuste et anormal. Il y a des gens qui n’ont jamais vécu dans des communautés autochtones et qui prennent des décisions en notre nom, souvent par opportunisme. Ces orientations ont des répercussions importantes sur nos communautés, mais sont prises sans que nous soyons consultés », s’indigne-t-il. Raphaël Picard considère que les enjeux affectant les Autochtones en région sont trop grands pour qu’ils soient confiés à des organismes sans véritable lien avec le terrain. De fait, une majorité de communautés autochtones souffre de nombreux problèmes sociaux que les pouvoirs publics ont beaucoup de mal à enrayer. Pauvreté, manques de ressources en tout genre, alcoolisme, toxicomanie et inceste sont quelques-uns des plus graves problèmes recensés.

 « C’est une question de représentativité. Nous ne pouvons pas accepter que des gens méconnaissant notre réalité gèrent des organismes en notre nom. [...] À Montréal, il y a deux types de personnes. Premièrement, il y a les vrais Autochtones — les Indiens inscrits —, que nous respectons. Mais deuxièmement, il y a ces Indian Lovers, des gens qui disent aimer les Indiens... Ces gens essaient de se mêler à la diaspora autochtone de Montréal pour faire avancer leurs propres intérêts », dénonce le chef montagnais. Intellectuel engagé, Raphaël Picard estime même que le grand projet de réconciliation des Autochtones avec les Canadiens d’origine européenne est un leurre. Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le Premier ministre Justin Trudeau a d’ailleurs beaucoup insisté sur l’importance de revaloriser l’apport des Premières Nations. « L’une des causes de cette déconnexion entre les élites urbaines et la réalité autochtone sur les réserves est le projet de réconciliation. La réconciliation est utilisée à toutes les sauces par des personnes qui veulent obtenir des subventions ou des avantages. Nous ne voyons jamais la couleur de cet argent sur nos territoires. En Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, la réconciliation a été un énorme piège. Le Canada n’échappe pas à cette imposture », poursuit-il. Faute d’un rapide changement d’approche, M. Picard estime enfin que le phénomène des faux Autochtones est appelé à s’amplifier dans les prochaines années. Il s’inquiète aussi beaucoup pour l’avenir de son peuple : « La mondialisation a un effet pervers sur nos communautés. D’ailleurs, le multiculturalisme ne fait pas l’unanimité parmi nous, car il sert à noyer les minorités comme la nôtre [...] Que fera-t-on de nos langues ? Si on ne fait pas quelque chose, d’ici quelques années plus personne ne les parlera », a tristement conclu l’ancien chef de Pessamit.


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