mardi 26 juin 2018

Baccalauréat (licence) — le retard grandissant du Québec

Le taux de diplomation universitaire est beaucoup plus faible au Québec qu’ailleurs au pays et l’écart ne cesse de s’accroître, soutiennent des chercheurs du CIRANO dans un nouvel ouvrage, Le Québec économique. Éducation et capital humain. Ils attribuent cette situation à la « très forte sous-performance » des francophones et à un cheminement ralenti par l’obligation d’aller au cégep. « Contrairement aux attentes, on constate une sous-représentation de la diplomation québécoise dans l’ensemble de la diplomation canadienne pour la période 2001-12 », écrivent Robert Lacroix, ancien recteur de l’Université de Montréal, et Louis Maheu, ancien professeur de ce même établissement, dans un chapitre consacré à la diplomation universitaire.

Les Québécois représentent 23,3 % de la population canadienne, mais ils ne représentent que 22,0 % des diplômés. À titre comparatif, l’Ontario, qui est « la province dominante en diplomation universitaire », forme 44,7 % des diplômés universitaires au Canada, alors que sa population constitue 38,5 % du total canadien. Les auteurs ajoutent que « la forte croissance de l’écart entre les taux de diplomation au baccalauréat de l’Ontario, du Canada et du Québec est frappante » et ils tentent, pendant près d’une trentaine de pages, d’expliquer cette « dégradation graduelle » du système universitaire québécois. Robert Lacroix et Louis Maheu évoquent « un effet collatéral et non anticipé de la structure même du système d’éducation postsecondaire particulier au Québec », rappelant qu’ailleurs au Canada, les jeunes passent directement du secondaire à l’université. « Bon nombre des diplômés des études préuniversitaires collégiales sortent du cégep à un âge plus avancé que prévu et, pour certains, déjà passablement endettés, ayant eu accès au régime de prêts et bourses du gouvernement québécois. Ils décident donc de remettre leurs études universitaires à plus tard ou de les poursuivre le soir tout en travaillant le jour. »

Un problème francophone au Québec

Selon cette étude, la piètre performance du Québec à l’échelle canadienne « découle essentiellement de la faible diplomation des francophones » au baccalauréat. Et si le Québec fait meilleure figure quant aux études supérieures (maîtrise et doctorat), c’est « dû à la surreprésentation des diplômés […] de langue maternelle anglaise et d’autres langues maternelles dans le total des diplômés du Québec ». Pour en arriver à cette conclusion, les auteurs ont mis en comparaison le taux de diplomation des francophones, celui des anglophones et celui des allophones du Québec par rapport à leur poids démographique. « La sous-représentation des diplômés de langue maternelle française, présente au niveau du baccalauréat, est encore plus marquée à la maîtrise et devient dramatiquement forte au doctorat. » Pourtant, les anglophones vont eux aussi au cégep, reconnaissent les auteurs. Ils expliquent la différence de performance par des « facteurs culturels » liés à une longue tradition de valorisation des études supérieures chez les anglophones. Enfin, ils notent que les francophones sont davantage attirés par les formations universitaires plus courtes, comme les certificats et les attestations « qui peuvent avoir une certaine valeur et desservir certains segments du marché du travail, [mais qui] ne procurent toutefois pas la formation disciplinaire complète que fournit le baccalauréat ».

Gagnants et perdants

Reconnaissant que la Commission Parent et feu Paul Gérin-Lajoie ont permis une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur au Québec depuis 50 ans, les auteurs remettent toutefois en cause son héritage. « Force est de reconnaître, pourtant, que l’essentiel est ailleurs : il ne faut pas seulement accéder à l’université, mais aussi en sortir en ayant acquis un grade universitaire en bonne et due forme […] Les grands gagnants au Québec sont les allophones et les anglophones », écrivent-ils. « Cinquante ans après les réformes de la Commission Parent, essentiellement mises en place par et pour les francophones, leurs répercussions effectives en ce qui a trait spécifiquement à la scolarisation universitaire des Québécois francophones demeurent pour le moins ambiguës, voire décevantes quant à l’acquisition des compétences que livrent les grades universitaires du baccalauréat au doctorat. »

Source : Le Devoir

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