jeudi 25 janvier 2018

Le cégep québécois ne convainc pas, il n'aurait pas réussi à faciliter l'accès à l'université

Robert Lacroix, ancien recteur de l’Université de Montréal et fellow au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), lance un grand débat. Les cégeps, un héritage phare de la Révolution tranquille, ont-ils permis aux Québécois francophones de rattraper leur retard face au taux de diplomation universitaire du reste du Canada ? L’économiste en doute. Entrevue dans La Presse.


Question — Dans votre étude, cosignée avec le sociologue Louis Maheu, vous évaluez que les Québécois francophones n’ont pas réussi à diminuer l’écart qui les sépare du reste du Canada quant à la diplomation universitaire, malgré les progrès effectués depuis la Révolution tranquille.

Réponse — C’est assez troublant. Quand on a commencé à travailler sur les données canadiennes, la performance du Québec [en ce qui concerne la diplomation universitaire] semblait assez intéressante. [...] Or, en divisant par groupes linguistiques l’évolution des taux de diplomation universitaires sur quelques années, on [s’est rendu compte] que la performance des Québécois francophones sur le plan de la diplomation au baccalauréat était faible. Quand on l’a comparée à la performance des allophones et des anglophones, ainsi qu’avec le reste du pays, elle l’était aussi à la maîtrise. Au doctorat, c’était catastrophique. La performance qui semble donc relativement raisonnable du Québec en diplomation universitaire est essentiellement imputable à la performance des anglophones et des allophones, puisque les francophones sont sous-performants.

On a fait la Révolution tranquille [notamment] pour que les francophones fassent un rattrapage par rapport au reste du Canada

[Ce carnet est dubitatif, le rattrapage universitaire et économique du Québec était déjà bien entamé sous la prétendue « Grande Noirceur » lire Du Grand Rattrapage au Déclin tranquille : déboulonner la prétendue Révolution tranquille, la Révolution tranquille cache de multiples réalités, mais s’il y a bien une révolution elle est cultuelle et culturelle, anticonservatrice, démographique et étatiste dans sa nature. Voir aussi Baisse relative du nombre de diplômés par rapport à l’Ontario après la Grande Noirceur].

On regarde ça maintenant et on se dit que ça ne s’est pas passé. La hausse [de la diplomation universitaire] a été observée partout au Canada, mais l’écart du Québec, qui existait avant la Révolution tranquille, semble demeurer dans la même proportion, sinon un peu plus élevé.

— Comment la formation préuniversitaire des cégeps nuit-elle à la diplomation universitaire ?

— En créant les cégeps, le Québec a refusé de s’adapter au modèle canadien et nord-américain, qui est de 12 années de scolarité préalable à l’université avec un enseignement primaire et secondaire.

[Robert Lacroix oublie-t-il que la scolarité de 12 ans pré-universitaire est un modèle quasi universel en Occident hérité du collège classique ? En France, en Belgique, en Suisse, en Allemagne on passe son bac ou sa maturité après 12 ans de scolarité et par un accord bilatéral celui-ci équivaut au diplôme d’études collégiales (DEC) québécois qui prend 13 ans de scolarité.

Le Québec n’a pas tant refusé de s’adapter au modèle canadien et nord-américain, car c’était déjà le système des collèges classiques ! Ce que la prétendue Révolution tranquille a tenu à faire c’est d’éliminer ces établissements perçus comme élitistes et trop liés à la religion, alors qu’ailleurs dans le monde on a simplement sécularisé et démocratisé le collège classique (le lycée en France par exemple), parfois au prix d’une perte de qualité.

Lire Gary Caldwell sur l’étatisation de l’école québécoise (1965-2005) [Ire partie]]

Ce système existait pourtant chez les Québécois anglophones et ils performaient remarquablement bien. [...] Avec les cégeps, on s’aperçoit que cette structure intermédiaire entraîne un allongement des études préalables à l’université, des étudiants qui s’endettent et qui, lorsqu’ils en sortent, vont parfois sur le marché du travail plutôt que d’entrer à l’université, retardent leur entrée à l’université ou font des certificats, sans terminer un baccalauréat.

— Votre étude est publiée dans un contexte bien particulier. Le Québec est en année électorale. Croyez-vous que la société est mûre pour un autre débat de structure ?

— Ça va faire jaser, mais c’est important que ça fasse jaser. C’est difficile de toucher aux cégeps, notamment parce que sur le plan de la formation professionnelle et technique, c’est une tout autre histoire puisque le Québec [font bonne figure]. [...] Dans notre étude, on a soulevé la question des cégeps, mais il y a plus qu’une cause [pour analyser le taux de diplomation universitaire des francophones]

[cela semble évident puisque malgré les cégeps anglais les anglophones québécois vont plus souvent à l’université, il doit donc avoir d’autres facteurs en jeu].

Mais si ce taux reste plus faible que ceux des anglophones ou du reste du Canada, est-ce que les francophones pourront vraiment jouer leur rôle dans l’économie du savoir ? [...] Il faut se poser la question sur la formation préuniversitaire et voir s’il n’y a pas des aménagements possibles.

[Note aux lecteurs : les questions et les réponses de cette entrevue ont été abrégées.]

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