dimanche 25 mai 2025

Éducation : le succès du cours Clovis, une école d’excellence dans la France rurale

En 2027, il faudra se donner les moyens de reproduire à l’échelle nationale de la France le succès du cours Clovis, une école d’exception à La Fère, dans la France périphérique.

Les jeunes ruraux pauvres se projettent deux fois moins dans les études supérieures

La Fère est emblématique de la France dite périphérique. Hier couverte de gloire et enjeu de batailles décisives, La Fère, ville natale du père d’Henri IV, choyée par Mazarin et Anne d’Autriche, ancien siège de l’école royale d’artillerie, semblait vouée à la disparition. 2 800 habitants, 30 % de chômeurs, des commerces qui ferment les uns après les autres. Plus d’avenir pour les adultes, pas de perspective pour les jeunes… jusqu’à ce qu’en 2017 un petit groupe de trentenaires, décidé à renverser le cours d’un destin trop triste, installe quatre Algecos sur le stationnement d’une enseigne commerciale de maxi-discompte désaffectée, et lance un appel : « Élèves décrocheurs de la région, venez apprendre et grandir avec nous ! » Le cours Clovis – nous sommes à 40 kilomètres de Soissons – était né. Huit ans plus tard, les résultats de sa pédagogie tiennent du miracle.

Dans cette région qui cumule les records (pauvreté, chômage, alcoolisme), les élèves du cours Clovis entrent en CP avec un niveau inférieur à celui des réseaux d’éducation prioritaire renforcés (les élèves en plus grande difficulté)... pour entrer en 6e avec un niveau supérieur à la moyenne nationale. Le succès ne s’arrête pas là : depuis trois ans, les élèves de 3e obtiennent des résultats semblables aux 10 % des élèves les plus favorisés de France, alors qu’ils font partie des 10 % les plus défavorisés.

Et pourtant, le coût annuel par élève du cours Clovis, qui est hors contrat et donc non subventionné par l'État, est significativement inférieur au coût moyen d’un élève de l’Éducation nationale : 6 500 euros par an contre 7 900 euros (primaire). D’où vient le miracle et peut-on le reproduire à l’échelle nationale en 2027 ?

Il y a ce qui se donne à voir dans cette école d’exception : l’uniforme pour masquer les disparités de revenus et de conditions, et libérer parents et enfants de la tyrannie dispendieuse des marques ; le vouvoiement des professeurs par leurs élèves et réciproquement ; les professeurs qui jouent au foot et au basket avec leurs élèves pendant la récréation à même le stationnement de voitures.

La discipline, bien sûr, mais d’où vient cette joie sereine sur les visages des enfants ; cette absence de tensions et de violences ; ce je-ne-sais-quoi où se mélangent le respect, la fierté d’en être ? Le directeur d’Excellence Ruralités, Jean-Baptiste Nouailhac, a la réponse. « Il n’y a pas de miracle, mais un projet fondamental : nous mettons des personnes (les professeurs) devant d’autres personnes (les élèves) ; nous ne broyons pas l’humain dans une procédure ou une bureaucratie. Des petits effectifs permettent un suivi personnalisé de chaque élève. Le projet éducatif ici, ce n’est pas de faire rentrer les élèves dans des cases idéologiques, quelles qu’elles soient ; c’est de faire en sorte que l’élève puisse voler de ses propres ailes. Nous éduquons à la liberté et à la maîtrise de soi, dans une époque où il est de plus en plus difficile de résister aux intrusions et aux tentations et prescriptions des petits écrans. » Et pour enfoncer le clou, et le compas, Pythagore vient à la rescousse : « Nul n’est libre s’il n’est maître de lui-même. » CQFD.


Révolution culturelle

Comment réussir le déploiement à l’échelle nationale, au-delà du cours Clovis et de deux nouvelles écoles lancées en Charente et dans le Morvan ? Cela passe d’abord par une forme de révolution culturelle à l’Éducation nationale. Remettre la personne au centre, c’est troquer une approche massifiée par une approche granulaire, de personne à personne. Les outils numériques le permettent. Pierre d’angle du succès d’une école comme de toute entreprise humaine : son chef. Un chef d’établissement, en effet, doit avoir les moyens juridiques et financiers de son autorité; pouvoir recruter l’équipe d’enseignants qu’il souhaite, au prix qu’il aura décidé – dans le cadre d’un budget global, et en privilégiant la personnalité, la motivation, son adhésion au projet éducatif, plutôt que des enseignants choisis par le syndicat et au titre de l’ancienneté.

Comment financer cette révolution culturelle – où le principe du doublement des salaires des enseignants doit être acté, afin de rémunérer les enseignants français dignement – et au niveau de leurs homologues allemands ?

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Les marges de manœuvre sont toutes trouvées dans les pantagruéliques effectifs administratifs de l’Éducation nationale, tant à Paris que dans chaque établissement. 600 000 agents « encadrent » 10 millions d’élèves dans l’Éducation nationale, soit 1,5 fois plus que dans l’enseignement catholique. À l’instar de l’hôpital et d’autres services publics essentiels, le mal est là, et croissant (48 % d’effectifs non enseignants en hausse depuis 2015, source Ifrap) : dans la bureaucratisation à outrance. La solution est toute trouvée : aucun départ à la retraite ne sera remplacé chez les non-enseignants pendant le prochain quinquennat ; gel total des embauches pour ce corps déjà obèse. Priorité absolue donnée à la « ligne de front » – les enseignants, et à l’initiative des chefs d’établissement. Ce sont eux qui savent faire, au plus près des élèves ; pas des bureaucrates syndiqués à Paris, récitant souvent un mauvais catéchisme idéologique.

Une idée du cours Clovis, dont la stratégie est d’aider les élèves de leur région à pleinement se réapproprier leur territoire, son histoire et sa marque glorieuses, nous identifions le triptyque gagnant pour l’Éducation nationale en 2027. Plus un euro pour l’administratif, tout pour les enseignants ; dévolution maximale des pouvoirs au chef d’établissement et que les meilleures écoles gagnent ; et remettre la personne de l’élève, son histoire et son territoire, au cœur du nouveau contrat éducatif français. Si nous y arrivons en 2027, les enseignants-mousquetaires de La Fère n’auront pas démérité de leurs ancêtres dumasiens.


Source : JDD

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