dimanche 25 mai 2025

Dans les écoles publiques québécoises, 1 prof sur 10 ne détient pas de brevet d'enseignement

Le nombre d'enseignants non légalement qualifiés a franchi un nouveau sommet: on en recense désormais au moins 10 400, ce qui représente 1 enseignant sur 10 dans les écoles publiques québécoises.


Dans certaines régions, cette proportion est d’ailleurs beaucoup plus élevée. Elle atteint même 61% dans une école primaire de Lanaudière.

Ces données provinciales obtenues par Le Journal de Québec proviennent d’une collecte de renseignements réalisée par le ministère de l’Éducation en mars à laquelle ont participé 92% des centres de service scolaires.

Les enseognants non légalement qualifiés (NLQ), qui ont obtenu un contrat en vertu d’une «tolérance d’engagement», représentent désormais 9,9% du personnel enseignant, une proportion qui ne cesse d’augmenter, puisqu’elle était de 8,9% il y a un an.

Ce portrait n’est d’ailleurs que la pointe de l’iceberg, puisqu’il exclut les aspirants profs inscrits aux formations courtes de deuxième cycle en éducation (plus de 1000 l’an dernier) et les suppléants à la journée.

Il s’agit d’une tendance qui n’est pas près de s’essouffler, souligne la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement.

«On le sait, avec le nombre de retraites qui est prévu et le nombre d’élèves qui augmente, ça ne peut qu’augmenter encore l’an prochain. Je ne sais pas où ça va s’arrêter», laisse tomber son président, Nicolas Prévost.

Ces recrues viennent prêter main-forte à un réseau scolaire, qui ne peut se passer d’eux dans un contexte de pénurie causée par l'arrivée massive d'enfants d'immigrants et de candidats réfugiés, si bien que des employeurs les courtisent ouvertement.

Les centres de service de Montréal et des Patriotes, en Montérégie, sont actuellement à la recherche d’enseignants NLQ d’ici la fin de l’année scolaire ou pour la rentrée, peut-on lire sur des offres d’emploi disponibles en ligne.

Des profs quittent le navire

Ces profs sans brevet représentent toutefois une charge de travail supplémentaire pour le personnel en place.

Le taux de roulement élevé ajoute à la lourdeur de la tâche, puisque les profs NLQ sont aussi nombreux à abandonner le navire en cours d’année, soulignent les directions d’école.

Certains y renoncent de gré ou de force, comme Emilie Lacas, qui est en arrêt de travail pour épuisement professionnel depuis le début du mois d’avril.

Cette vétérane, qui cumule huit années d’enseignement sans brevet dans des écoles secondaires de Lanaudière, a dû rendre les armes en raison de groupes particulièrement difficiles.

«D’une année à l’autre, tu flippes un 25 cents et tu ne sais pas sur quoi tu vas tomber», affirme celle qui enseignait le français.

Mme Lacas déplore que les NLQ se retrouvent souvent avec les groupes les plus difficiles et les tâches plus complexes «dont personne ne veut» alors qu’ils sont les moins expérimentés.

Cette année, elle devait enseigner le français à deux niveaux, ce qui implique deux fois plus de planification.

«On a une plus grosse charge de travail que le prof à côté qui enseigne la même chose depuis 20 ans», déplore celle qui détient un baccalauréat en sexologie et un certificat de niveau universitaire en administration.

«Je ne sais pas encore si je vais revenir l’an prochain», dit-elle.

Au cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, on rappelle que le nombre d’élèves dans le réseau scolaire ne cesse d’augmenter. «On a donc plus de postes à combler année après année», indique son attaché de presse, Antoine de la Durantaye.

Plusieurs universités offrent désormais des programmes courts de 30 crédits, pour former plus rapidement les enseignants sans brevet, «mais force est de constater qu’on doit en faire plus», ajoute-t-il, tout en précisant que le cabinet «travaille sur différentes avenues en ce moment».

Les hausses salariales et les aides à la classe, consenties dans la dernière négociation avec les enseignants, contribuent par ailleurs à rendre la profession plus attrayante, ajoute-t-il.

Après les dernières négociations salariales, un enseignant à l'échelon 8 verra son salaire passer de 62 820 $ annuellement à 79 292 $ en avril 2027, ce qui représente une augmentation de 23,8 % sur cinq ans (jusqu'à 26,2 % en considérant l'effet composé). À l'échelon 12, le salaire passera de 74 199 $ à 91 261 $ par année, soit une augmentation de 21,1 % sur cinq ans (jusqu'à 23 % en tenant compte de l'effet composé). Ceux qui sont au sommet de l'échelle salariale, à l'échelon 16, verront leur salaire passer de 92 027 $ à 109 151 $ à la fin de la convention collective. Le salaire moyen au Québec en 2025, selon les données les plus récentes de Statistique Canada, s'élève à environ 64 351 $ par année (ou 1 237,52 $ par semaine), basé sur les chiffres de janvier 2025, avec une augmentation de 5,4 % par rapport à janvier 2024.

Enseignants non légalement qualifiés dans les écoles québécoises

Mars 2025: 10 400 (9,9%)

Octobre 2024: 9184 (9,1%)

Février 2024: 7949 (8,9%)

2022-2023: 6484 (7,3%)

2021-2022: 4783 (6,1%)

Les données des années scolaires 2021-2022 et 2022-2023 représentent le nombre de tolérances d’engagement octroyées par le ministère de l’Éducation pendant une année complète. Les statistiques à partir de février 2024 représentent plutôt le nombre d’enseignants embauchés en vertu d’une tolérance d’engagement à ce moment précis de l’année. La proportion a été calculée à partir du nombre total de postes d’enseignants dans les écoles publiques québécoises provenant du Tableau de bord du ministère de l’Éducation.

Source: ministère de l’Éducation du Québec, Journal de Québec

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