dimanche 24 janvier 2021

Suppression de l'ancien français du concours de professeur de français (collège et lycée)

On annonce la suppression de l’épreuve d’ancien français au CAPES. Le CAPES est le Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré. Ce diplôme professionnel du ministère français de l’Éducation nationale français permet de devenir professeur au sein d’un lycée général ou d’un collège.

L’École des lettres s’insurge contre cette suppression. La France rejoint-elle le niveau de la formation en français des enseignants québécois ? (Les futurs enseignants [québécois] utilisent Facebook pour se passer les questions aux tests de français, Épreuve de français pour enseignants [québécois] — « démission calamiteuse » et Échec massif des futurs enseignants [québécois] au test de français).

Comment apprendre la langue aux élèves si l’on ignore son évolution ?

Le dernier coup en date vise le CAPES de lettres modernes, par la suppression annoncée de l’épreuve d’ancien français qui, rappelons-le, avait déjà fusionné avec celle de grammaire il y a une dizaine d’années. Quel mépris pour la formation du futur prof de français ! Quel mépris pour notre patrimoine littéraire et culturel ! Quel mépris pour l’histoire de notre langue, son vocabulaire, sa syntaxe ! Il faut être bien ignare ou, surtout, bien indifférent à la qualité disciplinaire des enseignants pour priver les candidats d’une épreuve clé dans la constitution d’une culture grammaticale.

Ce souci de l’apprentissage de la langue, qui se manifeste dans tous les textes officiels, comment se manifestera-t-il si les études de langue et littérature du Moyen Âge sont marginalisées à l’université et ignorées aux concours de recrutement ? Comment expliquer aux élèves que « copain » et « compagnon » sont un même mot au cas sujet et au cas régime, tout comme « sire » et « seigneur », ou encore « on » et « homme » ? Comment expliquer pourquoi le pluriel de « cheval » est « chevaux », le féminin de « sauf » est « sauve », pourquoi « chétif » et « captif » ont la même origine, tout comme « ausculter » et « écouter », et tous les doublets du français ? Pourquoi certaines voyelles prennent un accent circonflexe (hôpital/hospitalité), pourquoi la terminaison de l’imparfait a été en « — oit » avant d’être en « — ait », pourquoi certains verbes conjugués sont formés sur deux radicaux (je sais/nous savons) ? Comment imaginer qu’un prof de français n’ait pas fourni la preuve de connaissances minimales concernant la formation de la langue française et son évolution ?!

Un recul dans la formation des professeurs

Certes, l’épreuve n’a jamais été facile, mais sa préparation a toujours été nécessaire. Espérer attirer des jeunes vers l’enseignement en supprimant des épreuves qui font peur est pitoyable. Tous les profs qui ont suivi ces cours, même s’ils n’ont pas brillé au concours, se sont véritablement initiés aux mécanismes de l’évolution phonétique, morphologique ou syntaxique du français. Ils ont reçu les bases d’une compréhension possible de tous les phénomènes linguistiques qui ont transformé le latin en français. La suppression de l’ancien français n’est pas un pas en avant dans la formation du professeur, c’est un recul, une régression, une décadence.

Le Roman de Renart (manuscrit du XIVe siècle). C’est du nom propre d’un avocat de Paris que l’auteur voulait moquer, Renart (du germanique Reinhardt [conseil-fort]), que provient le nom commun renard en français. Il a remplacé le mot goupil (du latin vulpes) dans la langue française. L’italien a gardé volpo.

 Pensons à l’invention de cette science de l’ancien français au XIXe siècle, pensons à ce qu’elle symbolisait de réappropriation de notre histoire et de notre culture, pensons aux progrès qu’elle permit de réaliser dans la connaissance de cinq siècles de littérature, pensons aux grands médiévistes dont l’université française peut s’enorgueillir, et pensons aux intérêts mesquins d’un concours qui se réforme sans bruit et sans gloire : il y a de quoi être amer, de quoi rallier tous ceux qui protestent, interpellent et se mobilisent pour que la formation des enseignants reste à la hauteur des ambitions fixées par une République éprise d’éducation. Le fameux « niveau des élèves », si cher à la société, ne montera jamais si, dans le même temps, le niveau des enseignants diminue.

Le Moyen Âge, si longtemps associé aux temps gothiques, aux temps barbares, en disparaissant du CAPES, signe véritablement le retour des temps obscurs.


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