mardi 5 décembre 2017

Un Québec moins français et moins scolarisé...

Extrait d’une récente chronique de Mario Dumont 

Les chiffres de Statistique Canada sur le recul du français dans les milieux de travail ont meublé les débats politiques toute la semaine. La langue demeure un sujet explosif au Québec, surtout une semaine après la controverse Adidas. [...]

Cependant, se pourrait-il que nous ayons laissé échapper une autre statistique encore plus fondamentale diffusée le même jour ? Cette nouvelle bruyante sur la langue au travail a en effet fait oublier les données de Statistique Canada sur la scolarisation.

Les Québécois sont, encore en 2017, moins scolarisés que la moyenne canadienne. À tous les niveaux. Personnellement, je trouve ces données encore plus inquiétantes. Et je rejette l’explication boiteuse voulant que ce soit la forte proportion d’immigrants bien éduqués à Toronto qui fasse mal paraître le Québec.

Un échec

Le retard que nous constatons devrait nous atteindre droit au cœur. Le rapport Parent sur l’éducation avait établi pour le Québec un objectif de société : faire le rattrapage en matière d’éducation par rapport au reste du Canada. Bien sûr, nous partions de loin. Le Québec était au début des années 1960 une société en retard du point de vue scolarité. Un sérieux rattrapage fut réalisé.

[Mario Dumont se laisse un peu vite emporter par le mythe de la Révolution tranquille... C'est ainsi qu'en réalité, le Québec a connu une baisse relative du nombre de diplômés universitaire par rapport à l’Ontario après la prétendue Grande Noirceur !

Comme l’a montré Vincent Geloso, au chapitre de l’éducation supérieure par exemple, pour chaque tranche de 100 Ontariens qui possédaient un diplôme universitaire, seuls 71 Québécois en détenaient un en 1951. Dix ans de censée « Grande noirceur » plus tard, cette proportion était passée à 85 !

Par contre, durant ce que l’on nomme la « Révolution tranquille » (les années soixante), le Québec recommence à perdre du terrain et ce chiffre baisse à 78 en 1981. Les plus récentes données disponibles indiquent que ce taux est maintenant de 80. Un recul similaire a été observé par rapport au reste du Canada.

Alors que le Québec avait connu un déclin relatif par rapport au reste du Canada avant la Seconde Guerre mondiale, le contraire est survenu lorsque la guerre a pris fin. Les Québécois francophones ont abandonné les occupations rurales et se sont dirigés massivement vers des occupations administratives, professionnelles, et vers d’autres emplois dans le secteur des services, dont les salaires étaient semblables à ceux observés à Toronto. Même les ouvriers non spécialisés occupant des emplois dans le secteur manufacturier ont vu leurs salaires augmenter légèrement plus vite qu’à Toronto entre 1946 et 1960.

En fait, loin de connaître le déclin relatif et le retard croissant suggérés dans les livres d’histoire, le Québec a plutôt vécu un grand mouvement de rattrapage économique et social avec le reste du Canada durant cette période, en particulier en ce qui a trait à l’épargne et à l’investissement, à l’éducation et au niveau de vie en général.

Le Québec a connu un grand rattrapage scolaire bien avant 1960 !
École québécoise neuve construite pendant la prétendue Grande Noirceur. Région de Lanaudière, années 1950.

En bref, la situation relative du Québec au sein du Canada s’est améliorée à un rythme soutenu durant les deux périodes (la Grande Noirceur [1944-1960] et la Révolution tranquille [post-1960]), mais la plupart des gains en termes de résultats éducationnels et de niveau de vie ont été réalisés avant 1960, et non après. C’est le contraire de ce que des générations d’étudiants ont appris dans les cours d’histoire, et de ce que les termes « Grande Noirceur » et « Révolution tranquille » sont censés signifier.

Autre mythe sur la Réforme Parent : Ministre Proulx : « le ministère de l’Éducation créé pour s’assurer que tous aient accès à l’école »

]

Cependant, le retard historique n’explique plus rien. Les données de Statistique Canada concernent les gens en âge de travailler. Dans cette catégorie d’âge, tout le monde a pu profiter des fruits de la réforme Parent [Note du carnet : en fait du rattrapage amorcé bien avant...]. S’il reste une raison historique, ce n’est qu’une mentalité moins portée vers l’éducation au Québec, en particulier chez les francophones.

Les Québécois francophones accordent-ils à l’éducation l’importance cruciale qu’elle mérite ? Le fier Jacques Parizeau s’attristait des écarts entre francophones et anglophones à l’école. Au Canada anglais, les parents sont plus engagés dans le vécu de l’école, qui est davantage une affaire de communauté concernant chacun. Les dons aux fondations liées à l’éducation y sont bien plus élevés aussi.

Souffrir encore en 2017 d’un retard de scolarisation au Québec doit être nommément désigné comme un échec et appeler un redressement. Les excuses historiques doivent désormais être envoyées aux oubliettes et remplacées par un appel à la mobilisation. Il y a de l’espoir : jamais les partis politiques québécois n’ont exprimé une telle unanimité dans la priorité à accorder à l’éducation. Il reste à voir les résultats.

Prospérité en français !

Données sur la langue et données sur l’éducation, j’établis un lien direct entre les deux thèmes. Les constats sur la langue auront beau montrer des signes inquiétants, il y a une limite en 2017 à ce qui peut être imposé. Oui, la loi 101 doit être appliquée, mais elle n’imposera pas tout à tout le monde tout le temps.

Une langue qui s’impose, c’est celle d’un peuple fort. En ce sens, le Québec devrait viser rien de moins que d’être plus scolarisé que la moyenne canadienne. Un peuple éduqué, prospère, gagnant aura plus de facilité à convaincre les nouveaux arrivants à adopter sa langue.

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