mercredi 11 août 2010

Pour que le PQ ait un avenir, il lui faudrait revenir à ses fondamentaux : la défense de l'identité québécoise, pas les manies bobos

Bonne chronique de Matthieu Bock-Côté publiée dans le journal gratuit 24 Heures de Montréal.

Jonathan Valois, le président du Parti Québécois, disait récemment craindre la « folklorisation » de la souveraineté. Il n’a pas tort : l’idée d’indépendance est mal en point. Pour corriger la situation, Valois recommande au PQ de s’aligner à gauche. Ce remède risque de faire plus de mal que de bien. Car quoi qu’en pense Valois, la vocation des souverainistes n’est pas de faire la promotion d’un programme « progressiste » mais d’assurer la défense de l’identité québécoise, sans quoi l’indépendance ne veut rien dire.

Mais la crédibilité des souverainistes est à refaire. De peur de subir les insultes des curés du politiquement correct, le PQ a souvent renoncé à défendre l’identité québécoise. Il s’est même vautré dans le conformisme des bien-pensants qui justifient l’effacement des nations au nom de «  l’ouverture à l’autre ». Si le PQ veut envoyer le bon signal aux Québécois, il aurait avantage à rompre clairement avec l’inter/multiculturalisme qui s’impose aujourd’hui comme religion d’État.

Il faut en finir une fois pour toutes avec la philosophie des accommodements raisonnables, par exemple, en abolissant le cours Éthique et culture religieuse. Un principe clair doit aussi être rappelé : c’est aux nouveaux arrivants à s’intégrer au Québec, pas l’inverse. Et pour s’intégrer, mieux vaut prendre le pli culturel de la majorité que de s’enfermer dans sa différence. Ceux qui se joignent à nous doivent accepter d’évoluer dans une société occidentale moderne où les signes religieux ostentatoires comme le voile ou le kirpan n’ont pas leur place. On ne saurait tout tolérer au nom de la « diversité ».

Au cœur de notre identité, on trouve évidemment la langue française. Mais il suffit de se promener à Montréal pour savoir qu’elle y est de plus en plus malmenée. Pour en faire la promotion, il faudrait étendre la loi 101 au niveau collégial et aux écoles privées non subventionnées, et franciser les services publics. Pour l’instant, nous finançons notre marginalisation à même les fonds publics. Tout cela demande du courage : le PQ en a-t-il encore ?

Il s’agit là de recommandations élémentaires pour redonner un contenu minimal au projet souverainiste. Pourtant, si le PQ se les approprie, il mécontentera les idéologues radio-canadiens qui sont persuadés d’avoir le monopole de la vertu. Mais il se réconciliera avec une majorité de Québécois, de gauche comme de droite, souhaitant la revalorisation de leur identité. Faut-il rappeler au PQ que ce sont eux qui font gagner les élections?




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La nomination de l'ancien ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier, à la Justice est inquiétante

Selon le chef de l'Action démocratique du Québec,Gérard Deltell, la nomination de M. Fournier à la Justice n'est pas un bon signal pour calmer les inquiétudes de la population au sujet du système québécois. Le chef de l'ADQ a aussi rappelé qu'à titre d'ancien ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier avait une part de responsabilité dans le fiasco du projet de l'îlot Voyageur, à Montréal, qui a coûté quelque 380 millions de dollars aux contribuables.

Le chef de l'ADQ estime que le premier ministre Charest avait la chance d'envoyer le signal d'un nouveau départ, et qu'il ne l'a pas fait. Il a qualifié le remaniement de « jeu de chaises musicales où on brasse les mêmes vieilles cartes ».





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Courchesne s'en va, bilan de plus de trois années très médiocres

Mme Courchesne dans une «  colère noire »
à l'Assemblée nationale du Québec, le 7 mai 2009
Monsieur Jean Charest a remanié son cabinet ce matin.

Michelle Courchesne passe de l'Éducation au Conseil du Trésor. Elle obtient aussi la responsabilité des Services gouvernementaux. Son poste à l'Éducation est confié à Line Beauchamp, qui cède ses responsabilités à l'Environnement à Pierre Arcand.

On se rappellera le ministère de Mme Courchesne pour

  1.   Avoir obstinément refusé toute exemption au cours ECR et avoir déclaré qu'« On ne négocie pas un virage aussi important sans écraser d'orteils » (le 18 avril 2008 au Soleil), balayant toutes les objections en affirmant que les « enfants sont intelligents, ils comprennent souvent plus que nous [les adultes] » (Gazette de Montréal, 12 décembre 2007). Son obstination a soulevé l'ire de nombreux parents et le gouvernement est désormais engagé dans une bataille juridique coûteuse dont l'issue ne lui sera pas nécessairement favorable. Le gouvernement a, en effet, subi une cuisante défaite en première instance contre le collège Loyola.
  2. Son caractère soupe au lait, sa nature émotive et ses intimidations envers les journalistes qui osent la critiquer. C'est ainsi qu'en août 2008, Mme Courchesne a débarqué dans le bureau d'une journaliste à la tribune de La Presse, à Québec, pour l'engueuler sur le choix d'un mot dans un article. Elle la montrait du doigt et parlait fort. Du jamais vu. Les journalistes de la tribune ont envoyé une lettre officielle au bureau du premier ministre Jean Charest pour se plaindre de Mme Courchesne. Intimidation, ont-ils dit. »
  3. Ses affinités électives avec certains cercles : elle n'a jamais rencontré les parents opposés au cours ECR, mais se précipite pour rencontrer les parents de l'Académie lavalloise ou accueille avec empressement les lobbies gays qui veulent un nouveau plan pour lutter contre ce qu'il nomme l'homophobie à l'école, visiblement une grande priorité.
  4. L'échec de sa politique de lutte au décrochage (échec qu'elle partage avec ses prédécesseurs, le décrochage augmentant même ces dernières années malgré plusieurs centaines de millions de dollars dépensés pour lutter contre celui-ci).
  5. La faiblesse des correctifs apportés à la réforme pédagogique « Marois » (elle a bien réformé en partie le bulletin que les parents ne comprenaient pas, tout en imposant ce bulletin par compétences aux écoles privées qui n'en demandaient pas, cf. l'Académie lavalloise). Mme Couchesne a peut-être manqué de temps  pour revenir à un enseignement fondé non plus seulement sur les compétences «  transversales », mais aussi sur leurs connaissances et leurs évaluations.
  6. Le cafouillage de la réforme du calendrier scolaire imposée sous de faux prétextes. C'est en effet en février 2010, qu'on apprenait à la surprise de nombreux intervenants que l'article 19 du Régime pédagogique du Québec était abrogé, permettant ainsi les écoles de donner cours les fins de semaine et tous les jours fériés y compris à Noël ou le 24 juin. Madame Courchesne a d'abord déclaré que cette souplesse devait permettre de lutter contre le décrochage scolaire. On apprenait peu après par Mme Courchesne que cette modification avait été concédée aux écoles orthodoxes pour leur permettre de respecter ledit régime pédagogique. Plusieurs ont critiqué ces modifications effectuées « en catimini » et le fait qu'il existait d'autres moyens de s'assurer que les écoles orthodoxes juives respectent le calendrier scolaire : la dérogation et l'enseignement des cours religieux en fin de semaine.
  7. Sa volonté de vouloir absolument faire rentrer les écoles juives orthodoxes dans le rang, de les normaliser. Ce fut une des priorités de Mme Courchesne dès 2007. Elles ont fait le dos rond et plusieurs s'apprêtent à affronter le gouvernement devant les tribunaux.
  8. L'imposition d'un nouveau programme d'histoire critiqué par plusieurs professeurs d'histoire qui dénoncent la nature « post-nationaliste » de ce programme désormais rebaptisé « Histoire et éducation à la citoyenneté », citoyenneté déracinée, post-nationale et pluraliste.
  9. Toujours dans le registre du dogmatisme, le MELS a récemment décidé de serrer la vis aux parents qui enseignent à la maison. À nouveau, plusieurs affaires sont devant les tribunaux.
  10. Aspect positif : sa création de passerelles pour permettre l'embauche de diplômés issus d'autres disciplines et plus uniquement de ceux pourvus du controversé bac en enseignement.
  11. Des refus de subventions pour des collèges privés qui paraissent injustifiés, ce qui amène la direction d'un de ces collèges, le Collège Boisbriand, a dénoncé un moratoire arbitraire envers les nouveaux établissements privés afin de limiter la croissance de ce secteur.
  12. Les dépenses par élève continuent d'augmenter plus rapidement que le taux d'inflation. Les dernières ententes avec les syndicats d'enseignants ne jugulant en rien cette tendance.
La qualité de la formation dans les écoles québécoises n'aura pas augmenté sous Madame Courchesne, le décrochage n'aura pas baissé, la hausse des coûts n'auront pas été jugulée, mais elle aura montré bien des affinités électives avec certains milieux, de l'arbitraire, marché sur bien des orteils, serré bien des vis et fait en sorte que de plus en plus de parents et organismes traînent son ministère en justice.

Bref, aucune amélioration qualitative, mais l'extension du Monopole de l'Éducation. Aucune efficacité supplémentaire, mais nettement plus d'impositions.




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Moratoire envers les nouvelles écoles privées ?

Le Collège Boisbriand est un établissement d'enseignement privé comme il en existe des centaines au Québec. Toutefois, le Monopole de l'Éducation (MELS) refuse de lui accorder un agrément et les subventions qui s'y rattachent.

« C'est clairement politique tout ça. On a répondu à toutes les normes du ministère pour être accrédité », lance Mario Bigras, qui dirige l'établissement privé avec Jocelyne Boivin.

L'établissement ouvert en septembre 2009 compte déjà 390 élèves inscrits pour l'automne. Or, compte tenu du refus du ministère, les parents devront acquitter une facture de 6 800 $ au lieu de 2 800 $. « On estime qu'il y en a une centaine qui risquent de retourner au public parce qu'ils ne pourront pas payer. Or, au public, c'est le ministère qui va payer au complet pour l'année scolaire. On ne comprend pas la logique », déplore Jocelyne Boivin.

Un moratoire ?

Selon ce qu'ils ont compris des discussions qu'ils ont eues avec les responsables au ministère, c'est la ministre Michelle Courchesne qui aurait imposé un moratoire sur les nouveaux établissements privés.

La semaine dernière, ils ont reçu une communication du ministère les informant qu'ils ne recevraient pas d'agrément. Une situation difficile à gérer puisqu'une première facture avait déjà été envoyée aux parents pour les livres scolaires.






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Courchesne s'en va

Mme Courchesne dans une «  colère noire »
à l'Assemblée nationale du Québec, le 7 mai 2009
Monsieur Jean Charest a remanié son cabinet ce matin.

Michelle Courchesne passe de l'Éducation au Conseil du Trésor. Elle obtient aussi la responsabilité des Services gouvernementaux. Son poste à l'Éducation est confié à Line Beauchamp, qui cède ses responsabilités à l'Environnement à Pierre Arcand.

Pour un premier bilan de ses trois années au Monopole de l'Éducation, voir ici.





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À propos d'une intervention de Georges Leroux : « L'Éducation libérale : un piège à cons »

Le philosophe Jean Laberge revient sur une intervention récente de Georges Leroux intitulée « Liberté religieuse et liberté de choix »1. Les gras et les intertitres sont de nous.

Lors d’une intervention à un colloque ayant pour thème la liberté, Georges Leroux a livré un texte remarquable. À tout prendre, son intervention est de loin supérieure sur le plan argumentatif à son petit ouvrage prenant la défense du programme contesté d’Éthique et de culture religieuse (ECR). Contesté, le nouveau programme, en vigueur depuis septembre 2008 dans nos écoles, l’est sur plusieurs fronts à la fois. Entre autres, des parents mécontents, réclamant la liberté de choix en éducation, se sont regroupés sous l’égide de la Coalition pour la liberté en éducation (CLÉ). Ils ont porté leur cause devant les tribunaux en demandant que leurs enfants soient exemptés du cours ECR. La CLÉ réclame entre autres choses
  1. Le ré-enchâssement à l’article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne d’une clause qui spécifie que les programmes scolaires doivent respecter les croyances et convictions des parents dans les institutions d’enseignement.
  2. L’ajout de l’article 41 à la liste de ceux auxquels on ne peut déroger, en vertu de l'article 52 de la dite Charte.
  3. La modification de la loi 95 afin que soit redonnée aux parents la liberté de choisir pour leurs enfants un enseignement moral ou religieux à l’école, en accord avec à leurs croyances et leurs convictions.
  4. Que tout cours d’éthique et culture religieuse soit optionnel. (Voir http://coalition-cle.org/lacle.php)
Évidemment, Leroux plaide pour le rejet de ces demandes. Le Québec, argue-t-il, poursuit un lent processus d’épuration menant à un système d’éducation [Note du carnet : qu'il appelle] libérale, non-confessionnelle, où la neutralité quant à l’enseignement des valeurs et des croyances religieuses doit être absolue. Le retour en arrière paraît inconcevable. Par ailleurs, ce processus d’épuration, menant à la neutralité absolue se fonde, selon Leroux, sur deux grands principes : le principe d’égalité et celui de la priorité du bien commun. (On peut contester la compatibilité de ces deux principes, l’un étant de nature « déontologique », l’autre « conséquentialiste »).

Au fond, plaide Leroux, la déconfessionnalisation, la nouvelle mouture de l’article 41 par la loi 95, ainsi que la mise en place d’ECR, s’inscrivent dans ce long processus menant à une éducation libérale pleine et entière visant essentiellement à protéger les minorités de l’endoctrinement et de la discrimination exercée par la majorité. Voilà, en gros, l’argumentaire de Leroux.

Dans ce contexte, le remplacement de l’article 41 par sa reformulation dans la loi 95 en 2000, paraît subsidiaire : c’est tout simplement le rouleau compresseur libéral qui poursuit inexorablement sa marche, aplanissant sur son passage toutes les différences, surtout les privilèges de la majorité (catholique). Dans l’espace public libéral, tous sont dès lors confrontés au pluralisme. Plus personne, aucune église, aucun groupe, ne peut désormais prétendre à la vérité, cela au nom de l’égalité et du bien commun. Voilà comment s’opère la plus parfaite neutralité libérale.

La neutralité est-elle possible ?

La neutralité tant chérie du libéral est-elle possible? Je réponds non. Je pourrais illustrer cette affirmation par une multitude d’exemples. Je m’en contenterai de deux.

Liberté positive et liberté négative

Examinons d’abord la liberté. Le libéral, en effet, opte pour une certaine conception de la liberté, alors qu’il en existe d’autres tout aussi valables. S’il était véritablement neutre, c’est-à-dire véritablement pluraliste, il accepterait ces autres conceptions, mais il n’en accepte qu’une seule. Quelles sont les autres conceptions de la liberté? Depuis Isaiah Berlin (Deux concepts de liberté), on distingue la liberté négative de la liberté positive. La différence entre l’article 41 et la loi 95 fait précisément appel à cette distinction : l’article 41 répondant à une conception positive de la liberté, alors que le nouvel article de la loi 95 répond à la conception négative. En quoi consiste cette différence?

Dans l’article 41[2], il est entendu (« les parents… ont le droit d’exiger… ») que l’État doit mettre en place les conditions pour que s’exerce le droit à la liberté de conscience. Dans le cas de sa reformulation dans la loi 95[3], le même droit doit être désormais entendu comme une protection contre tout enseignement contraire aux convictions morales et religieuses de leurs enfants.

Les parents ne peuvent plus exiger de l’État qu’il mette en place (ou rétablisse) un enseignement confessionnel puisqu’alors l’État, dans un souci d’égalité et de neutralité, se contredirait. Évidemment, en bon libéral conséquent, Leroux applaudit à la nouvelle mouture de l’article 41, car il va dans le sens de la neutralité libérale tant souhaitée. Toutefois, ce faisant, Leroux, et les libéraux comme lui, optent pour la conception négative de la liberté, rejetant du coup l’autre conception. Berlin, lui, tenait les deux conceptions de la liberté comme indépassables ; d’où son pluralisme. Accepter une conception de la liberté pour l’autre, c’est être moniste. [...] En somme, Leroux, qui prône le pluralisme, se trompe car, au fond, c’est un moniste qui s’ignore. Étant moniste, Leroux n’est donc pas neutre.

La position libérale pro-choix est-elle « neutre » ?

Autre cas. Considérons l’avortement. (Ceux et celles qui ont lu quelques pages du philosophe américain Michael Sandel (entre autres Justice, 2009, p. 251 et suiv.) me pardonneront de plagier son objection contre la pseudo-neutralité libérale sur le sujet.)

Au Québec, comme ailleurs, le débat concernant l’avortement fut fort controversé. Il l’est toujours - surtout depuis que Mgr Ouellet en a rajouté récemment sur le sujet. Dans une perspective libérale, ce qui compte dans ce débat houleux, c’est de mettre entre parenthèses le problème moral et religieux afin de trouver une solution qui soit neutre au plan politique. Aussi, contournant la question de savoir si une vie humaine commence avec le fœtus (et à quel moment au juste), la solution libérale consiste à mettre entre parenthèses cette question et à faire valoir le droit égal pour les femmes, et de là, conclure que les femmes doivent être libres de choisir par elles-mêmes si elles veulent ou non avorter. Or, la stratégie libérale est trompeuse, car en adoptant la position « pro-choix », elle ne reste plus neutre sur la question morale et religieuse, car elle affirme implicitement que l’enseignement de l’Église catholique sur le sujet – à savoir que le fœtus est déjà une personne - est fausse. En effet, si l’Église a raison, alors l’avortement est l’équivalent d’un infanticide, et les libéraux doivent alors nous expliquer pourquoi la liberté de choix a préséance sur le droit à la vie et justifie que, chaque année, des milliers de futurs citoyens sont ainsi tués. Ce qui précède n’est pas un argument «pro-vie», mais une objection démasquant la soi-disante neutralité libérale.

Comme je le disais, je pourrais multiplier les exemples (pour d’autres cas, consulter ce site ou référez-vous aux ouvrages de Michael Sandel). Mon second exemple révèle la pensée fourbe libérale puisque, sous couvert de neutralité, le libéral prend implicitement position.

Dans l’espace public libéral, en effet, toutes les morales et toutes les religions sont traitées sur un même pied, en vertu du principe d’égalité. Toutes sont alors dépouillées de leur prétention à la vérité. C’est « le fait du pluralisme raisonnable », pour reprendre l’expression de John Rawls, à laquelle Leroux souscrit sans l’avouer. C’est d’ailleurs pourquoi on accuse avec raison ce pluralisme d’être une forme déguisée de relativisme. Une fois dépouillée de leur vérité, sans se prononcer apparemment sur la vérité ou la fausseté de la question morale ou religieuse en litige, le libéral prend tout même implicitement position.

Accusation de relativisme justifiée

Georges Leroux a parfaitement raison d’écrire que c’est « sur la base d’une accusation de ‘relativisme’ que ces parents attaquent, au nom de la liberté religieuse et la liberté de conscience, la nouvelle formulation de l’article 41. » (p. 204) On les comprend que trop bien, car l’éducation libérale les coince dans un piège à cons où la « vérité » de leur croyance est subrepticement mise entre parenthèses afin de recevoir une solution politiquement acceptable – « raisonnable », comme dirait Rawls [Note du carnet : que Leroux a cité favorablement à plusieurs reprises aux procès ECR, voir aussi cette critique]. L’éducation libérale, en effet, n’a que faire d’une foi religieuse dont la vérité est fondée sur la Révélation. Ce n’est pas la vérité qui intéresse l’éducation libérale mais le respect du droit à la liberté de conscience. C’est d’ailleurs là en quoi consiste la finalité de l’éducation morale et religieuse libérale. ECR n'a pas d'autre finalité.

Au fond, ce que la CLÉ réclame, c’est le respect de la liberté de conscience au nom de la vérité. Il ne saurait en effet y avoir de liberté sans d’abord établir la vérité. Comme disait je ne sais plus qui, la vérité rend libre. Pas de liberté sans vérité. C’est un truisme. Mais pour connaître la vérité, il faut du courage, car la vérité est exigeante. Sur ce point capital, l’éducation libérale n’y prépare absolument pas. La CLÉ a donc des raisons impérieuses de contester ECR.



[1] In Le sens de la liberté, Actes du colloque tenu dans le cadre des Vingt et unièmes Entretiens du Centre Jacques Cartier, sous la direction de Josiane Boulad-Ayoub et Peter Leuprecht, PUL, 2009, p. 189-208. Le titre de l’intervention de Leroux portait aussi comme titre « La déconfessionnalisation scolaire au Québec et l’article 41 de la Charte des droits et libertés ».

[2] « Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d’assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leur convictions, dans le respect des droits de leurs enfants et l’intérêt de ceux-ci. » Cité dans Leroux, p. 194.

[3] « Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d’exiger que, dans les établissements d’enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi. » Cité dans Leroux p. 194.



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