jeudi 12 novembre 2009

Les garçons, sexe faible à l'école

Sauvons les garçons !, de Jean-Louis Auduc, s'inscrit non pas contre mais dans le droit-fil d'Allez les filles ! (Seuil, 1992) et de Quoi de neuf chez les filles ? (Nathan, 2007), des sociologues Christian Baudelot et Roger Establet.

Si les inégalités sociales dans l’accès à l’instruction sont désormais interrogées et donnent lieu à la mise en place de politiques publiques, il existe une autre fracture largement passée sous silence. Pourtant, là encore, les chiffres sont écrasants : garçons et filles ne sont pas égaux en classe. Sur les 150 000 jeunes sortant sans aucune qualification du système éducatif dont les médias nous parlent fréquemment, on ne dit pas que plus de 100 000 sont des garçons. Dès l’école primaire, les garçons manifestent un retard dans l’acquisition de la lecture et de l’écriture et engorgent les structures pour élèves en difficulté ou coupables de comportements violents. La fracture sexuée est souvent plus signifiante que la fracture sociale dans l’analyse des parcours scolaires. Les études traditionnelles, développées en termes d’inégalités économiques et culturelles, doivent évoluer pour faire une place à cette réalité dérangeante. L’échec scolaire a un sexe. Prétendre résoudre ce problème sociétal sans prendre en compte l’une de ses principales caractéristiques est illusoire.

Un mauvais score qui perdure du primaire au supérieur, puisque sept femmes sur dix ont un bac ou un diplôme postbac, contre six hommes sur dix. Selon des chiffres 2008-2009 du ministère de l'éducation, les filles sont 31 % à décrocher une mention bien ou très bien au bac S (qui n'attirent pas les scientifiques, mais les forts), contre 24 % de garçons.

Pourquoi un tel écart et un tel échec ? « Les filles, peu ou mal reconnues dans la maison, ont surinvesti dans l'école et elles y sont reconnues, explique l'auteur, directeur adjoint de l'IUFM de Paris-XII-Val-de-Marne à Créteil. A l'inverse, les garçons sont souvent reconnus dans leur famille, mais ils vivent une crise identitaire à l'école. (...) La conviction de leur supériorité confronte les garçons à des contradictions insolubles en ne se traduisant pas par une supériorité intellectuelle sur les filles de leur classe. »

Notons tout de suite que la précocité physique évidente des filles ne semble pas avoir effleuré l'auteur comme une explication possible sur la différence des résultats entre garçons et filles, pas plus que le fait que l'école valorise des attitudes traditionnellement « féminines » : l'écoute et l'obéissance.

Résultat pour l'auteur : les garçons sont amenés à dévaluer les savoirs scolaires et à se rebeller contre l'école. La spirale de l'échec est amorcée. Elle se vérifie jusque dans l'orientation, où les filles sont sous-représentées dans les filières dites courtes (CAP, BEP, bac STI, bac pro, etc.) En revanche, elles sont surreprésentées dans le supérieur, à l'exception des filières d'excellence, où les garçons repassent devant elles.

En effet, en dépit de parcours scolaires meilleurs, les filles choisissent moins fréquemment qu'eux les filières de l'élite. Une situation qui serait liée à un « atavisme culturel » qui empêche de « bousculer les frontières du masculin et du féminin à l'intérieur de la famille » selon l'auteur. Rappelons que, selon d'autres auteurs, il s'agit simplement d'une stratégie pour choisir des carrières qui permettront maternité et emploi (en évitant les domaines où les savoirs deviennent vite périmés). Selon une étude (de mars 2009) de la Caisse nationale d'allocations familiales, les deux tiers du travail parental et ménager reposent sur les femmes.

Pour l'auteur, la famille - celle qui élève et celle qu'on reproduit -, la voilà, la grande fautive... « Les discriminations professionnelles ne trouvent plus leurs racines dans les inégalités institutionnelles, que ce soit à l'école ou dans les lois, mais dans l'intimité des foyers et des consciences », écrit l'auteur. Des discriminations qui reposent sur des images traditionnelles des deux sexes et qui ont de fortes répercussions sur la scolarité des uns et des autres. On ne comprend cependant pas en quoi la lutte voulue par lutte contre ces stéréotypes résoudraient les problèmes des garçons !

L'auteur prétend que le fait de moins stimuler oralement que physiquement les garçons (qu'on souhaite plus forts) a une influence directe sur une acquisition du langage plus lente chez les enfants de sexe masculin. Et donc sur leur scolarité. On se demande qui véhicule ici les stéréotypes.

Beaucoup de garçons « ne se relèvent jamais du stéréotype que concrétise souvent l'éducation parentale selon lequel la communication verbale est une compétence essentiellement féminine », remarque Jean-Louis Auduc. À l'opposé, l'image de la femme, véhiculée dans certains milieux, « contribue à développer chez les filles des capacités d'écoute et d'ordre qui seront des atouts à l'école ». Et dans la société ? Un constat d'autant plus vrai à mesure que l'on descend dans l'échelle sociale, et finalement plus préjudiciable aux garçons des milieux défavorisés. Rois chez eux, ils sont désavoués à l'école, où, selon l'auteur, la mentalité machiste les place en position de rebelles, donc de refus et d'échec. Bref, si les garçons ne réussissent pas c'est parce que les garçons ne sont pas éduqués comme des filles.

Comment sortir de cette situation ? Pour l'auteur, en luttant contre les stéréotypes machistes et en limitant paradoxalement la mixité, propose l'auteur, qui ne milite pas pour autant en faveur du retour des classes unisexes, mais s'interroge « sur la pertinence de quelques activités où, pour mieux gérer la totalité de la classe, garçons et filles seraient séparés ».

Hypothèse pessimiste pour Le Monde mais pas irréaliste : on peut aussi imaginer que l'écart entre les genres diminuera avec la poursuite de la montée en puissance des filles. À force de se rapprocher des positions sociales des garçons, elles en adopteront aussi les codes et développeront à leur tour les aspects pervers encore propres aux stéréotypes du sexe « fort ». Mais s'agirait-il d'une victoire pour elles »?


C’est au portrait de cette douloureuse adaptation masculine à l’école que cet essai se consacre. Il s’agit de comprendre les raisons sociales et culturelles qui prédisposent les garçons à l’échec et les filles à la réussite afin de proposer des solutions concrètes à ce problème collectif.

Source : Le Monde et l'éditeur




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1 commentaire:

  1. En tant que mère de deux garçons, cette question m'intéresse beaucoup depuis longtemps. La meilleure lecture que j'ai faite là-dessus est un avis du Conseil supérieur de l'éducation: "Pour une meilleure réussite des garçons et des filles" trouvé à l'adresse suivante:

    www.cse.gouv.qc.ca/FR/Download/index.html?id=facteurs&cat=facteurs

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