lundi 26 mai 2008

Les politiques du gouvernement du Québec sapent la famille et les communautés religieuses, contre-pouvoirs nécessaires dans une société libre

Douglas Farrow, professeur en Études religieuses de McGill, publie dans la Gazette de Montréal un article critique au sujet des politiques récentes de l'État québécois en matières d'éducation et de politique familiale 
Je me demande quand donc nous rendrons-nous compte que la situation a fondamentalement changé en Occident ? Quand concerterons-nous nos actions pour protéger nos libertés, de façon à ce qu’elles puissent être transmises à nos enfants et à la prochaine génération ?
Je pense que le nouveau cours d’Éthique et de culture religieuse devrait être un signal d’alarme. Voici pourquoi.

Ce n’est pas parce que je suis contre le fait d’enseigner aux enfants, disons à des enfants plus âgés, des choses concernant d’autres religions que le christianisme. Comme j’enseigne dans une faculté de sciences religieuses, on comprendrait difficilement que je m’oppose à cela. Mais je suis contre le nouveau programme parce qu’il est même imposé aux écoles privées et confessionnelles, et même aux jeunes enfants.

Je me dresse contre ce cours parce que — ne vous y trompez pas — ce cours vise à sevrer les enfants des religions traditionnelles et de leurs engagements moraux pour leur inculquer une idéologie antipathique à ces engagements, l’idéologie dite du « pluralisme normatif ».

Le but est de leur enseigner le principe de Sheerman selon lequel la foi est acceptable tant et aussi longtemps que les gens n’y croient pas trop. Ce qui est visé, en d’autres mots, c’est de les arracher de leur communauté de socialisation de base — leurs familles et leurs lieux de culte — pour les unir dans l’État, avec l’État et sous l’État, un État qui se considère foncièrement plus important que ces familles et ces églises.

Dans un article que j’ai écrit le mois passé, je rappelais aux catholiques canadiens certaines choses que le Pape Léon XIII avait dites dans son encyclique Affari Vos (1897) sur la question scolaire au Manitoba.
  • Léon XIII souligne d'abord que l’Église catholique « se tint au berceau de l’État canadien, » et en particulier au berceau de son système d’éducation, ce qui, normalement, devrait susciter une écoute plus respectueuse de l’État sur cette question alors que nous avons à nouveau à y faire face ; et, réciproquement, il nous faut rappeler à l’Église qu’elle a encore un devoir de responsabilité en cette matière.
  • Deuxièmement, que « nos enfants ne peuvent fréquenter des écoles qui, soit ignorent, soit ont l’intention arrêtée de combattre la religion catholique, ou des écoles dans lesquelles ses enseignements sont méprisés et ses principes fondamentaux rejetés. » C’est précisément ce que le nouveau cours force nos écoles à faire, explicitement ou implicitement. « Il est nécessaire d’éviter à tout prix, comme étant les plus dangereuses, les écoles dans lesquelles toutes les croyances sont bienvenues et traitées comme des égales, comme si, en ce qui concerne Dieu et les choses divines, il n’était d’aucune importance que ce qui est cru par quelqu’un soit correct ou non et qu’il s’engage du côté de la vérité ou de l’erreur. » Mais, au mois de septembre, nos écoles feront précisément cela. Et si elles ne font pas cela, elles feront quelque chose d’encore plus dangereux : la mise en place du « pluralisme normatif » qui est un critère irréligieux pour juger la vérité et l’erreur.
  • Troisièmement, que « sans religion il ne peut y avoir aucune éducation digne de ce nom, ni quelque bien que ce soit, étant donné que la véritable nature et puissance de tous les devoirs origine des devoirs spéciaux qui lient l’homme à Dieu, qui commande, défend et détermine ce qui est bien et mal. » Comme le note Léon XIII : « désirer que les esprits soient gagnés au bien tout en les laissant sans religion est aussi insensé que d’inviter les gens à la vertu après avoir enlevé les fondements sur laquelle elle repose. »
  • Quatrièmement, que les catholiques doivent être unis, en s’élevant au-dessus des partis politiques, s’ils veulent accomplir quelque chose. Le Pape Léon XIII déplore précisément le fait que dans la situation du Manitoba, « les catholiques canadiens eux-mêmes se soient montrés incapables d’agir de concert pour la défense des intérêts qui touchent de si près le bien commun, à un moment où l’importance de ce qui était en jeu aurait dû faire taire les intérêts partisans, qui sont décidément d’un niveau plus bas. » Les choses auraient pu changer depuis cent ans, mais rien n’indique que la situation ait changé. Ici, au Québec, même nos évêques francophones ne semblent pas agir de concert.

En plus de ces orientations de Léon XIII, il ne faudrait pas oublier la mascarade au cours de laquelle nous avons perdu des droits parentaux et familiaux fondamentaux par les lois 109, 118, et 95. Stéphane Dion, à titre de ministre des Affaires intergouvernementales, déposa en 1997 une résolution permettant d’amender la Constitution de telle façon que la loi abolissant le système scolaire confessionnel puisse devenir effective. Stéphane Dion précisa à ce moment que « le droit à une instruction religieuse est toujours garanti sous la Section 41 de la Charte des droits et libertés qui possède un statut quasi constitutionnel selon la Cour Suprême du Canada ». Mais cette garantie s’avéra sans valeur. Quand la loi 95 fut présentée en 2005, la Charte québécoise elle-même fut amendée à l’insu du public, sans débat significatif et sans même qu’il y ait enregistrement d’un vote.

La version originale de la Section 41 accordait aux parents « un droit permettant d’exiger dans les établissements scolaires publics que leurs enfants reçoivent une éducation religieuse ou morale en conformité avec leurs convictions. » La nouvelle version concède seulement « un droit de donner à leurs enfants une éducation religieuse et morale conforme à leurs convictions et respectueuse des droits et des intérêts des enfants. » Tant pis pour la quasi-constitutionnalité. Et qui donc, je me le demande, déterminera ce qui est ou non dans les meilleurs intérêts des enfants ?

Il est crucial que nous comprenions comment la loi fédérale sur le mariage de même sexe, la loi C-38, a changé le terrain légal à la fois au Canada et au Québec. Contrairement à l’Article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la plus haute cour de justice du Canada a transformé le mariage en une institution qui, plutôt qu’être reconnue par l’État, appartient désormais à l’État — une institution qui est une créature de la loi civile et non celle de la loi naturelle. Le Parlement a alors redéfini le mariage de telle façon que la procréation est exclue de ses visées.

Ces changements ont mis en danger la plupart de nos droits et libertés parentaux. Ce n’est plus clair désormais, pour ce qui a trait à la loi, à qui appartiennent les enfants et qui est au bout du compte responsable des enfants. Avec l’éviction du mariage traditionnel, il n’y a plus d’institution qui témoigne clairement que la famille naturelle a des droits et des responsabilités qui ne dérivent pas de l’État, mais existent indépendamment et sont donnés à l’État. La famille ne protège plus ses membres du pouvoir de l’État et de l’autorité.

Cela a des conséquences sur la question de l’éducation. Un des droits particuliers auquel nous avons toujours été attachés, qui était, jusqu’à récemment, reconnu dans notre Constitution, est le droit d’éduquer nos enfants comme nous le souhaitons, spécialement en ce qui regarde la religion. Mais ce droit (toujours valable bien sûr) nous a maintenant été enlevé. L’État a décidé pour nous comment éduquer nos enfants, même en ce qui concerne la religion. Et pourquoi ne le ferait-il pas ? Après tout, n’est-ce pas le même État qui, la même année, fit passer la loi 95 et élimina gaiement, sous la juridiction fédérale, l’institution elle-même qui protégeait l’instance familiale naturelle et ses droits — l’institution qui disait clairement de qui les enfants relèvent ?

Au Québec, le gouvernement fait pression pour aller de l’avant avec un plan de formation de la prochaine génération, image concoctée par des idéologues professionnels qui ne se sont pas souciés de ce que les familles du Québec et les communautés religieuses pouvaient en penser. Il sait, comme un document ministériel récent le déclare, « qu’éduquer c’est, d’abord et avant tout, former un être humain. » Et il avoue que « le besoin de sécularisation de l’école publique de façon à respecter les droits de chaque personne humaine, ne signifie pas que l’école n’a plus à s’occuper du développement spirituel des étudiants. » Ainsi elle s’occupera de leur développement comme il lui semblera bon. Elle formera tous les enfants d’après une philosophie individualiste et pluraliste qui supprime et efface efficacement la conception catholique du développement spirituel.

Pensez-vous que cette prétention est exagérée ? Je peux seulement vous dire, si c’est ce que vous pensez, que soit vous n’avez pas lu soigneusement les documents exposant la politique derrière le nouveau programme, soit vous ne comprenez pas la foi catholique elle-même. La foi catholique — étant trinitaire, incarnée et ecclésiale — est précisément non individualiste ni pluraliste, ni relativiste. Elle s’intéresse à la personne plutôt qu’à l’individu. Elle cherche la communion, non l’homogénéité imposée par l’État. (Notez le mot « normatif » dans l’expression « pluralisme normatif »). La foi catholique désire la vérité et, par conséquent, reconnaît que l’erreur existe. Elle ne se réfugie pas dans le subjectivisme, comme le fait ce programme ; un subjectivisme qui voile à peine le cynisme d’une intelligentsia et d’un service public composés majoritairement de catholiques désenchantés.

Peut-être n’êtes-vous pas conscients que des sommités des deux côtés de l’Atlantique ont commencé à questionner le droit des parents à éduquer leurs enfants conformément à leurs propres croyances religieuses, même dans l’intimité de leurs propres maisons. Notre ministère de l’Éducation n’est pas allé aussi loin, du moins pas encore. Mais il est déterminé à l’’emporter sur les parents. Nos enfants seront soumis au pilonnage de la supériorité de l’individualisme sur le communautarisme ; ce qui fera de l’individualisme le nouveau communautarisme. Quel est le but ou quel est le résultat visé (par cette catéchèse individualiste), je le demande, sinon d’isoler les enfants des communautés — familiales et religieuses — qui relativisent l’État et ses institutions ? Qui nuancent leur dépendance et allégeance envers l’État ? Bref, ce qui fait une société libre ?

D’autres personnalités éminentes (et cela ne devrait pas nous surprendre) ont commencé à remettre en question le droit des organisations religieuses comme telles, et pas seulement leurs écoles privées, à agir librement comme organismes de charité si leurs enseignements et pratiques ne sont pas conformes à l’idéologie actuelle de l’État. Que les croyances et les pratiques de ces mêmes organisations religieuses aient présidé à la fondation de ce même État et de son progrès, et sont à la racine de son histoire et de son organisation ne semble guère compter. La nouvelle image doit l’emporter ; elle doit à tout prix configurer le visage de la nouvelle génération. Les principales sources de résistance à cette image doivent être neutralisées sinon éradiquées. Et la cible principale n’est pas, comme l’imaginent certains, l’islam radical, qui importe, il est vrai, chez nous des idées et des pratiques antagonistes à notre ordre social et à son histoire. La cible essentielle est le christianisme, plus particulièrement le catholicisme.

Ceci peut paraître alarmiste, mais, bien franchement, je veux sonner l’alarme. Je pense que nous devons comprendre le contexte dans lequel le combat sur le nouveau programme s’inscrit et qu’il est désormais impossible de ne pas prendre parti dans cette bataille.

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