mercredi 19 novembre 2025

Faits peu connus sur l'esclavage au Canada

Chef porté par un esclave
(Université de
Colombie-Britannique)
Poussés par ce qu’on appelle la prise de conscience du racisme aux États-Unis et de son héritage esclavagiste, de nombreux militants canadiens ont tenté d’importer au Canada la politique raciale américaine qui divise la société. 

Cependant, l’examen de l’histoire de l’esclavage au Canada selon ses propres termes et en toute bonne foi ne peut déboucher sur un discours culpabilisant identique.

Un rapport publié par la Fondation Aristote pour les politiques publiques, intitulé « L’esclavage au Canada : les faits rarement évoqués » résume l’histoire sombre du pays en matière de traite des êtres humains.

Résumé

  • Avant la découverte de l’Amérique du Nord par les Européens, on dénombrait au moins 39 sociétés esclavagistes distinctes dans la seule Amérique du Nord. 

  •  À la fin du XVIIe siècle, jusqu’à deux tiers de la population de certaines communautés iroquoises étaient composés d’« adoptés », c’est-à-dire de captifs asservis provenant d’autres tribus. 

  • Un système d’alliances autochtones vendait des esclaves aux colons de la Nouvelle-France depuis des régions aussi éloignées que le bassin du fleuve Missouri, le haut Mississippi, les Grands Lacs et la baie de Chesapeake. Ces esclaves, souvent des prisonniers de guerre, étaient appelés Panis en Nouvelle-France. La plupart des esclaves d’origine amérindienne étaient en effet des Panis (connus aujourd’hui à Paris sous le nom anglais de Pawnees) établis au Nebraska et au Kansas actuels.

  • Jusqu’au XIXe siècle, les réseaux autochtones faisaient le commerce des esclaves le long de la côte Pacifique et du fleuve Columbia. L’esclavage autochtone est interdit dès 1833 par l’abolition britannique, mais continue clandestinement dans les zones éloignées jusqu’aux années 1870–1880. On assiste dans ces années aux dernières grandes razzias d’esclaves documentées (notamment par les Haïdas et Tsimshian vers le nord, et quelques cas chez les Stó : lō sur le Fraser inférieur).
  • Environ 64 % de tous les esclaves détenus par les Européens en Nouvelle-France (puis au Canada) entre le milieu du XVIIe siècle et 1834 (date à laquelle l’esclavage a été aboli dans l’Empire britannique) étaient autochtones ; 34,5 % étaient africains. Selon les estimations les plus élevées des historiens, le nombre total d’esclaves détenus au Canada pendant cette période s’élevait à 7 000 à 7 500. À titre de comparaison, plus de treize cents fois plus d’individus, soit près de 10 millions, ont été réduits en esclavage entre 1619 et 1865 aux États-Unis selon J. David Hacker dont environ 40 % étaient en vie au début de la guerre de Sécession en 1861.
  • Malgré l’opposition des législateurs propriétaires d’esclaves, le Haut-Canada a adopté la première loi de l’Empire britannique visant à mettre fin à l’esclavage, 15 ans avant que la Grande-Bretagne n’interdise la traite des esclaves, 41 ans avant qu’elle n’abolisse l’esclavage dans les Antilles et 72 ans avant les États-Unis.  
  • Le Canada a accueilli plus de 30 000 Afro-Américains qui ont fui l’esclavage et trouvé la liberté au terminus nord du chemin de fer clandestin.  
  • Cependant, l’esclavage entre les autochtones n’a été complètement éradiqué en Colombie-Britannique qu’au début du XXe siècle.




Sans surprise, la réalité de l’esclavage au Canada était très différente de celle des États-Unis. Elle était beaucoup moins proche du péché originel américain de l’esclavage de masse et s’inscrit davantage dans les « modes de connaissance autochtones », une expression volontiers promue par le gouvernement fédéral.

En effet, l’esclavage n’est pas arrivé en Amérique du Nord avec les Européens. Ceux-ci ont simplement ajouté leur propre méthode à ce commerce ignoble qui existait déjà ici.

De vastes réseaux esclavagistes autochtones envoyaient des personnes en Nouvelle-France « depuis des régions aussi lointaines que le bassin du fleuve Missouri, le haut Mississippi, les Grands Lacs et la baie de Chesapeake ».

Il s’agissait d’un réseau motivé par le désir de richesse, d’armes et de pouvoir politique tant de la part des colons que des nations autochtones.

Les captifs pris pendant la guerre constituaient la source d’esclaves la plus facilement accessible pour ces puissances autochtones. Quelque 65 % des esclaves de la Nouvelle-France coloniale étaient des Autochtones (les « Panis », comme les appelaient les Français), volés et vendus le long de routes existant depuis longtemps et empruntées par les Hurons, les Iroquois et d’autres peuples.

Il s’agit là d’une vérité profondément dérangeante qui ne doit pas être occultée. Si les mêmes critères utilisés pour critiquer les sociétés coloniales sont appliqués aux Premières Nations, alors des dizaines de cultures autochtones ont été « fondées sur l’esclavage ».

Bien après l’abolition officielle de cette pratique par l’Empire britannique en 1834, elle a survécu parmi les Premières Nations bien plus longtemps qu’on ne le pense généralement.

Le rapport de la Fondation Aristote mentionne spécifiquement Maquinna, le chef nuu-chah-nulth qui résidait à Nootka Sound, sur l'île de Vancouver. En 1803, à la suite d’un malentendu avec le capitaine d’un navire marchand anglais, Maquinna a orchestré le meurtre de tout l’équipage, à l’exception de deux hommes blancs. Tous deux ont été réduits en esclavage pendant plus de deux ans avant de s’échapper, vivant parmi les esclaves autochtones.

Loin d'être un phénomène isolé aux Nuu-chah-nulth, toute la côte Pacifique était un foyer d'esclavage avant et après la Confédération.

Le chef haïda Albert Edward Eda'nsa est né en 1810. Lorsqu’il s’est marié en 1850, il possédait 12 esclaves et en a reçu 10 autres en dot de la part du père de son épouse.

En 1883, Eda'nsa détenait toujours des êtres humains en esclavage. Cela se passait 12 ans après l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération, 18 ans après la fin de la guerre civile américaine et un demi-siècle après l’abolition de l’esclavage par l’Empire britannique.

Le chef Eda'nsa fut l’un des derniers esclavagistes de l’histoire de l’Amérique du Nord. Bien sûr, la pratique répandue de l’esclavage parmi les Premières Nations n’absout pas les colons blancs. Toutefois, ce sont les Blancs qui imposèrent dans le monde la fin de ce trafic. 


Edenshaw et Hoo-yâ. Chefs à Ya-tza et Masset, île Graham, îles de la Reine-Charlotte, Colombie-Britannique. 


On constata une augmentation notable de l’acquisition d’esclaves auprès de fournisseurs autochtones au début du XVIIIe siècle en Nouvelle-France. En 1725, « la moitié des colons propriétaires d’une maison » dans le quartier commercial de Montréal possédaient un esclave autochtone.

Au total, le nombre d’esclaves en Nouvelle-France ne dépassa pas 5 % de la population de la colonie. 

Une étude menée par l’historien Marcel Trudel et publiée en 1960 estimait qu’au plus 4 185 esclaves vivaient dans ce qui est devenu le Bas-Canada (Québec) entre le milieu du XVIIe siècle et 1834, date à laquelle l’esclavage a été aboli dans l’Empire britannique.

L’esclavage existait également dans les colonies anglophones. Après la guerre d’indépendance américaine, jusqu’à 3 200 esclaves noirs ont été amenés dans le Haut-Canada et les Maritimes.

Cependant, un examen de l’histoire de l’esclavage au Canada révèle une vérité incontournable : le Canada et plus encore le Québec n’ont tout simplement pas été marqués par l’esclavage comme l’ont été les États-Unis. Alors que 10 millions de personnes ont été réduites en esclavage aux États-Unis entre 1619 et 1865, le nombre total d’esclaves (surtout autochtones donc) au Canada pendant cette période n’a jamais dépassé 7 500.

Le nombre et la longévité de l’esclavage des Autochtones en ont fait la forme de traite des êtres humains la plus marquante de l’histoire du Canada. Est-ce là ce que les défenseurs avaient à l’esprit lorsqu’ils ont déclaré que le Canada devait suivre l’exemple des États-Unis en matière de reconnaissance de l’esclavage ?

Même si certains souhaitent ardemment que le Canada et le Québec aient été « bâtis sur l’esclavage » comme les États-Unis, cette affirmation n’est pas étayée par les faits historiques. L’esclavage n’a pas façonné l’économie, la politique ou culturelle ni du Québec ni du Canada comme il a façonné celle des Américains.





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