Un génome enfin lisible
Huit mèches de cheveux attribuées au compositeur ont été analysées. Parmi elles, la “mèche Stumpff”, soigneusement conservée depuis 1827, a livré la plupart des données.
Grâce à une profondeur de séquençage exceptionnelle, les chercheurs sont parvenus à reconstruire la quasi-totalité du génome de Beethoven, un exploit pour un matériau aussi ancien.
La conclusion la plus simple est aussi la plus solide : Beethoven avait une ascendance entièrement nord-ouest européenne, conforme à ce que l’on sait de ses origines familiales en Flandres et en Allemagne. L’analyse ne détecte aucun apport génétique d’origine africaine ou maure.
Un autre élément intrigue les généalogistes : un “événement de non-paternité” survenu entre le XVIᵉ et le XVIIIᵉ siècle. Rien de surprenant pour une lignée ancienne, mais un rappel utile sur la fragilité des arbres généalogiques reconstitués.
Les causes probables de sa mort
Le séquençage apporte aussi un éclairage décisif sur la fin de Beethoven, un sujet longtemps controversé.
Le compositeur portait plusieurs variants associés aux maladies du foie, dont une mutation du gène PNPLA3, aujourd’hui bien connue pour favoriser la stéatose et la cirrhose.
Les lettres, les témoignages et les carnets de l’époque s’accordent : Beethoven buvait régulièrement, parfois beaucoup.
Les analyses de kératine des mèches les plus tardives montrent des fragments d’hépatite B, signe d’une infection récente ou réactivée.
La combinaison de ces trois facteurs compose un tableau médical cohérent : une cirrhose avancée, aggravée par une infection virale et un terrain génétique défavorable.
En d’autres termes, la science actuelle offre une explication bien plus solide que les hypothèses anciennes d’empoisonnement.
Une zone d’ombre persistante : la surdité
Les chercheurs espéraient peut-être trouver un variant rare expliquant sa surdité progressive.
Il n’en est rien : aucun gène connu responsable de perte auditive n’a été repéré. Les causes probables restent multifactorielle — otosclérose, infection, maladie auto-immune — sans certitude définitive.
Le mythe du “Beethoven noir” : un récit à la mode infondé
Depuis une dizaine d’années, une théorie, surtout relayée sur les réseaux sociaux, prétend que Beethoven aurait eu des ancêtres maures ou africains. Elle repose principalement sur quelques descriptions anciennes évoquant un teint “sombre” — descriptions ambiguës et peu fiables.
L’étude ADN de 2023 règle la question d’un point de vue strictement factuel : aucun marqueur génétique ne va dans ce sens.
L’épisode Bozar : l’insinuation par l’image
En 2020, le Centre des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar) proposait pour le 250ᵉ anniversaire du compositeur l’exposition Hotel Beethoven. Parmi les œuvres figuraient des pièces contemporaines, dont la vidéo Synapse de Terence V. Adkins.
Cette vidéo appartient à sa série Black Beethoven, et le texte d’accompagnement officiel (en anglais!) était tout sauf ambigu:
La vidéo “Synapse” d’Adkins a été développée dans le cadre de sa série “Black Beethoven”, qui explore le mythe de Ludwig von Beethoven étant noir, car il avait une ascendance maure. Dans l’œuvre, Adkins présente un portrait du compositeur emblématique qui se transforme lentement en celui d’un jeune homme noir avec des dreadlocks courts et inversement. La transformation répétée de l’image traduit la réticence d’Adkins à régler le débat sur la race de Beethoven. Il a expliqué : “J’espère générer un sentiment de recherche dans le public… Vous pourrez alors combler les lacunes et participer à l’histoire à votre manière”.
Autrement dit, l’œuvre entretient délibérément l’idée d’un “débat” sur l’identité raciale de Beethoven, débat qui n’a jamais reposé sur des preuves historiques — et dont l’ADN confirme aujourd’hui l’inanité.
Bozar n’affirme pas frontalement que Beethoven était d’ascendance africaine, mais en intégrant cette œuvre et son commentaire, l’institution laisse clairement entendre que la question pourrait rester ouverte, du moins sur le plan symbolique.
Le séquençage de 2023 accomplit deux choses à la fois simples et essentielles :
- Il documente précisément les maladies, les risques génétiques et la fin de Beethoven, replacés désormais dans un cadre médical cohérent.
- Il met un terme scientifique aux spéculations sur une ascendance africaine, révélations qui n’avaient aucun soutien historique ou génétique.
Il subsiste des mystères — la surdité notamment — mais la génétique a rendu un Beethoven plus humain, plus concret.
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