mercredi 30 novembre 2022

Québec — 90 900 étrangers (et non 50 000) s'y sont établis en 1 an

C’est un total de 90 900 personnes provenant d’autres pays qui se sont établies au Québec du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.

La différence, ce sont les immigrants temporaires, des gens qui sont entrés au Québec pour diverses raisons – travailleurs agricoles, étudiants internationaux, travailleurs spécialisés, demandeurs d’asile. Pour l’ensemble du Canada, on en compte plus de 850 000.

Il y a ainsi un décalage important entre les chiffres sur l’immigration, utilisés dans le débat public, et le nombre réel de personnes qui s’établissent ici.

Le débat porte sur le nombre de personnes qui obtiennent, chaque année, le statut d’immigrant permanent.

C’est ce chiffre qui fait l’objet de désaccords entre la cible de Québec, 50 000, et celle d’Ottawa, 500 000, d’ici 2025. Ou encore, lors de la campagne électorale, entre le seuil de 50 000 défendu par les caquistes, celui de 70 000 des libéraux ou les 80 000 des solidaires. Et pourtant, ces données, qui ont pris valeur de symbole, ne décrivent pas adéquatement la réalité de l’immigration.

« On ne prend pas les bons chiffres », affirme l’économiste Pierre Fortin.

« Les chiffres officiels qu’utilisent Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec sont les chiffres de l’immigration permanente. Il faut ajouter à ces chiffres la hausse annuelle de l’immigration temporaire », explique-t-il.

L’Institut du Québec dit la même chose. Dans un rapport publié en juin, les auteurs constatent : « Bien que le gouvernement du Québec ait au cours des dernières années abaissé ses seuils d’accueil pour les immigrants permanents, la province a, en réalité, accueilli bien plus de nouveaux arrivants sur son territoire. »

Les données sur les seuils d’immigration ne sont évidemment pas fausses. Ce sont des statistiques officielles. Mais elles ne tiennent pas pleinement compte de l’ampleur de l’arrivée, sur notre territoire, d’un nombre additionnel de dizaines de milliers de personnes venues de l’extérieur, et donc des défis liés à l’intégration et à la prise en charge, ou encore les effets sur les équilibres linguistiques.

C’est comme si, en voulant mesurer le nombre de calories que l’on a absorbées dans une journée, on ne tenait compte que de l’apport calorique des aliments solides, mais qu’on oubliait de prendre en compte les calories provenant des liquides.

Le vrai chiffre de l’immigration, au sens des Nations unies, au sens de Statistique Canada et au sens de l’Institut de la statistique du Québec, c’est bel et bien la somme des deux types d’immigration, temporaire et permanente.

Pierre Fortin, professeur émérite de sciences économiques à l’UQAM

« C’est l’augmentation d’une année à l’autre du nombre de personnes qui entrent et habitent sur le territoire de la nation », ajoute l’économiste.


 

Difficile à estimer

L’image que l’on associe souvent à un immigrant, c’est celle d’une personne qui a fait une demande à partir de son pays, qui a obtenu une réponse favorable des autorités canadiennes et qui, un jour, arrive ici. Autrefois en bateau, maintenant en avion.

Mais dans les faits, une très forte proportion des gens qui obtiennent le statut d’immigrant étaient déjà ici, parfois depuis des années, en vertu de divers programmes, et ont finalement obtenu la résidence permanente. [C'est une stratégie pour immigrer ici pour ceux qui n'auraient pas été choisis s'ils avaient fait leur demande alors qu'ils étaient encore dans leur pays ou à leur arrivée ici. Ils viennent avec la ferme intention d'immigrer de façon permanente mais disent d'abord juste vouloir y étudier ou y travailler temporairement, puis font la demande d'immigration permanente.]

Ils n’arrivent donc pas au Canada ou au Québec, ils changent de statut, et de colonne dans les statistiques.

« Il y en a encore qui sont choisis à l’extérieur, mais ce que je comprends, c’est que les gens ont peut-être un meilleur profil s’ils sont déjà ici. Je pense que c’est intéressant de prendre des gens qui sont déjà ici parce qu’ils sont intégrés », explique Stéphanie Valois, présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration.

Le nombre d’immigrants permanents est assez stable, selon les plus récentes données de Statistique Canada : de 50 000 à 56 000 dans les années 2010, 44 866 en 2018-2019, avec l’arrivée de la CAQ au pouvoir et son engagement de réduire le seuil à 40 000, une chute à 33 295 et à 33 673 durant les deux années marquées par la pandémie, une remontée à 62 798 en 2021-2022, en raison d’un rattrapage post-COVID-19.

Pendant ce temps, un autre processus est en jeu, celui des immigrants temporaires qui entrent au Québec et en sortent. Leur nombre est plus difficile à évaluer en raison du caractère non permanent de leur présence. Les statistiques officielles mesurent toutefois le solde de ces arrivées et de ces départs. En quelques années, le solde des immigrants temporaires a explosé, passant de 12 671, en 2016, à 63 076, en 2019.

Le fait que le nombre de personnes qui entrent ainsi au Québec soit supérieur au nombre de ceux qui partent fait en sorte que le bassin de résidents non permanents augmente d’année en année.

L’ancien ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) Jean Boulet a déclaré en juin qu’il y avait 177 000 immigrants temporaires, au Québec, en 2021.

Ce chiffre se décompose ainsi : 23 795 titulaires de permis de travail du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), 62 270 détenteurs de permis de travail du Programme de mobilité internationale, et 90 800 étudiants internationaux.

Cependant, ce chiffre ne tient pas compte des personnes résidant temporairement au Québec qui ne sont pas titulaires de permis, « comme les enfants des titulaires de permis, les conjoints qui n’ont pas demandé de permis, les demandeurs d’asile qui n’ont pas de permis, les personnes dont le permis initial est expiré et qui sont en attente d’un renouvellement avec permission de travailler ou non », souligne le porte-parole du MIFI Gabriel Bélanger.

Le sommet précédent avait été atteint en 2019, avant la pandémie, avec 167 435 personnes. Il était de 102 125, en 2016.

Si le nombre des immigrants temporaires augmente, c’est parce que les gouvernements, tant à Québec qu’à Ottawa, souhaitent leur présence.

Dans son Plan d’immigration 2022, le MIFI vise notamment à « appuyer les employeurs de toutes les régions du Québec dans leurs démarches de recrutement de travailleurs étrangers temporaires, afin d’augmenter le nombre, de diminuer les délais avant leur arrivée et de faciliter les démarches pour répondre aux besoins de main-d’œuvre à court terme ».

Source : La Presse

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