vendredi 30 avril 2021

Le juteux marché de l’éducation et de la formation diversitaires

En Californie, les affrontements idéologiques autour du controversé programme d’études ethniques sont enfin terminés, du moins pour l’instant. Le programme contesté a été approuvé par la législature de l’État en mars. Bientôt les lignes directrices destinées aux écoles secondaires seront diffusées aux conseils scolaires locaux à travers l’État.

L’été dernier, cependant, alors que les choses étaient encore indécises, les professeurs d’études ethniques et des bureaucrates de l’éducation, principaux instigateurs du nouveau programme, étaient furieux qu’il y ait la moindre résistance au programme d’études ethniques. « Je suis furieuse », avait alors déclaré Allyson Tintiangco-Cubales, professeur d’études ethniques à l’université d’État de San Francisco et principal architecte du programme controversé. Elle s’adressait à une réunion Zoom, rejointe par des collègues inquiets issus de tout l’État. Ils étaient en colère au sujet des révisions alors proposées au programme, qui, à leur avis, auraient porté atteinte à l’essence politique du programme. « Nous gifler ainsi au visage ! Ce n’est pas sympa. »

Les révisions imposées furent minimes et la législature aux mains des démocrates était presque certaine d’adopter le projet de loi — une loi qui exige que chaque école secondaire publique de l'État mette en place des classes d’études ethniques, en utilisant leur programme comme modèle. Ils étaient sur le point de réaliser leur rêve. Alors pourquoi la panique ?

Malgré tout le discours selon lequel ce programme serait un mouvement pour le bien social, une nouvelle aube pour les étudiants américains et une solution à l’oppression, les études ethniques sont aussi, surtout même, une industrie de service naissante. En effet, alors que les preuves de sa valeur éducative ou même sociale sont vivement débattues, ce qui n’est pas contesté, c’est que cette révolution éducative commence à être rentable — juteuse même.

En Californie, cela se traduit par des millions de dollars que le ministère de l’Éducation de l’État investira dans l’embauche de nouveaux professeurs d’études ethniques, de nouveaux administrateurs d’études ethniques et, surtout, d’une armée de consultants experts qui mettront en œuvre et superviseront le nouveau programme dans des milliers de salles de classe de Californie. En outre, les principales figures du mouvement ont déjà commencé à monétiser leur expertise, avant même la ratification du nouveau programme, en facturant leurs conseils auprès des écoles californiennes qui ont été les premières à adopter les programmes d’études ethniques.

La professeure Tintiangco-Cubales elle-même co-dirige un cabinet de conseil appelé Community Responsive Education Corp., qui a facturé 11 000 $ pour la formation des enseignants du district scolaire unifié de Poway (Sud de l’État), 65 000 $ pour un discours liminaire et une série d’ateliers de développement professionnel pour l’équipe de direction de l’école élémentaire de Chula Vista et 40 000 dollars « pour faciliter le développement d’unités et de cours d’études ethniques » au district scolaire élémentaire Jefferson, au sud de San Francisco. Mme Tintiangco-Cubales, qui n’a pas répondu à la demande du journaliste de Tablet de discuter de ses honoraires, travaille également en dehors de la Californie, notamment en tant que formatrice principale pour un consortium d’éducateurs de Boston dans le cadre d’un projet financé en partie par la Fondation NoVo de Peter Buffett.

Aujourd’hui, dans tout le pays, les programmes scolaires « antiracistes » sont très recherchés. À New York, les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) prospèrent dans les écoles privées élitistes. Conçus pour les écoles et les entreprises, ces programmes sont issus du même mélange de théorie critique de la race, de culpabilisation de la « fragilité blanche » et de mots à la mode sur lesquels sont fondées les études ethniques des écoles publiques.

 
Rien d’étonnant à ce que Tintiangco-Cubales ait semblé frustrée lorsque le ministère de l’Éducation de Californie menaçait de ralentir le processus d’approbation du programme qu’elle défendait. Elle et ses collègues avaient plus que leur réputation en jeu.

« Je considère 2017 comme une année remplie de nouvelles incroyablement troublantes », a déclaré Casper Caldarola, mère de l’Upper East Side et fondatrice de Pollyanna Inc., le principal cabinet de conseil en éducation DEI à Manhattan. « C’était aussi une période de grande croissance pour Pollyanna. Quelque chose me dit que les deux sont liés », a-t-elle observé.

Les revenus de Pollyanna lui donnent raison. En effet, selon les dernières déclarations fiscales de l’organisme, le chiffre d’affaires a presque doublé en 2019 pour atteindre plus de 410 000 dollars, un chiffre qui est susceptible d’augmenter compte tenu de l’expansion de l’entreprise pendant la pandémie. Caldarola n’a pas répondu à la demande d’entretien de Tablet.

Lancée comme un projet à temps partiel en 2015 par Caldarola, Pollyanna compte désormais parmi ses clients 75 des meilleures écoles privées américaines, y compris des écoles à Manhattan, Cambridge, Providence, San Francisco, Chicago, Austin, Los Angeles et au Connecticut. Caldarola a longtemps été administratrice de l’école Dalton de l’Upper East Side, où elle dirigeait le comité sur la communauté et la diversité du conseil, tout en travaillant également en tant que directrice des communications à Allen-Stevenson, une école privée pour garçons, également dans l’Upper East Side. En 2018, Pollyanna est devenu son travail à plein temps.

Selon la liste des prix obtenus par Tablet, Pollyanna facturait plus de 1 750 $ l’heure aux écoles qui s’engageaient contractuellement à « intégrer du contenu d’alphabétisation raciale dans la salle de classe », 6 000 $ pour une présentation d’une demi-journée visant à faire connaître aux administrateurs les bases de la lutte contre le racisme, et 21 000 $ plus les frais de déplacement pour une révision et un développement du curriculum de trois jours, faits en interne, pour les écoles explorant la possibilité de mettre en œuvre une refonte DEI complète de l’ensemble de leurs manuels scolaires et administratifs.

Une fois Pollyana embauchée par une école pour une mise à niveau du programme, les enseignants et les membres de la communauté scolaire participent à l’examen tous azimuts effectué par Pollyanna sur le racisme au sein de l’école, à la recherche de comportements empreints de préjugés flagrants ou insidieux.

C’est ainsi qu’on demande aux professeurs s’ils sont d’accord ou non avec le fait que « nous parlons trop de diversité, d’équité et d’inclusion dans [notre école] ? » On demande également aux membres du personnel si l’école a réussi par le passé à « s’investir pleinement dans la lutte contre le racisme… [et à nommer] comment la culture de la suprématie blanche se manifeste dans nos pratiques et nos comportements ? »

Le personnel d’une école remarquera peut-être par la suite des messages sur les réunions et les événements à venir de la part des administrateurs qui identifient les participants non par leur fonction ou leur niveau, mais plutôt par leur race, comme dans « pour les membres de notre communauté identifiés comme blancs ». Les parents voient également un changement dans le ton des messages provenant de l’école de leurs enfants. Ils recevront des invitations privées à se joindre à l’atelier Introduction pour les parents blancs de Pollyanna, une session Zoom où les parents et les instructeurs de Pollyanna collaborent pour écrire et réorganiser la nouvelle version de la « mission antiraciste » de l’école.

L’étal de Pollyanna propose également un programme exclusif d’alphabétisation raciale : une intervention complète de la maternelle à la 12e année qui, selon une version récente examinée par Tablet, « intègre l’histoire, les langues, la géographie, la science et la sociologie pour mieux comprendre la construction sociale de la race et de l’ethnicité aux États-Unis. »

Le programme de littératie raciale commence à la maternelle. Les enfants de 5 et 6 ans utilisent des nuanciers Pantone pour y faire correspondre la couleur de leur peau afin qu’ils puissent commencer à s’identifier et à identifier autrui par le teint de leur peau. « Reconnaître et classer la couleur est une compétence fondamentale pour les premières années. Elle sera utilisée comme plate-forme pour les prochaines leçons traitant de la couleur de la peau. »

Ce programme propose une vision unique de presque toutes les disciplines éducatives. C’est ainsi que, en classe d’histoire de sixième année, les enfants découvrent que l’essence du nazisme n’était pas la destruction de la communauté juive européenne, mais la montée de la « blanchité ». L’interprétation par Pollyanna de l’expérience juive est réduite à une référence étrange et passagère à la race « hébraïque d’Europe de l’Est ».

En huitième année, l’objectif du programme est de créer des plans d’action pour la « justice sociale » qui abordent la manière dont « le racisme systémique a procuré des avantages sociaux, économiques, politiques et juridiques aux Américains blancs ». Les élèves conçoivent des plans et lancent des campagnes qui cherchent à renverser le privilège des Blancs dans la « communauté ou la ville où ils habitent ou encore au niveau national et au-delà. »

Dans les écoles privées de New York, des consultants bien rémunérés ont mis en œuvre des programmes DEI en formant des professeurs et des étudiants, tandis que dans des sociétés du Fortune 500 de premier plan, des entreprises spécialisées en DEI comme Collective et HRDQ offrent une formation sur les préjugés inconscients, avec peu d’opposition. La pandémie a accéléré la diffusion de ces programmes. Depuis mars dernier, l’inquiétude au sujet des écoles a naturellement tourné autour de la reprise des cours en personne. Mais l’accent mis à l’échelle nationale sur la réouverture des écoles et sur l’économie a éclipsé le remodelage d’un nombre important d’écoles privées et de lieux de travail par des consultants en DEI, le tout sous le radar médiatique.

Tout cela se produit alors qu’il n’existe aucune preuve réelle que la formation en DEI fonctionne réellement. Tout comme pour les études ethniques dans les écoles publiques, les résultats de la formation en DEI dans les écoles privées ne sont pas impressionnants. La mise en œuvre généralisée de la DEI dans la sphère de l’entreprise, selon les études de performance de l’entreprise, a révélé que la DEI transforme les bureaux en environnements hostiles, réduit la productivité des travailleurs et, dans certains cas, augmente les préjugés des employés envers leurs collègues.

Les consultants en formation DEI détournent souvent les critiques en affirmant que la valeur de leur présence ne se situe pas tant dans des résultats mesurables chez les élèves ou dans l’amélioration des relations avec le corps professoral, mais plutôt dans la preuve de l’engagement de l’école en faveur de l’équité et de l’inclusion. Il en va de même dans les entreprises qui veulent faire preuve de leur engagement envers les initiatives d’inclusivité : les consultants DEI sont là pour les aider à manifester la bienveillance des actionnaires et des dirigeants qui souhaitent créer une entreprise plus juste et plus saine. Cela n’échappe pas aux parents qui paient 65 000 dollars par an pour une école privée d’élite : leur enfant en septième qui suit un programme DEI sera correctement et, dès un jeune âge, imprégné du lexique et des tics nécessaires pour s’intégrer à une université prestigieuse de l’Ivy League qui aura vraisemblablement également subi une cure de DEI d’ici là.

Est-ce que tout cela a de l’importance ? Ces études ethniques, ces programmes de diversité améliorent-ils les résultats des étudiants ou les relations avec le corps professoral ? En Californie, les critiques du mouvement des études ethniques ont souligné le manque de preuves, d’études d’efficacité ou d’analyses quantitatives qui se penchent sur les résultats sociaux et scolaires des élèves qui ont été immergés dans la pédagogie des études ethniques.

Les dirigeants du mouvement soutiennent que les preuves indiquent toutes le succès écrasant des élèves qui ont pris part au programme d’études ethniques. L’année dernière, l’une des figures les plus en vue du mouvement, Guadalupe Carrasco Cardona, enseignante en études ethniques et organisatrice militante, a envoyé au Conseil de l’Éducation de l’État de Californie une lettre décrivant les raisons qui, selon elle, soutiennent la mise en œuvre immédiate et généralisée du programme gouvernemental d’études ethniques dans les écoles secondaires.

« Nous vous rappelons humblement qu’il a été démontré que les études ethniques augmentaient : a) l’assiduité des élèves, b) l’engagement des élèves envers l’école, c) le sentiment d’appartenance socioémotionnelle, d) la moyenne générale dans toutes les disciplines, e) les taux d’obtention du diplôme d’études secondaires, f) le taux d’inscription à l’université, et même g) les résultats des tests standardisés importants », avait-elle écrit. « Il est évident que le programme d’études ethniques donne de bons résultats lorsqu’il est présenté correctement. » Cardona mentionne trois études universitaires qui, selon elle et d’autres partisans, démontrent les effets positifs et mesurables du programme d’études ethniques.

Mais en janvier 2021, un groupe de scientifiques de 31 universités, dont l’UCLA, l’Université McGill et le Connecticut College, a écrit une lettre critiquant l’État de Californie pour avoir accepté les trois études pour argent comptant. Les chercheurs, « avec des décennies d’expérience dans la conception et la réalisation de recherches empiriques… [étaient] profondément préoccupés par la fausse représentation de la recherche en sciences sociales qui est utilisée pour étayer les affirmations sur les avantages des cours d’études ethniques. »

L’un des articles cités s’appuyait fortement sur plusieurs autres études, la « grande majorité [de ces] études qualitatives faites à petite échelle qui ne respectaient pas [les conditions expérimentales], ce qui rendait impossible toute généralisation de leurs résultats de manière fiable », expliquaient les scientifiques. Ils se sont également plaints du fait que les partisans des études ethniques citaient souvent ce document comme preuve qu’elles améliorent divers résultats parmi les élèves. Pourtant, lorsque les scientifiques ont examiné les résultats réels de l’article, ils ont constaté qu’aucune des conclusions formulées par les chercheurs « ne permettait suffisamment de justifier l’inclusion de cette affirmation dans le [programme] ».

En approfondissant, les 31 scientifiques ont ressorti l’étude de 2007 dirigée par l’universitaire Julio Cammarota. En examinant un projet d’études ethniques de deux ans appelé le Projet d’éducation à la justice sociale, Cammarota avait étudié les progrès de 17 étudiants latino-américains qui étaient sur le point de terminer leurs études secondaires et de s’inscrire à l’université. Cammarato indiquait que les 17 participants au programme avaient obtenu leur diplôme et avait pu s’inscrire à l’université avec un taux de réussite plus élevé que la moyenne nationale des étudiants latino-américains, ce qu’il attribuait au succès du programme.

Mais comme le soulignent les 31 auteurs de la lettre, l’étude même de Cammarota ne corrobore pas ses conclusions. « En raison de la nature descriptive et non empirique de l’étude rapportée, il est impossible de dire que le contenu du programme expliquait cette disparité », ont-ils écrit, ajoutant que de telles augmentations pourraient probablement être attribuées à plusieurs autres facteurs, y compris « le simple fait que les enseignants fournissent aux élèves “à risque” une attention accrue et individualisée. » Les 31 scientifiques ont ajouté que les partisans des études ethniques prétendent à tort que le « programme a conduit à [des augmentations]… à la fois dans la fréquentation de l’école et des résultats aux tests standardisés. En réalité, ni l’assiduité des étudiants ni leur performance dans ces tests n’étaient été abordées dans l’étude que ces partisans citent. »

« Il n’y a aucune preuve que tout cela est efficace, de quelque manière que ce soit », a déclaré à Tablet Corrine Blackmer, professeure de la Southern Connecticut State University, signataire de la lettre. « On ne peut qu’être époustouflé par le mépris des faits et des preuves. »

Malgré un nombre croissant d’évaluations peu flatteuses portant sur l’efficacité des études ethniques en classe, sa mise en œuvre rapide à travers les États-Unis se poursuit. Des projets de loi faisant la promotion des études ethniques sont considérés en Virginie, au Minnesota et au Texas. L’Indiana a récemment adopté une loi qui impose les études ethniques, tout comme les législateurs du New Jersey. Le mois dernier, l’Oregon a satisfait aux nouvelles exigences des législateurs en matière d’études ethniques en complétant un guide pédagogique qui demande aux enseignants d’enseigner aux élèves de première année à « examiner la construction sociale telle qu’elle se rapporte » non seulement à la race et à l’ethnicité, sujets enivrants pour les enfants de 6 ans, mais aussi à leur « orientation sexuelle ».

Les pratiques diversitaires (DEI) sur le lieu de travail, en revanche, ont été étudiées par divers chercheurs, qui ont découvert, sans surprise peut-être, que les employés qui passent leur matinée dans une salle de conférence à se qualifier de racistes et d’oppresseurs ont souvent du mal à retourner au travail en tant que collègues.

En effet, plutôt que de réduire les préjugés, d’améliorer le moral, d’augmenter les chances de promotion pour les groupes minoritaires ou la productivité et la satisfaction sur le lieu de travail, les initiatives de formation en DEI sont souvent inefficaces et, malgré les « bonnes » intentions, contre-productives. Un nombre croissant de recherches quantitatives a montré que la formation en DEI peut rendre les lieux de travail plus sujets aux préjugés, atomisés, discriminatoires et hostiles, même ou surtout pour les groupes très minoritaires qu’elle entend aider.

Un groupe de chercheurs de l’université d’État de l’Arizona et de l’Université Columbia a étudié l’efficacité de la formation sur la réduction des préjugés et a constaté qu’après avoir appris aux responsables du recrutement sur le lieu de travail à combattre divers stéréotypes, ils étaient plus susceptibles d’appliquer ces stéréotypes dans les pratiques d’embauche. Une autre étude récente a déterminé que la formation aux « privilèges blancs » augmentait l’hostilité envers divers groupes, y compris une diminution significative de sympathie pour le sort des « pauvres blancs », car ils n’auraient pas réussi à tirer correctement parti de leur privilège inhérent. Une expérience de 2018 a conclu que l’exposition aux pratiques en DEI renforçait les vues stéréotypées, concluant que « des efforts bien intentionnés pour décrire la valeur des différences peuvent renforcer la conviction que des caractéristiques biologiques fixes les sous-tendent ».

La DEI peut également attiser les tensions entre les sexes. Un autre examen des lieux de travail en entreprise a révélé que les employées « étaient moins favorables aux litiges sexistes lorsque l’entreprise offrait une formation sur la diversité », car le fait de donner la formation elle-même donnait l’impression que le lieu de travail était devenu moins sujet aux préjugés.

Quant aux cabinets de conseil en éducation DEI comme Pollyanna, ils n’ont pas encore fait l’objet d’un examen quantitatif pour analyser leur impact sur les performances scolaires. Alors pourquoi ces programmes prolifèrent-ils alors qu’ils n’ont au mieux pas été évalués ou sont, au pire, manifestement inefficaces — et certainement coûteux ? Une piste d’explication serait est que les parents, les éducateurs, les entrepreneurs et les employés en entreprise ont appris que présenter leur travail et celui de leurs enfants en termes diversitaires les aide à rester compétitifs ou du moins bien vus.

La mode des études ethniques sévissant particulièrement à San Francisco, il semble inévitable qu’elle prenne également au piège la Silicon Valley. Chan Zuckerberg, l’épouse de Mark, a fait un chèque de 750 000 $ à un projet expérimental scolaire en études ethniques appelé Roses in Concrete en 2016. Suivi d’un autre de 685 000 $ l’année dernière. Chan Zuckerberg est née de parents réfugiés chinois hoas qui ont fui l’ancien Vietnam du Sud.

En tant que l’une des expériences en études ethniques les plus médiatisées en Californie, Roses in Concrete est une étude de cas intéressante. Elle a commencé comme un programme dans une école à charte d’Oakland fondée par une vedette montante des études ethniques, Jeff Duncan-Andrade, un professeur de l’université d’État de San Francisco. Ducan-Andrade utilise une poésie orale ressemblant à un rap anti-commercial pour plaider sa cause : les enfants urbains qui ont été exposés à des conditions traumatiques devraient être exemptés des tests standardisés et des mesures de compétence linguistique. Le New York Times lui a consacré un portrait dans sa série « visionnaires » en novembre 2019, Duncan-Andrade était sur le point de devenir un éminent représentant du mouvement promis à un bel avenir.

Né au laboratoire d’études ethniques de l’État de San Francisco, le projet Roses in Concrete a commencé à piloter un nouveau programme d’études ethniques de maternelle à la 8e année mis en œuvre par le conseil scolaire d’Oakland en 2015. Mais en 2019, lorsque les principaux assistants de Jeff Duncan-Andrade sont apparus devant le Conseil d’administration de l’école pour aborder la question du renouvellement de la charte (du financement public) de Roses in Concrete, le personnel du district a expliqué que Roses in Concrete ne devrait pas bénéficier d’un renouvellement de contrat de trois ans en raison de la persistance de « résultats négatifs importants ». Au cours de la dernière année du programme, 88 % des étudiants n’ont pas réussi à démontrer leur compétence aux examens d’anglais de Californie, un nombre éclipsé par les 98 % d’élèves qui n’ont pas atteint le seuil de compétence minimal en mathématiques. Le nouveau programme avait également réussi à faire fuir les familles, avec plus de 100 élèves quittant l’école avant l’année scolaire 2018.

Les partisans du programme ont rapidement critiqué leurs détracteurs. Comme l’a dit un membre de la communauté scolaire, l’école « renverse le paradigme, il est donc logique que ce soit un peu inconfortable ». Un autre parent a ajouté : « Nous effectuons un travail de pionniers. Il est donc naturel de s’attendre à une courbe d’apprentissage. » Malgré la décontraction de certains parents face aux performances fort médiocres de l’école, le ministère de l’Éducation de Californie a déclaré Roses in Concrete « fermée » en juin dernier et l’a fusionnée avec une école publique élémentaire traditionnelle à proximité. Duncan-Andrade n’a pas répondu à la demande de commentaires de Tablet.

Linda Darling-Hammond, qui dirige le California State Board of Education supervisant le nouveau programme d’études ethniques de l’État, est un autre cas d’incompatibilité entre l’instruction, d’une part, et les intérêts idéologiques et financiers, d’autre part. Elle dirigeait également la division « enseignement » de l’équipe de transition du président Biden et était considérée comme une des mieux placées pour devenir sa ministre de l’Éducation, jusqu’à ce qu’elle se retire de la course.

Darling-Hammond a précédemment dirigé un groupe de professeurs d’éducation de Stanford qui a lancé la East Palo Alto Academy, une école à charte de la maternelle à la douzième année qui cherchait à « fournir un enseignement de pointe, préparant les étudiants à devenir des citoyens du monde », selon le New York Times. Mais cette école a, elle aussi, perdu sa charte, son financement public, en 2010 après une décennie de performances médiocres, se classant parmi les 20 % des écoles californiennes les plus mauvaises et cela malgré une dépense supplémentaire de 3 000 dollars par élève en moyenne par rapport aux autres écoles. Darling-Hammond, qui n’a pas répondu à la demande d’interview de Tablet, « a été irritée par le fait que l’État classe constamment cette école parmi celles aux pires résultats », a déclaré le Times, notant que les paramètres utilisés pour mesurer le succès de l’école « ne sont pas les plus précises pour mesurer le rendement des élèves. »

Outre son travail sur le nouveau programme d’études ethniques en Californie, Darling-Hammond est maintenant présidente du Learning Policy Institute, un groupe de réflexion sur l’éducation avec des bureaux à San Francisco et à Washington, DC, qui a reçu 5 millions de dollars de financement de démarrage de divers œuvres de bienfaisance de la Silicon Valley. En 2019, son institut a publié un rapport sur ce qu’il nommait le succès phénoménal du Instructional Leadership Corps (ILC) de Darling-Hammond, qui « a changé la façon d’enseigner des enseignants en Californie ». « Plutôt que d’embaucher des conseillers ou des prestataires externes », indique le rapport, « l’ILC confie l’apprentissage professionnel à des professionnels locaux qui ont la formation et le soutien nécessaires pour diriger l’apprentissage continu dans leur propre district scolaire  — et, dans de nombreux cas, pour transmettre cet apprentissage à d’autres écoles et districts dans leurs régions respectives. »

En 2019, la présidente d’United Teachers Los Angeles, Cecily Myart-Cruz, a co-écrit un article avec Tolteka Cuahtin, une leader du mouvement et collaboratrice de Darling-Hammond. Dans son article adressé aux 30 000 membres de l’UTLA, elle écrivait que « les études ethniques ne sont pas un privilège — il s’agit d’un droit pour chaque élève… à travers notre pays ». Maintenant que le Conseil de l’éducation de Californie a voté l’approbation du programme modèle d’études ethniques pour ses écoles publiques, il semble que les partisans du mouvement des études ethniques puissent se concentrer sur d’autres États, et éventuellement sur tout le pays.

En 2018, Biden lui-même avait écrit une lettre à Casper Caldarola à New York, « pour vous féliciter pour votre travail avec Pollyanna », qui, selon lui, représentait les intérêts du public américain. La lettre de Biden se terminait par « Merci pour votre engagement en faveur de la croissance ». « Je vous souhaite bonne chance dans tout ce que vous entreprendrez à l’avenir. » 

 


Source : TabletMag

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