dimanche 1 novembre 2020

Universités : pourquoi l’intolérance se répand

Chronique de Joseph Facal sur les développements dans le monde universitaire nord-américain.

On n’a jamais autant parlé des universités que depuis que l’on se demande si un prof peut ou non prononcer le mot « nègre » dans certaines circonstances.

Vous auriez tort de trouver cela anecdotique, car les universités sont les incubateurs de la société du futur.

Ce vent de censure et d’intolérance, venu des États-Unis, balaie surtout les sciences sociales.

Comment expliquer la force de ce vent ?

Le directeur de ma thèse de doctorat, Raymond Boudon, aujourd’hui décédé, avait jadis vu monter ce phénomène et en avait proposé une explication complexe qu’un collègue m’a rappelée.

Elle se trouve dans son ouvrage Pourquoi les intellectuels n’aiment pas le libéralisme (2004).

Pourquoi

Réduite à sa plus simple expression, elle tient en trois points interreliés.

Premièrement, dans beaucoup de départements de sciences sociales, il n’y a pratiquement aucune sélection à l’entrée. [Ces étudiants sont en outre subventionnés au Québec, en France et en Belgique.]

On y trouve des étudiants exceptionnels, mais le niveau moyen est faible.

Logiquement, plus l’étudiant est faible, plus les chances sont fortes qu’il avale des niaiseries.

Deuxièmement, notre époque a vu se répandre l’idée (fausse) qui voudrait que toutes les opinions se valent.

On confond le droit de chacun à son opinion avec l’idée que toutes les opinions ont le même poids.

Le gars qui n’y connaît rien se croit aussi compétent que celui qui a étudié à fond le sujet.

Nous sommes à l’époque du « je-le-sais-parce-que-je-le-pense ».

Parallèlement, dans les sciences sociales, s’est répandue l’idée (fausse aussi) que l’objectivité est un mythe, une illusion.

Il est frappant de voir le nombre de profs dont les travaux ne sont que de l’idéologie déguisée en science.

Les étudiants, eux, ont souvent beaucoup de difficulté à dépasser l’expression de leurs émotions, de leur subjectivité.

Des disciplines comme les mathématiques, la physique ou la biologie, en raison de la nature même de leur savoir, sont mieux protégées contre ces dérives.

En physique, par exemple, on ne s’en sort pas en exprimant simplement une « opinion » : on doit pouvoir tester et valider.

Troisièmement, ces phénomènes — niveau moyen bas et règne de la subjectivité et de l’émotion — se conjuguent pour en produire un autre : la montée en flèche du moralisme, de l’indignation vertueuse, de la rectitude politique.

Pourquoi ? Parce que juger est beaucoup plus facile que comprendre.

Comprendre un phénomène complexe est difficile. Ressentir une émotion et porter un jugement est à la portée de n’importe qui.

Par exemple, les difficultés sur le marché du travail des immigrants ont des causes diverses et complexes.

Les « expliquer » toutes par le racisme de la majorité, c’est simple, c’est facile, et ça donne bonne conscience.

Tempête

Et c’est cette montée du moralisme — facilitée par le faible niveau et la valorisation du ressenti au détriment des faits vérifiés — qui explique cette nouvelle intolérance chez tant d’étudiants.

Ils s’imposent d’autant plus facilement qu’ils réduisent au silence, en les intimidant, ceux qui ne pensent pas comme eux, et bénéficient souvent de la complicité lâche de directions apeurées.

Au Canada, l’idéologie multiculturaliste, qui glorifie les minorités, et le ressentiment anti-francophones (un « racisme systémique » ?) s’y ajoutent pour en faire la tempête parfaite.


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