jeudi 13 février 2020

Remise en doute des origines autochtones d'une militante autochtone (m-à-j)

La pression d'étudiants autochtones de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) aura fait fléchir le département de science politique. Alexandra Lorange et une autre chargée de cours non autochtone ne donneront plus le cours Femmes autochtones du Québec : débats et enjeux.

La direction de l’UQAM a pris la décision de retirer Mme Lorange ainsi que sa co-enseignante « pour des raisons académiques », a confirmé l'université tout en précisant qu'il ne « s’agit en aucun cas d’une mesure disciplinaire, mais plutôt d’un constat selon lequel les conditions pédagogiques ne sont pas réunies ».

Selon les informations obtenues par Espaces autochtones, les deux chargées de cours seraient remplacées par des personnes dûment racisées : l'ethnologue wendate Isabelle Picard et par Cyndy Wylde, doctorante de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, qui est atikamekw et anichinabée.



Billet originel du 7 février

Dans notre série Faux autochtones et faux aborigènes, mais vrais opportunistes, nous présentons le cas de Alexandra Lorange.

Elle se présente comme une Autochtone aux médias, a travaillé pour diverses organisations autochtones, a même obtenu une bourse universitaire réservée exclusivement aux étudiants des Premières Nations et Inuit.

Or, Alexandra Lorange (ci-contre) n’aurait pas de racines autochtones, selon deux généalogistes. Furieux, des chefs atikamekw (aussi connus sous le nom de Têtes-de-boule ou de Poisson-blanc) dénoncent ce qu’ils considèrent comme un nouveau cas d’usurpation d’identité.

Conseillère à la vie étudiante autochtone jusqu’en septembre, Mlle Lorange, juriste de formation, est aujourd’hui chargée de cours à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle coenseigne un cours mis sur pied par le Département de science politique et par Femmes autochtones du Québec, organisme au sein duquel elle est analyste juridique.

En 2018, Mlle Lorange a obtenu une bourse de soutien de 1000 $, offerte aux étudiants autochtones du Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIERA) de l’Université Laval. Cette bourse doit permettre « d’aider les étudiants autochtones [...] dans leur cheminement académique [...] tout en favorisant la construction de liens forts entre les étudiants et leur communauté d’origine ».

Dans la foulée du tollé entourant l’œuvre Kanata du dramaturge Robert Lepage et le débat sur l’appropriation culturelle qui s’en est suivi, elle cosignait, en tant qu’Atikamekw, une lettre ouverte publiée dans La Presse intitulée « L’authenticité, notre plus grand atout ».

Née à Montréal, Mlle Lorange se dit atikamekw par sa mère et québécoise par son père. À Radio-Canada, elle déclarait à l’été 2018, lors de son embauche comme conseillère à l’accueil et à l’intégration des étudiants autochtones : « Je connais à la fois l’université où j’ai étudié et la réalité des Autochtones dont je fais partie ».

Pour la gauche diversitaire (notez les points médians révélateurs dans Québécois·e·s) mieux vaut être autochtones que blancs de souche
 Pourtant, il faudrait remonter jusqu’à la 12e génération (0,00025% de sang indien) pour trouver un ancêtre autochtone à Mlle Lorange, selon le chercheur en généalogie d’origine agnier (mohawk en anglais) Éric Pouliot-Thisdale. Il s’agit de Marguerite Pigarouiche, une femme née en 1646 qui est aussi l’ancêtre de 300 000 Québécois.

Des recherches confirmées par une autre chercheuse en généalogie, qui a mené une enquête en parallèle et a remonté jusqu’à la 7e génération de l’arbre généalogique de Mlle Lorange. « Alexandra Lorange n’a pas d’ascendance atikamekw et encore moins autochtone », écrit à Espaces autochtones la chercheuse Dominique Ritchot.

Contactée par Espaces autochtones, Mlle Lorange n’a pas voulu commenter, affirmant qu’il y avait « des démarches judiciaires » en cours.
Sidérés

Paul-Émile Ottawa, chef de la communauté de Manawan, une des trois communautés têtes-de-boule, se dit « sidéré » par la situation. « Elle se présente comme venant de Manawan. [...] Je ne sais pas par quelle manœuvre elle a réussi à obtenir une identité atikamekw », déplore le chef.

Il ajoute par ailleurs que la personne responsable « de la liste des membres [de la communauté] n’a jamais entendu parler d’elle et ne la connaît pas ».

Le chef Ottawa s’en prend par la bande au gouvernement fédéral qu’il accuse d’être trop laxiste dans sa façon d’accorder le statut d’Indien. « C’est totalement aberrant. Le gouvernement s’est donné la possibilité de créer des Indiens de toute part », dit-il, faisant notamment référence à la loi fédérale S-3 qui modifie la Loi sur les Indiens.

Le grand chef de la nation poissons-blancs, Constant Awashish, éprouve le même malaise. « [Mlle Lorange] aurait dit à tout le monde que je lui ai donné un numéro de bande. Ce n’est même pas de mon ressort, ça revient au ministère des Affaires autochtones », affirme-t-il.

« Je trouve ça très bizarre de [sa] part [...] de prétendre des choses comme celle-là », ajoute-t-il.
Bourses

À l’UQAM, on précise que le seul fait d’être autochtones n’est pas un critère officiel pour devenir chargés de cours sur les enjeux autochtones, mais que « la priorité leur est donnée ».

En ce qui concerne les bourses aux étudiants autochtones du CIERA, une réflexion est déjà entamée depuis quelques mois pour resserrer les critères d’admission. Pour s’assurer de l’appartenance à une communauté, une carte de statut et une lettre d’appui du conseil de bande pourraient être exigées des candidats, précise Laurent Jérôme, qui est membre du CIERA-Montréal et professeur à l’UQAM.

L’anthropologue et directrice du programme en études autochtones de l’Université de Montréal Marie-Pierre Bousquet note que l’absence d’exigence de preuve pour obtenir ce genre de bourse est un problème généralisé dans les universités. On se fie généralement à l’auto-identification.

« Il n’y pas le réflexe de demander des preuves, parce que les preuves qui existent sont issues de politiques coloniales », explique-t-elle, d’où ce « malaise » des institutions d’exiger, par exemple, des cartes de statut.

Source : Radio-Canada

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