jeudi 28 novembre 2019

Belgique — 60 % des députés flamands contre l'allongement des délais de l'avortement, 90 % des députés francophones pour

En Belgique, 90 % des députés francophones votent en faveur de l’allongement des délais de l’avortement alors que 60 % des députés flamands sont contre et que deux sondages indiqueraient que 65 à 75 % de la population francophone est contre ce énième projet de loi.


On assiste à une forte mobilisation en Belgique contre le ixième projet de loi bioéthique de libéralisation totale de l’avortement porté par une majorité dite « progressiste » de 60 % du parlement tandis qu’une lettre de 750 médecins et soignants opposés au projet de loi vient d’être publiée.

Après deux premiers votes reportés en commission parlementaire en deux semaines, les partis opposés viennent de réussir à le reporter une nouvelle fois d’une semaine, voire de deux.

Le Centre d’Action Laïque, à la pointe du lobby proavortement

Derrière ce ixième projet de loi proavortement, le très puissant lobby du Centre d’Action Laïque (CAL) qui en fait une croisade depuis des années. https://www.abortionright.eu/

Le Roi Baudouin avait mis sa couronne en jeu en 1990 sur cette question.

Cette fois, le CAL a rassemblé une majorité dite « progressiste » de 60 % des voix (90 députés sur 150), familles communistes-socialistes-vertes-libérales du nord et du sud du pays, composée de :
  • D’une part, 90 % des 59 députés francophones, soit tous les partis hormis le CdH (ex-social-chrétien devenu « humaniste ») et l’un ou l’autre député MR (centre libéral).
  •  D’autre part, une minorité de 40 % des 91 députés néerlandophones. En effet, la majorité flamande constituée de la NV-A (centre droit nationaliste), du CD&V (chrétien-démocrate) et du VB (droite nationaliste) s’oppose au projet de loi. À noter que les 2 candidats à la présidence du CD&V se sont clairement exprimés contre ce projet de loi et en font une condition à leur entrée dans un gouvernement.

Ainsi, alors que le projet de loi n’est même pas encore voté, la RTBF qui ne cache pas son parti-pris diffuse déjà des sujets pour préparer les femmes à cette nouvelle loi. Hier soir encore, un « débat  cqfd » sur la RTBF avec deux invités pro-IVG et des questions non pas liées au projet de loi, mais à l’amélioration des techniques et à la prise de décision des IVG. Par contre, en Flandre, les médias se montrent plus sceptiques, reflétant leur majorité hostile à ce projet de loi.

Réaction d’experts en humanité et la lettre des 750 médecins et soignants

Fait historique en Belgique ce mardi 26 novembre : une lettre ouverte a rassemblé 750 signatures de professionnels de la santé en 4 jours et a été publiée dans la presse : 27 gynécologues, 45 professeurs d’université, médecins et personnel soignant. (Lettre publiée simultanément dans 2 grands quotidiens belges : francophone, La Libre, et néerlandophone, De Morgen).

Les « 750 » demandent une pause sur ce sujet, a fortiori en l’absence d’un gouvernement avec une majorité assise. D’ailleurs, le CAL profite explicitement de l’absence de gouvernement pour « enfin faire passer cette loi qui pourrait être bloquée par un des partenaires de la future majorité ».

Le texte dépénalise complètement l’avortement aussi bien pour les femmes que pour les médecins, allonge à 18 semaines le délai dans lequel un avortement peut être pratiqué et réduit à 48 heures le délai de réflexion. « À 18 semaines, nous nous trouvons face à un être humain déjà formé », affirment ces signataires dans une tribune libre publiée mardi par le journal La Libre. « À l’heure où médecins et éducateurs s’efforcent d’éduquer les jeunes en les encourageant à vivre une sexualité responsable — pour eux-mêmes et pour les autres — l’allongement du délai légal à 18 semaines envoie un signal contre-productif de déresponsabilisation et banalisation », ajoutent-ils.

Par ailleurs, des signes indiquent une forte différence entre le choix des partis francophones à 90 %  favorables au projet de loi et l’opinion publique (rappelons que l’élection n’a évidemment pas tourné autour de cette extension à l’avortement) :

  • 75 % des 1 600 votants d’un sondage RTL s’opposent à l’avortement à 18 semaines, 4,5 mois
  • 65 % des 7 783 votants sur la question du jour, le sondage de La Libre s’opposent à la nouvelle loi
Le député MR (Mouvement Réformateur, principal parti « de droite ») Michel De Maegd a prudemment retiré sa signature de la proposition de loi vendredi dernier pour temporiser

Les positionnements bioéthiques ne font cependant pas l’unanimité au sein des différents partis ayant déposé la proposition de loi.

La suite, une loi pour Noël ou pour le Carnaval ?

Le projet de loi est toujours en discussion à la commission de la chambre des députés. Une majorité le soutient, mais les opposants suscitent le nécessaire débat. Vers le 16 décembre, le projet de loi arrivera à la chambre. À ce moment, il suffira de l’accord de 50 députés sur 150 pour envoyer le projet à l’analyse du conseil d’État, ce qui prendra encore un peu de temps. D’ici là, peut-être aurons-nous un gouvernement belge ? Il se sera mis d’accord sur un programme commun. Il est possible que ce projet de loi ait été « avorté » dans ces négociations qui auront duré plus de 18 semaines si un des partis flamands opposés à cette extension est inclus dans cette coalition gouvernementale.

À noter l’éditorial de Francis Van de Woestyne (la Libre) qui dit notamment ceci :

Il est cependant regrettable que cette proposition (...) n’ait pas fait l’objet d’un très large débat entre parlementaires issus des dernières élections qui aurait permis, peut-être, de mieux cerner les enjeux éthiques, philosophiques, chirurgicaux de cette proposition. Aujourd’hui, le discours dominant impose l’idée que l’avortement est une intervention médicale ordinaire et que tout qui s’oppose à l’allongement du délai est, nécessairement, un conservateur, peu soucieux de l’intérêt des femmes. Ce serait une erreur de le croire. Car il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’un simple débat entre le monde laïque et les catholiques. La société est ici face à un débat de civilisation qui touche à la définition même de l’être en devenir. L’argument avancé par les tenants de cette proposition, soulignant qu’en Grande-Bretagne le délai est de 24semaines, est partial. Plus de la moitié des pays européens ont fixé la limite à 12 semaines. Dans les centres prénataux, en Belgique et ailleurs, on sauve les prématurés de plus de 24 semaines... Cette question mérite un vrai débat de fond, sans caricatures, de part et d’autre.
Rappelons qu’au Canada, une femme peut avorter son enfant jusqu’à quelques instants de sa naissance puisqu’aucune loi ne restreint les délais de l’avortement.

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