dimanche 17 juin 2018

Harvard accusée de discrimination contre les Américains d’origine asiatique

Selon des documents rendus publics dans le cadre d’une plainte, Harvard aurait régulièrement attribué des notes plus basses sur les traits de personnalité aux candidats d’origine asiatique. La prestigieuse université aurait été au courant d’un « biais » dans sa sélection, sans y remédier. Des accusations qu’elle rejette.

« Les candidats asiatiques-américains [Américains d’origine asiatique] à l’université de Harvard avaient des résultats scolaires parmi les meilleurs, des intérêts extrascolaires variés, et ils impressionnaient les anciens étudiants dans les entretiens, mais ils étaient constamment mal notés sur un critère clé : leur personnalité », résume The Boston Globe. C’est ce qui ressort de documents présentés à la justice le 15 juin dans le cadre d’une action intentée contre la très prestigieuse université.

S’appuyant sur l’examen des données de milliers de candidatures, l’association Students For Fair Admissions, qui accuse l’université de discrimination à l’encontre des étudiants d’origine asiatique, soutient que Harvard leur a systématiquement attribué de moins bonnes notes sur une série de critères : la « personnalité positive », la capacité à susciter la sympathie, le courage, la gentillesse ou encore le fait d’être « largement respecté », énumère The New York Times.

Selon les mêmes documents, une enquête interne conduite par l’université en 2013 aurait conclu à l’existence d’un biais à l’encontre des candidats d’origine asiatique. Mais l’université n’aurait jamais rendu publiques ces conclusions ni pris de mesures en conséquence.

La Cour suprême pourrait trancher

Comme le rappelle The Boston Globe, cette affaire est emblématique et met en cause la politique de discrimination positive appliquée par les universités américaines depuis les années 1960. Elle pourrait « au bout du compte être tranchée par la Cour suprême dans plusieurs années » et risque de « changer la façon dont les universités prennent en compte l’appartenance raciale pour décider quels candidats sont admis ».

D’après les plaignants, Harvard applique de facto une forme de quotas, réduisant le nombre d’étudiants d’origine asiatique au bénéfice d’étudiants blancs, noirs ou hispaniques moins qualifiés. D’après l’enquête interne de 2013, si seuls les résultats scolaires avaient été pris en considération, les Asiatiques-Américains auraient dû représenter 43 % des étudiants admis. Or ils n’étaient à l’époque que 19 % du total.

L’université se défend vigoureusement de toute discrimination, note The Boston Globe. Elle souligne que le taux d’admission pour les Asiatiques-Américains a augmenté de 29 % dans la dernière décennie. Elle accuse en outre Students for Fair Admissions d’avoir sélectionné les données qui l’arrangeaient. De son propre examen des données, l’université conclut que le fait d’être d’origine asiatique n’a pas d’effet tangible sur l’admission. Harvard pointe aussi du doigt l’implication de l’association et de son président, Edward Blum, dans plusieurs actions en justice contre la discrimination positive ces dernières années.

Une minorité ambivalente

Comme l’observe The New York Times, la plainte contre Harvard reflète « une ambivalence dans la minorité des Asiatiques-Américains, pas uniquement vis-à-vis de la discrimination positive, mais au sujet de leur place dans l’ordre racial américain ».

Certains Américains d’origine asiatique — notamment chinoise — ont été parmi les opposants les plus bruyants aux politiques de discrimination positive, dont ils ont le sentiment d’être victimes. Mais les enquêtes nationales montrent qu’une majorité d’Asiatiques-Américains est favorable à la discrimination positive, et que beaucoup sont solidaires des autres minorités.

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