jeudi 12 avril 2018

Des balises et des fonds viennent « encadrer » et aider l’école à la maison

Selon le Soleil de Québec, le gouvernement Couillard double la mise et investit 7 millions $ par année pour soutenir les familles qui font l’école à la maison.

Le Soleil a appris que le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx profitera du débat sur l’école à domicile jeudi après-midi à l’Assemblée nationale pour annoncer qu’il fera passer de 3 à 7 millions $ le montant dédié aux enfants qui apprennent en marge du système d’éducation traditionnel.

Versé aux commissions scolaires, l’argent servira à offrir des manuels scolaires à ces familles, de même que des services d’orthopédagogie, d’orthophonie, etc. Les commissions scolaires devront faire preuve d’ouverture et accueillir au besoin ces familles dans leurs bibliothèques, leurs gymnases, et leurs laboratoires de sciences, entre autres.

L’objectif est d’offrir à ces jeunes de meilleures chances de réussir et à leurs parents une bonne raison de reprendre contact avec leur commission scolaire.

Pas d’examens obligatoires, mais preuves d’apprentissage et d’évaluations

Publié à la fin mars, le projet de règlement sur l’enseignement à la maison prévoit que les parents devront transmettre des notions de français, d’une deuxième langue et de mathématiques à leurs enfants. Aucune autre matière n’est exigée et les examens du ministère de l’Éducation restent optionnels. En revanche, les parents devront fournir au ministère des plans d’apprentissage et des évaluations de leurs enfants, en plus d’offrir des « activités variées et stimulantes ».

Le ministre Proulx croit que ce règlement permet de respecter le « tronc commun » de l’éducation au Québec, tout en laissant de la latitude aux parents qui font ce choix. « C’est un droit de vouloir faire l’école à la maison », a-t-il évoqué en mêlée de presse mercredi.

Les parents qui enseignent à domicile devront présenter des plans d’apprentissages et des évaluations de leurs enfants au ministère de l’Éducation. Ils pourront simplement envoyer des portfolios, qui ne mèneront toutefois pas à l’obtention d’un diplôme d’études secondaires. Notons qu’il existe cependant des mécanismes pour obtenir une équivalence du diplôme d’études secondaires comme le GED (peu utilisé, mais pan-nord-américain) ou l’AENS (québécoise) en passant des examens dans les matières de base. Les tests d’équivalence de niveau secondaire (TENS) sont reconnus par le Ministère de l’Éducation du Québec, la réussite aux TENS donne droit à une attestation d’équivalence d’études secondaires (AENS).

Plus de 2000 enfants

L’objectif du ministre Proulx est de faire en sorte que les enfants scolarisés à la maison sortent de l’ombre. À l’heure actuelle, environ 2000 sont signalés aux différentes commissions scolaires, un chiffre qui serait sous-représentatif du phénomène au Québec. « On pense qu’il y en a beaucoup plus », a cependant affirmé le ministre en impromptu de presse, mercredi.

Il doit aussi créer une table de concertation nationale sur l’enseignement à la maison et produire un guide à cette fin d’ici 2019.

La loi 144 vise à garantir à tous les enfants, quel que soit leur statut, l’accès au régime pédagogique québécois. Trois groupes d’enfants sont particulièrement visés : les enfants qui étudient dans des écoles religieuses, ceux qui sont scolarisés à la maison et les enfants sans papiers.

La loi permet aux autorités de croiser les données de l’assurance-maladie avec les inscriptions à l’école. Les enfants qui ont une carte-soleil, mais pas de code permanent, seront identifiés et suivis, a promis le ministre.

Alors que le débat sur la loi 144 faisait rage l’automne dernier, des familles avaient exprimé la crainte que leurs droits soient compromis. Par exemple, elles s’opposaient à ce que le gouvernement retire le droit à l’éducation à domicile aux enfants qui sont en échec scolaire.

Plusieurs aussi rejetaient l’imposition d’un suivi par évaluation ou par examen.

Le ministre s’est dit prêt, mercredi, à bonifier son règlement si nécessaire.

Doutes à la CAQ et au PQ

La Coalition avenir Québec (CAQ) qualifie ce règlement de « recul ». Le député Jean-François Roberge souhaite que ces enfants reçoivent obligatoirement des notions d’histoire, de géographie et de sciences. M. Roberge se méfie de ceux qui pourraient se servir de ce nouveau règlement pour envoyer leur enfant dans une école religieuse illégale une grande partie de la journée en prétextant faire l’école à la maison.

Il accuse le gouvernement libéral de « bafouer le droit à l’éducation » de ces enfants et d’être « à genoux devant certains lobbys ultrareligieux »... Le porte-parole caquiste en matière d’éducation, Jean-François Roberge, a plaidé pour sa part que les enfants qui voudraient un jour réintégrer le réseau scolaire ne pourront pas le faire, faute d’acquis. « On les abandonne », a-t-il déclaré. Pourtant, il existe des passerelles entre l’instruction à domicile et le réseau postsecondaire (voir les examens GED et TENSS). Le gouvernement pourrait bien être encore plus souple c’est vrai. Notons aussi que Jean-François Roberge ne semble pas imaginer que des enfants instruits à la maison puissent apprendre plus que le strict minimum et s’en sortent très bien.

La députée du Parti québécois Carole Poirier s’inquiète quant à elle de la « flexibilité » du règlement, qui permettrait à certaines familles francophones de contourner la loi 101 et d’offrir une formation en anglais à la maison à leurs enfants. « Aussi, ce que je veux m’assurer, c’est que les enfants puissent aller au cégep et à l’université. » (À nouveau voir GED, TENSS et autres examens à inscription libre comme le bac français qui n'oblige en rien d'aller à une école en dur pour passer l'examen qui donne accès à une université québécoise et bien sûr française.)

Noémie Berlus, présidente de l’Association québécoise pour l’éducation à domicile (AQED), voit quant à elle d’un bon œil le fait que pour la première fois, le gouvernement reconnaît les particularités de l’enseignement à domicile, une option dans toute « société ouverte où la pensée est libre. »

Mme Berlus doute toutefois que les écoles ouvrent vraiment leurs portes aux jeunes scolarisés à la maison et déplore que leurs parents seront maintenant submergés de « paperasse ».

Sources : Le Soleil, L’Actualité

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