mercredi 29 novembre 2017

Russie — généreuse prime à la naissance, allocation mensuelle et hypothèque moins chère pour les familles

Le président russe Vladimir Poutine a proposé de verser, dès janvier 2018, une allocation mensuelle aux familles ayant leur premier enfant afin de dynamiser les naissances, a-t-il déclaré lors d’une réunion du Conseil de coordination de la réalisation de la stratégie nationale pour les intérêts des enfants, mardi 28 novembre.

Enfants russes de Tomsk
« Je propose afin de soutenir la natalité de mettre en place toute une série de mesures de soutien aux familles à partir de janvier 2018, dont la première est le versement mensuel d’une allocation lors de la naissance d’un premier enfant et jusqu’à ce qu’il ait un an et demi », a-t-il affirmé.

Le montant de cette allocation sera calculé en fonction du minimum vital de la région, où vit l’enfant. En 2018, elle sera, en moyenne, d’environ 10 523 roubles, soit 250 dollars canadiens (151 euros), alors que le salaire moyen en Russie est d’environ 35 000 roubles (770 dollars canadiens). Selon Vladimir Poutine, 114,5 milliards de roubles (2,5 milliards de $ canadiens) seront investis dans ce programme au cours des trois prochaines années. Jusqu’à présent, les familles russes ne touchaient le plus souvent qu’une prime à la naissance. Cette nouvelle allocation viendrait s’ajouter à cette dernière.

Le président a également proposé d’étendre le programme d’allocation à la naissance (408 960 roubles, 9000 $ canadiens, 5 900 euros), jusqu’à la fin de 2021 et d’élargir son champ d’application pour les familles nécessiteuses. Ces allocations peuvent être utilisées pour payer les services d’éducation préscolaire — pour les soins et la supervision d’un enfant à partir de l’âge de deux mois. « Je sais que la demande pour cette mesure est très grande, en particulier, après la naissance de l’enfant, la mère sera en mesure de continuer à travailler ou à s’éduquer », a déclaré Vladimir Poutine.

Le président a également annoncé le lancement d’un programme visant à subventionner le taux d’intérêt des hypothèques pour les familles ayant un deuxième ou un troisième enfant, à compter de 2018. « Lors de l’achat d’une maison ou lors d’un refinancement des hypothèques conclues précédemment, les familles pourront compter sur une subvention du taux d’intérêt par l’État afin que le taux net pour les familles ne dépasse pas 6 % par an », a déclaré M. Poutine.

Il a souligné que le taux hypothécaire moyen pondéré, selon la Banque centrale, est de 10,5 %. Si une famille de deux enfants ou plus prend une hypothèque à ce taux, l’État paiera une part de 4,5 % d’intérêt, la famille ne paiera donc que 6 %. « Ainsi, dans ce cas, l’État prend plus de 4 % du coût du prêt. Selon le ministère de la Construction, au cours des cinq prochaines années, ce programme pourra bénéficier à plus de 500 000 familles », a souligné Vladimir Poutine.

Rappelons que selon les prévisions d’un récent rapport gouvernemental, à l’horizon 2035, la Russie pourrait perdre 400 000 habitants, voire un million, si elle ne change pas de politique en matière de natalité.

Comparaison de l’évolution des taux de fécondité

Le graphique ci-dessous  trace l’évolution des taux de fécondité entre 1960 et 2016 pour le Québec et la Russie.

On notera d’abord que, jusqu’à 1970, le Québec fait proportionnellement plus d’enfants que la Russie. La faible fécondité russe s’explique en partie par l’énorme saignée de la Seconde Guerre mondiale (la population de la Russie qui était de 110 millions en 1940 passa à 98 millions en 1946). La chute très rapide la natalité au Québec accompagne ce que certains nomment la « Révolution tranquille ».

À partir de 1970 jusqu’à la fin de l’Union soviétique, la fécondité de la Russie au sein de l’URSS est systématiquement supérieure à celle du Québec. En 1987, par exemple, la natalité russe est de 2,23 enfants/femme alors qu’au Québec elle s’est effondrée à 1,36.

À la fin de l’Union soviétique et à l’avènement de Boris Eltsine, l’État russe peine à payer ses pensions, l’économie se contracte, la corruption augmente et la natalité s’écroule. La fécondité atteint un nadir de 1,19 enfant/femme en 1999, dernière année de la présidence calamiteuse d’Eltsine.



La période de la présidence Elstine correspond, peu ou prou, à celle de la politique de l’allocation de naissance (le « boni bébé ») au Québec. Cette politique s’accompagne de 1988 à 1997 d’un regain de la fécondité pour passer de 1,36 enfant/femme québécoise en 1987 à 1,67 enfant/femme en 1992 avant de retomber à 1,61 en 1996.

La politique du « boni bébé » instaurée par les libéraux de Robert Bourassa fut fort décriée par les féministes. La ministre de la Famille et de l’Enfance de 1998 à 2001, Nicole Léger (PQ), avait ainsi qualifié ce programme « d’échec lamentable ». Le diagnostic peu nuancé de la ministre Léger s’expliquait sans doute par des réticences fréquentes exprimées par le Conseil de la femme à toute politique nataliste efficace. En 1982, Claire Bonenfant, la très féministe présidente du Conseil de la Femme, s’était déjà interrogée, au sujet d’une politique avec de timides conséquences natalistes : « Cette politique sera-t-elle une politique nataliste déguisée cherchant à nous retourner aux berceaux et aux fourneaux ou bien se présente-t-elle comme une politique de justice sociale ? »

Le PQ décida donc d’instaurer un programme nettement plus cher et moins universel : les centres de la petite enfance (CPE). Si le programme universel d’allocations à la naissance avait coûté 186 millions de dollars à son apogée en 1994, dès la première année les CPE en 1997 coûteront 221 millions de $. En 2014, les coûts des CPE avaient été multipliés par onze (11 !), sans que leur efficacité démographique, sociale ou pédagogique ait été démontrée... Cette hausse vertigineuse était principalement liée à la croissance du réseau de garderies. En 1997-1998, l’État subventionnait seulement 82 000 places à contribution réduite alors que le programme d’allocation à la naissance était universel et concernait, en 1993, 185 172 familles. Remarquons aussi que les familles qui veulent garder leurs enfants en bas âge à la maison (sacrifiant souvent un revenu) parce qu’elles croient que c’est le meilleur choix parental sont discriminées : elles ne touchent aucune subvention alors que les parents qui envoient leurs enfants dans un CPE profitent de très généreuses subventions.

Si la natalité est légèrement remontée pour atteindre 1,73 enfant/femme en 2008-2009, celui-ci est depuis tombé à 1,59 enfant/femme alors que les coûts liés au programme des CPE ne font qu’augmenter (l’État a créé un réseau puissant d’employés syndiqués qui peuvent se mettre en grève et prendre les parents en otage). Le gouvernement aurait pu faire un choix plus judicieux : donner l’argent aux parents qui auraient choisi leur mode de garde, plutôt qu’aux syndicats. Le coût de la seule syndicalisation des travailleuses en milieu familial, en 2008, a été estimé à plus d’un milliard de dollars pour l’État québécois.

Certains prétendent que les sommes faramineuses investies dans les CPE ont permis d’augmenter l’emploi des femmes. L’ennui c’est que sans programme similaire dans le reste du Canada, le taux d’emploi des femmes y a aussi augmenté. [Voir aussi : Défendre l’indéfendable sans succès.] D’aucuns avancent que la fécondité du Québec a augmenté grâce à ce réseau de garderies syndicalisées et fort subventionnées, c’est possible, mais ce gain n’est guère plus fort que celui des allocations à la naissance pour un coût nettement supérieur. Aussi, la fécondité a également augmenté pendant ces années au Canada sans programme de CPE. D’autres facteurs semblent donc aussi être en jeu.

En Russie, à partir de la présidence de Vladimir Poutine, des mesures furent prises pour aider les familles. La natalité est lentement remontée. L’indice synthétique de fécondité est donc passé de 1,16 enfant/femme en 1999 à 1,78 en 2015. Le Québec n’a plus connu un tel taux de fécondité depuis 1972... L’année passée, la fécondité russe a légèrement baissé à 1,76.  Il est possible que la natalité russe baisse dans les années à venir, car le nombre de jeunes femmes en âge fécond est en baisse (elles sont nées à l’époque de chute démographique rapide de la présidence de Boris Eltsine).


Source : Kommersant du 28/XI/2017

Voir aussi

Russie : réduction rapide du nombre d’avortements

Hausse record de la natalité en Pologne (mars 2017)

Pologne — Allocation familiale universelle pour lutter contre l’implosion démographique (mars 2016)

France — Les coupes socialistes dans la politique familiale expliquent-elles la baisse de la natalité ?

Québec — « La légende noire du clérico-natalisme »

Étude sur les garderies qui se paieraient d’elles-mêmes : la multiplication des pains
(l’économiste Martin Coiteux)

Russie — la démographie expliquerait-elle le retour au conservatisme ?

Démographie : même taux de natalité au Canada qu’au Québec, sans « politique familiale » (CPE + congés)

Italie : une aide financière pour encourager la natalité

Baisse continue du nombre de naissances au Québec, aucun parti politique n’en parle (m-à-j septembre 2017)

Les principaux dirigeants européens n’ont pas d’enfants (mis à
jour)


Natalité baisse au Québec depuis 7 ans, mais CS de Montréal devrait accueillir 5000 élèves de plus d’ici cinq ans (causes : l’immigration, les « réfugiés »)

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Des garderies poursuivent l’État pour concurrence déloyale

2 commentaires:

Walter E a dit…

Merci, comme quoi avec plus d'argent on peut créer des conditions d'accueil pour les enfants que les gens désirent. Les parents veulent en général un enfant de plus qu'ils n'auront, mais l'argent (le prix des maisons, de la garde, le salaire sacrifié) les empêchent souvent de réaliser ce vœu.

Évidemment, Le Devoir se moque de l'idée même d'aider les gens et que cela pourrait avoir un effet. Méthode idiote mise en place : aligner un graphique et montrer que tout le monde est à la même enseigne, bin non.

Anonyme a dit…

L'agonie maintenant, la mort ensuite
« Nulle civilisation ne saurait s’éteindre dans une agonie indéfinie ; des tribus rôdent alentour, flairant les relents des cadavres parfumés. » Émil Cioran, Précis de décomposition.