dimanche 29 octobre 2017

Les oubliés du 375e : Jeanne Mance, Chénier, de Gaulle, Dollard et de Maisonneuve passés à la trappe

Extraits d’un texte de Gilles Proulx sur les oubliés des commémorations, ou plutôt des festivités, du 375e anniversaire de la fondation de Montréal. Gilles Proulx est l’auteur de Nouvelle-France : Ce qu’on aurait dû vous enseigner paru aux éditions du journal en 2015.

En voyant le prestigieux nouveau parc sur le boulevard urbain Robert-Bourassa, je me suis dit : c’est beau, mais qu’y a-t-il de montréalais là-dedans ? Encore une fois, Montréal préfère ériger des monuments qui ne parlent PAS de sa personnalité ou de sa propre histoire. Encore une fois, notre ville est parvenue à oublier d’honorer ses fondateurs : Jeanne Mance et de Maisonneuve. Pour un anniversaire, c’est très ironique.



Montréal fête sa fondation en 1642, oui... mais sans la commémorer concrètement et en ignorant ses fondateurs, Jeanne Mance et Paul de Chomedey de Maisonneuve, comme si on en avait honte !

Les grandes et impressionnantes œuvres appelées Source et Dentrites, en vedette dans le nouveau parc qui remplace un tronçon désuet de l’autoroute Bonaventure (bon débarras !), je n’ai rien contre... mais ces réalisations modernes ne nous rappellent rien de typiquement montréalais. Elles seraient chez elles n’importe où dans le monde. Ce n’est pas la « modernité » ou la « diversité » ou Dieu sait quelle valeur superficielle à la mode du jour qu’il faut célébrer, c’est Montréal elle-même, notre ville... en ce qu’elle a d’unique ! La modernité et la diversité, on les célèbre tous les jours, chaque heure, chaque minute, chaque seconde ; pas besoin de confisquer le 375e pour nous les recracher au visage une millionième fois !

Oubliés, Jeanne Mance et de Maisonneuve. Ça aurait pourtant été l’endroit idéal pour les honorer par un monument prestigieux : à l’entrée du centre-ville, pour faire le lien entre 1642 et le dynamisme d’aujourd’hui. Les automobilistes et les travailleurs qui pique-niquent auraient alors vu ces deux grands obstinés qui ont relevé le défi que leurs compatriotes jugeaient « suicidaire » de bâtir une ville là où ils risquaient de se faire massacrer. Mais pour cela, il faut avoir une conscience historique, ce que nous n’avons pas. Pourtant, lorsque ce Journal a décidé de publier mon livre Nouvelle-France : l’histoire que l’on n’enseigne plus, quelque 15 000 exemplaires se sont vendus... comme quoi il y a une demande !

De Gaulle : l’autre oublié

À l’hôtel de ville, notre maire, si énergique soit-il, n’a pas eu le courage de perpétuer tangiblement l’événement marquant du discours du général de Gaulle, il y a de cela 50 ans. Une statue grandeur nature du général prononçant son discours sur le balcon serait une attraction touristique (que nous ne verrons jamais, bien sûr). Un hideux obélisque en granit appelé « Hommage à Charles de Gaulle » dans le parc Lafontaine témoigne de notre indigence culturelle et de notre impuissance à honorer... sauf l’amiral Nelson bien sûr, glorieux sur sa colonne en pleine place Jacques-Cartier où il n’y a même pas de statue honorant Jacques Cartier lui-même ! Nelson, je le déménagerais sur un îlot de gazon près de la rue Trafalgar, du nom d’une bataille qu’il a gagnée et qui l’a rendu célèbre — Pierre Bourque avait eu cette bonne idée. Sur la colonne, je placerais une belle grande statue de Cartier, pour surplomber la place.

Au moins, Denis Coderre pourrait annoncer que le balcon sera baptisé « balcon du général » ou inaugurer une plaque, mais ne nous attendons à rien de la part d’un premier magistrat qui a interdit l’utilisation de l’escalier de l’hôtel de ville à ceux qui commémoraient (en marge des célébrations officielles cautionnées) ce moment où le Québec a fait irruption sur la scène internationale après deux siècles d’invisibilité. De Gaulle voulait acquitter la « dette de Louis XV » que la France a contractée envers le Québec en l’abandonnant. Et c’est bien sûr en 1967, la plus glorieuse année pour Montréal, avec l’Expo universelle qui fracassait tous les records de popularité, que le grand Charles est venu nous reconnaître. Aussi, on oublie de « meubler » le pont du bout de l’île qui porte son nom, question de l’embellir.

[...]

Chénier, disparu

Cela fait deux ans au moins que la statue du patriote Jean-Olivier Chénier a été retirée de son emplacement pendant la réfection du square Viger le long de la rue Saint-Denis. Déjà, des vandales avaient dérobé le « fusil » que tenait ce héros... fusil que l’on ne remplaçait pas au nom du « pacifisme »... Ce n’était que la première étape vers l’oubli. Adieu, Chénier. Combien de mes lecteurs savent qui tu es ? Voilà ce qui arrive quand on est le héros d’un peuple d’oublieux.

Dollard, le négligé

Dollard des Ormeaux est mort héroïquement pour sauver Montréal... mais la ville qui lui doit l’existence se complaît à le snober. Que voulez-vous ? Dollard était un Français. S’il avait été un Anglais, son nom serait partout ! Regardez le gagnant Amherst qui a pollué notre toponymie pendant deux siècles !

Plaques volées et oubliées

Depuis plusieurs années, je « crie dans le désert » pour dénoncer la disparition de plaques commémoratives de cuivre (volées pour le prix du métal) que personne ne remplace. Et quant à certaines plaques épargnées par les voleurs, elles sont dans un état lamentable, même en plein Montréal touristique. La plaque honorant Antoine de Lamothe-Cadillac sur le McDonald près du palais de justice a disparu. Celle rappelant l’emplacement de la Cour martiale non loin de l’actuel journal La Presse a elle aussi été dévissée. Même chose pour la plaque commémorant Lambert-Closse. Quant à celle de l’ambassadeur Joncaire, elle est usée à la corde, presque illisible. Comme si la ville se disait : « Bof ! C’est privé. Qu’ils s’arrangent avec ! »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire