mercredi 26 juillet 2017

Transition énergétique : les besoins colossaux en métaux

Les technologies requises pour limiter le réchauffement du climat feront grimper la demande de ressources naturelles. C’est, selon la Banque mondiale, un risque majeur pour l’environnement.

Un avenir bas carbone ne se construira pas sans minerais ni métaux. Tant s’en faut. Pour contenir le réchauffement planétaire sous les 2 °C, comme ambitionné par plus de 170 pays signataires de l’Accord de Paris fin 2015, il faudra en fait en extraire d’énormes quantités, avance la Banque mondiale dans un rapport sur le rôle primordial que jouera le secteur dans une telle économie « verte »

Le constat paraît sans appel. « Le rapport montre clairement que la composition des technologies supposées alimenter le passage à une énergie propre–éolien, solaire, hydrogène et systèmes électriques — nécessite en fait significativement PLUS [sic] de ressources que les systèmes d’alimentation en énergie traditionnels », écrivent les auteurs qui se sont penchés sur trois grandes technologies renouvelables : l’éolien, le solaire et les batteries de stockage d’énergie.

Les besoins futurs ne seront absolument pas les mêmes selon que le réchauffement de la planète est limité à 2 °C, ou qu’il atteigne 4 °C voire 6 °C, les trois scénarios envisagés par l’organisation. Sans surprise, le premier scénario se révèle le plus « ressourçovore ». La demande de métaux pourrait doubler avec l’essor des technologies éoliennes et solaires, dit la Banque mondiale. Mais c’est dans les accumulateurs électriques que l’exemple est le plus frappant : leur développement pourrait entraîner un bond de 1 000 % de la demande de lithium, si le monde prend les mesures requises pour contenir l’élévation de la température nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels.





Choix politiques

La Banque mondiale a listé les ressources clefs de la transition énergétique, à l’instar du cuivre, de l’argent, de l’aluminium (bauxite), du nickel, du zinc et, probablement, du platine. Des marchés qui devraient donc bénéficier d’un virage vert. Elle cite aussi les terres rares, neodymium et indium.

Évidemment, beaucoup dépendra du nombre de turbines, de panneaux solaires ou encore de véhicules fabriqués — et donc des choix politiques des gouvernements. Le type de technologies déployées dans chacun de ces segments sera également déterminant. « Les technologies renouvelables qui émergeront comme les plus adaptées et les plus avantageuses seront essentielles pour définir le marché des matières premières sur les cinquante prochaines années », estiment les auteurs.

En se fiant aux tendances actuelles, le Chili, le Pérou et, potentiellement, la Bolivie auront un rôle majeur à jouer en fournissant du cuivre et du lithium ; le Brésil avec la bauxite et le fer ; l’Inde pour le fer, l’acier, le titane ; l’Afrique australe et la Guinée seront « incontournables » pour répondre aux besoins grandissants en platine, manganèse, bauxite et chrome ; et la Chine pour à peu près tous les produits. La Banque mondiale cite en outre la Nouvelle-Calédonie française et ses « réserves massives de nickel », matière première utilisée aujourd’hui dans les batteries pour voitures électriques. La République démocratique du Congo regorge également de minéraux, souvent pillée aujourd’hui avec la complicité de pays voisins comme le Rwanda dirigé d’une main de fer par le président Kagamé, dans des conditions écologiquement et humainement dégradantes.

Jusqu’à présent, peu d’analyses du genre ont été faites sur les implications matérielles d’un adieu aux systèmes fondés sur les combustibles fossiles. Avec ce rapport, la Banque mondiale met en garde sur l’impact que peut avoir une économie bas-carbone sur l’environnement.

Compléter et non pas concurrencer

« Si elle n’est pas correctement gérée, cette croissance de la demande de minerais et métaux pourrait aller à l’encontre des efforts et des politiques des pays riches en ressources pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés en matière de changement climatique », préviennent les auteurs. Une attention particulière devra également être portée pour que l’eau utilisée par les communautés locales et les écosystèmes ne soit pas trop fortement touchée.

Le directeur du pôle mondial d’expertise en énergie et industries extractives du Groupe de la Banque mondiale, Riccardo Puliti, plaide pour l’ouverture d’un « dialogue entre les groupes d’intérêt sur le climat, l’énergie verte et les industries extractives ». Pour cela, les pays doivent intégrer que « le développement d’une ressource naturelle vient compléter et non pas concurrencer un avenir plus vert et plus durable ».

Source : Les Échos

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