vendredi 16 septembre 2016

Storiavoce, webradio consacrée à l'histoire

Une nouvelle venue dans le paysage des webradios : Storiavoce a vu le jour le 6 septembre dernier.

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Les quatre grandes périodes (antique, médiévale, moderne, contemporaine), illustrées par des conférences de qualité.

Exemple d'émission : L’armée romaine dans la tourmente

Spécialiste d’Histoire militaire à l’époque romaine, Yann Le Bohec a publié un ouvrage sur les causes de la crise du IIIe siècle intitulé L’Armée romaine dans la tourmente (Éditions du Rocher, 2009). Longtemps occulté par la vision marxiste de l’Histoire, le domaine militaire est ici réhabilité et le domaine militaire est ici réhabilité et donne des clés d’explications incontournables dans la compréhension de l’époque romaine, de ses forces et de ses faiblesses, de ses crises et de ses renaissances.



Critique de l'ouvrage par Didier Paineau

L'Armée romaine dans la tourmente, un maître-livre sur une période clé
Ecrivains et auteurs : Yann Le Bohec
Thèmes : Histoire Essai

Yann Le Bohec est professeur d’histoire romaine à la Sorbonne. Il est spécialisé dans l’histoire militaire. Nous ne dirons jamais assez qu’il ne s’agit pas de relations d’exploits guerriers, mais de guerre dans son ensemble, qui va de la taille d’une épée à la plus fine analyse stratégique. Outre l’ouvrage présenté ici, le lecteur séduit, pourra toujours commander au Rocher, ce que le professeur y a fait paraître sur César ou les guerres puniques. Le professeur Le Bohec sait allier la clarté et la profondeur. La rigueur de sa problématique, la simplicité directe de son style et la franchise modeste de ses propositions, sont un enchantement. Il est à rebours de tant d’universitaires qui manient la langue de bois et semblent confondre profondeur et confusion.

La Paix Romaine

L’empire romain, né avec Auguste au début de notre ère, connaît une remarquable stabilité, épicée par les frasques réelles ou supposées de ses dirigeants. La situation bascule après la dynastie des Sévères (193-235). L’empire est attaqué au nord et à l’est, il est en proie à des désordres intérieurs majeurs (entre 235 et 268, seize empereurs se succèdent, quatorze finissent assassinés et on compte une quarantaine d’usurpateurs, nom communément donné aux vaincus!) et s’enfonce dans la crise économique et financière, la crise sociale et morale. Si de nombreux érudits se sont accordés à donner une origine militaire à cette crise, le mépris dans lequel est souvent tenu l’histoire militaire a laissé cette question dans l’ombre. Yann Le Bohec vient combler cette lacune.

Après avoir décrit les piliers de la Paix Romaine sous les Antonins, l’auteur explique la puissance de l’armée romaine, seule armée permanente au monde avec celle de la Chine. A 18 ans, les jeunes romains passaient devant le conseil de révision. On prenait les meilleurs, les esclaves étaient exclus et les pérégrins ne pouvaient entrer que dans les unités auxiliaires (ainsi que les citoyens recalés à l’entrée dans la légion). Si l’on était retenu, c’était parti pour vingt-cinq ans de service ! L’armée était très disciplinée, convenablement payée et disposait de tous les services nécessaires. En 193 on compte trente légions de 5000 hommes et autant d’auxiliaires répartis dans tout l’empire. C’est de l’infanterie lourde. La stratégie de l’empire romain n’est pas comparable aux stratégies de nos états aujourd’hui. Les états antiques n’ont pas nos moyens d’étude ni de contrôle, ni les statistiques, ni les sciences économiques n’existent… La stratégie romaine est donc globalement défensive, n’excluant pas les guerres préventives, sans doute depuis le désastre du Teutobourg en l’an 9 (voir sur le site l’article sur le livre du même auteur). Le limes qui protège l’empire est une expression assez anachronique et ne doit pas être vu comme une gigantesque barrière. Il est plus empirique, s’adaptant à la géographie, mur ici, fortin là pour contrôler une oasis et empoisonner les puits en cas d’urgence… Il n’est surtout pas un dogme ! L’armée est fière d’être romaine, elle repousse ses ennemis sans difficulté, elle « romanise » l’empire.


Les ennemis de Rome, de plus en plus forts

Yann Le Bohec innove en étudiant les ennemis de l’empire. Il commence par les Germains, et, en effet quelle évolution depuis le règne d’Auguste ! Elle tient en deux éléments principaux. Les Germains ont constitué des confédérations plus stables que les agrégats de peuples occasionnels de la période précédente : les Francs et les Alamans, bientôt complétés par de nouveaux venus, les Goths. Leur armement et leur tactique (phalange, attaque en « museau de porc » c'est-à-dire en triangle) viennent au secours d’une frénésie ancienne et redoutée.

Les Iraniens, eux aussi, ont évolué. Ils ont appris de leurs ennemis romains, sans doute par des transfuges comme nous le dit Hérodien… Ils se dotent d’une infanterie lourde ( ?) au sein d’une armée permanente sous la dynastie des Sassanides. La société est soudée autour d’une religion unique et forte, le zoroastrisme. Les tactiques s’améliorent, notamment la poliorcétique (technique de siège).

Il semble que les ennemis de Rome connaissent en plus un essor démographique. La force de ces ennemis et leur capacité de nuisance oblige l’empire à faire face de tous côtés et encourage des ennemis secondaires à plus d’audace comme les Bretons, les Daces et les nomades d’Afrique du nord…

La crise tous azimuts

Les guerres permanentes qui s’ensuivent provoquent l’inflation et la crise économique par la hausse vertigineuse de la solde des légionnaires et l’augmentation de leur nombre. En plus, le pouvoir central ne pouvant faire face partout, des provinces font sécession et tentent de prendre leur destin en main, Palmyre avec la célèbre reine Zénobie ou la Gaule de Postumus. Après 275, les « empereurs illyriens » rétablissent la situation. Mais l’armée a changé. Elle a plus recours à des étrangers, privilégie les armes de jet, l’épée longue, la lance, utilise de la cavalerie lourde, toutes techniques empruntées aux ennemis. Elle est moins disciplinée, par exemple les soldats romains pillent leurs propres compatriotes ce qui était impensable mais la logistique aussi s’est dégradée! La crise monétaire rend la paye incertaine et sa part en nature augmente.

Le redressement

Avec Dioclétien la situation se redresse mais il semble que les Romains s’adaptent sans penser une globalité qu’ils n’ont pas les moyens d’envisager. L’armée augmente en effectif, on renonce à une conscription dont la qualité s’est dégradée par ailleurs (on ne cherche guère à entrer dans une armée qui accumule les revers). Au début de l’empire les soldats n’avaient le droit de se marier, leurs compagnes avaient donc le statut de prostituées. Malgré tout des enfants naissaient, les castris (nés au camp) et, ainsi que les provinciaux, ont pris une part croissante dans les effectifs. Les « Italiens » sont devenus peu à peu largement minoritaires.

[...]

Didier Paineau


L'Armée romaine dans la tourmente,
par Yann Le Bohec,
aux éditions du Rocher,
collection L'Art de la guerre,
paru en mars 2009,
à Monaco,
nombreuses illustrations, bibliographie, sans index hélas,
320 pages,
21 euros


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