dimanche 24 juillet 2016

La mondialisation économique, un jeu à somme nulle pour l'Occident ?

Pendant des années et des années, des militants altermondialistes, des syndicalistes, des associations de citoyens se sont époumonés à protester contre ce qu'ils qualifiaient de mondialisation économique déshumanisée. C'était l'époque des grandes manifestations lors des sommets du G7 ou de l'Organisation mondiale du Commerce, des contre-sommets de Porto Alegre ou des zapatistes du sous-commandant Marcos. Ils ont été peu entendus. Aujourd'hui, un message plus brutal est adressé aux tenants de la libéralisation à tous crins des échanges, et il est plus difficile à ignorer : ce sont les électeurs qui le lancent dans les principaux pays industrialisés, une révolte dans les urnes qui paraît plus efficace que des années de manifestations de rue.

Tous les analystes s'accordent désormais à voir, au moins pour partie, dans les votes pour le Brexit au Royaume-Uni, en faveur de Donald Trump aux primaires républicaines ou pour des partis populistes ou [dits] d'extrême droite en Europe continentale, y compris en France, un message antimondialisation, dirigé contre les élites. Le journaliste américain Christopher Caldwell citait récemment, dans une tribune publiée par « le Monde », le livre « The Rise and Fall of American Growth » (Princeton University Press) de l'économiste Robert J. Gordon, abondamment débattu aux États-Unis, et résumait ainsi la situation : « Des fortunes sans précédent ont été bâties sur la cannibalisation (au travers des licenciements), la sous-tarification (par l'immigration) et le contournement (par le libre-échange) de l'ancienne économie. Mais cela ressemble à un jeu à somme nulle. Nous sommes aux tout premiers stades d'une insurrection contre ce jeu. Trump est probablement la forme la plus bénigne qu'une telle insurrection pourrait prendre. » La même chose pourrait être écrite à propos des bastions du « Quitter » dans les régions défavorisées de l'Angleterre, dont le message envoie une onde de choc à Londres et, au-delà, dans le monde entier ; et en France du vote Front national et des tentations du repli identitaire.

Signe que le message est entendu, la sortie remarquée de Manuel Valls, dimanche 26 juin, contre le projet de traité de libre-échange transatlantique (PTCI) entre l'Union européenne et les États-Unis. Le Premier ministre a durci le ton contre la négociation de ce texte, qui est entre les mains de la Commission européenne : « Dorénavant, aucun accord de libre-échange ne doit être conclu s'il ne respecte pas les intérêts de l'UE. L'Europe doit être ferme. La France y veillera. Et moi, je vous le dis franchement : il ne peut pas y avoir de traité transatlantique. » [Notons que la France ne défend plus son intérêt supérieur, mais plutôt l'intérêt supérieur de cette création bureaucratique qu'est l'Union européenne.]

Au-delà de la posture, il y a assurément l'analyse selon laquelle ces accords et leurs conséquences réelles ou fantasmées sur les normes sociales, sanitaires, environnementales, etc. sont l'un des éléments de la révolte électorale en cours. Le problème est que les partis de gouvernement, de droite comme de gauche, ont été associés à la vague de libre-échange et de libéralisation économique qui a changé le monde depuis trente ans, et en paient aujourd'hui le prix politique auprès des perdants de cette mutation historique. L'irruption de Donald Trump dans le camp républicain, outsider bien que milliardaire, est le signe de ce désaveu. Qu'il gagne ou qu'il perde, l'impact de ce phénomène devrait être un coup de frein à cette phase de la mondialisation et une remise à plat des règles du jeu économique: ceux qui ignoreront ce message le feront à leurs dépens, aux États-Unis comme en Europe.

Source : L'Obs

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