mardi 10 mai 2016

La « radicalisation » à Maisonneuve : la faute aux méchants préjugés et aux médias qui risquent de renforcer la « radicalisation »

Le Devoir s’est fait l’écho complaisant d’une étude (l’article ne comprend aucune critique de l’« étude ») portant sur « la radicalisation religieuse conduisant à la violence ».

Rappelons les faits : au cours de l’automne 2014 et de l’hiver 2015, le Québec a fait face à un phénomène inédit et inquiétant : le départ de plusieurs jeunes vers la Syrie, a priori pour rejoindre les rangs de l’État islamique.

Une douzaine de jeunes issus de l’immigration et de l’école québécoise « du dialogue » et « du vivre ensemble » fréquentant le collège de Maisonneuve avaient été arrêtés par la Gendarmerie royale du Canada.

Aujourd’hui encore, afin de lutter contre la radicalisation islamique et le climat d’intimidation qui règne dans ce cégep multiethnique, le gouvernement du Québec a décidé de dépenser, d’investir 400 000 $ au Collège de Maisonneuve pour y « implanter des mesures d’appui au vivre ensemble ». Quand on parle de climat d’intimidation, il faut bien comprendre que les plaintes émanaient de membres du personnel qui dénonçaient l’intimidation mise en place par des groupes d’élèves qui avaient pris le contrôle de certains secteurs de l’établissement, notamment un coin de la bibliothèque...

Revenons au rapport que le Devoir résume aimablement. Pour ceux-ci (Le Devoir et le rapport), les « récents cas de radicalisation d’étudiants du Collège de Maisonneuve ont eu des conséquences négatives sur la communauté du cégep. Au point que, si rien n’est fait, d’autres cas de radicalisation pourraient survenir, conclut un rapport rendu public mardi par un institut de recherche collégial et dont Le Devoir a obtenu copie. »

« La manière dont la société traite de la radicalisation peut entraîner la radicalisation. On ne dit pas que ça crée mécaniquement la radicalisation, mais qu’un de ses effets collatéraux est que ça peut conduire certaines personnes à se radicaliser », explique au Devoir Frédéric Dejean, chercheur à l’Institut de recherche sur l’intégration professionnelle des immigrants (IRIPI) et auteur du rapport Les étudiants face à la radicalisation religieuse pouvant conduire à la violence.

[Frédéric Dejean est aussi partie prenante : il enseigne au Collège de Maisonneuve et les excellents services interculturels dont il parle (voir ci-dessous) sont aussi ceux où il travaille... Il n’est pas un observateur externe. Est-il vraiment un rapporteur objectif ?]

[...]

Les étudiants, qu’ils soient réellement musulmans ou portant simplement un nom ou un accessoire (hijab, barbe) associé à cette religion [on porte le hijab sans être musulmane ?], ont vécu une stigmatisation sans précédent. « Comme si le fantôme [des récents événements] était encore dans les couloirs », note M. Dejean. « Ils ont vécu un choc. »

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Ça fait une trentaine d’années qu’on fait de l’interculturel et on a d’excellents services, très dynamiques, mais il y a des outils de prévention qui devront avoir une coloration nouvelle », souligne M. Dejean.

[...]

Le rapport insiste également sur le fait que la marginalisation, qu’elle soit socioéconomique ou culturelle, contribue à créer un terrain propice à la radicalisation. « On a remarqué que le sentiment d’appartenance au Québec chez plusieurs jeunes, notamment ceux issus de l’immigration, était absent », indique le chercheur.


Fallait-il ne pas parler dans les médias des élèves radicalisés pour favoriser l’interculturalisme ?

Le rapport pointe aussi le rôle des médias (la commission Bouchard-Taylor avait déjà trouvé identifier les médias comme bouc émissaire mal pensant) :

« Les intervenants rencontrés ont expliqué les conséquences des événements, et de leur traitement par les médias, sur les étudiants. L’un d’entre eux affirme qu’il “en résulte une perte totale de confiance en ces jeunes, un climat de suspicion” (intervenant 5) qui peut se traduire par une détérioration de l’image de la religion musulmane, un rejet — ou du moins une craite [sic] — de toute forme de différence culturelle, des préjugés ou des amalgames sur n’importe quel citoyen musulman ou arabe. »

Résumons :
  • il n’y a pas vraiment de radicalisation islamiste (au mieux elle est globalement « religieuse » due à une marginalisation socioéconomique ou culturelle), et s’il y en a, c’est de notre faute.
  • Aucune critique de l’école interculturelle québécoise que le monde entier nous envie... Et pourtant tous ces cours d’éthique et de culture religieuse, de « dialogue », d’exercices interculturels constants de vivre ensemble ? Combien de temps faudra-t-il encore consacrer à la « thérapie » des jeunes dans les écoles et cégeps ? Où est ce fameux enrichissement interculturel ?
  • La provenance religieuse des élèves n’aurait que peu d’effet sur le sentiment d’appartenance au Québec, c’est au mieux une question de marginalisation socioéconomique (!!) ou « culturelle ». Est-ce que tous les pauvres ou toutes les cultures connaissent ce même manque d’identification ? Et si la marginalisation était volontaire dans certains cas et non subie par les pauvres immigrants rejetés par les Québécois soupçonneux et perclus de préjugés ? Certaines pratiques religieuses ne visent-elles pas précisément à séparer la « Oumma » des autres (les mécréants) ? Voir le sociologue Gilles Kepel qui parle de « sécession culturelle » volontaire.
  • L’immigration récente n’aurait pas d’effet sur l’augmentation de la radicalisation « religieuse » ou alors comment comprendre le silence entourant la question ? Pourquoi on ne demande pas de réduire un certain type d’immigration afin de mieux intégrer ceux qui sont déjà là ?
  • Les médias et les préjugés idiots envers les différences culturelles, voilà un coupable facilement trouvé à de futures nouvelles radicalisations alors que des acteurs de terrain, comme le rapporteur Dejean, offrent d’excellents services au cégep de Maisonneuve.
  • Entretemps, si rien n’est fait (par ici les subventions et les plans d’action pilotés par des sociologues de l’interculturel ! c’est vrai que l’immigration est enrichissante pour d’aucuns), on risque plus de radicalisation (ça ressemble à un chantage ou une défausse).

Voir aussi

Novlangue : « implanter des mesures d’appui au vivre ensemble »

Étude — Plus on est « progressiste », plus idéaliserait-on ou nierait-on la réalité ?

L’effacement du réel

Étude — Baisse de « solidarité » corrélée à l’augmentation du nombre d’étrangers




4 commentaires:

Raoul a dit…

La radicalisation des bouddhistes et des Amish devient incrontôlables, il faut faire quelque chose.

À nouveau un sociologue ce Dejean : un idéologue avec un gros salaire payé à même nos impôts.

Simplet a dit…

j'ai l'impression que pour Frédéric Dejean, chercheur à l’Institut de recherche sur l’intégration professionnelle des immigrants (IRIPI), le Québec souffre du syndrôme de la femme battue. Essayons d'être plus ouvert afin de réduire les violences...

Walter a dit…

La morale perdue de la gauche : pourquoi les socialistes (au Québec : ça fait au moins le PLQ et le PQ) se taisent au sujet de l'islam et des réfugiés?

Sur les podiums du 1er mai, la politique socio-économique du gouvernement de centre droit a été particulièrement malmenée. En même temps, le débat qui agite la moitié du monde a été à peine effleuré : les réfugiés, le djihadiste et la crise de l'Occident tolérant. Peu à peu, la situation devient le drame existentiel de la socio-démocratie : détourner le regard de la question la plus pressante de notre époque.

http://www.levif.be/actualite/belgique/la-morale-perdue-de-la-gauche-pourquoi-les-socialistes-se-taisent-au-sujet-de-l-islam-et-des-refugies/article-normal-499367.html?utm_campaign=Echobox&utm_medium=social&utm_source=Facebook#link_time=1462959721

David a dit…

Une étude du WZB Berlin Social Science Center, parue en 2015 dans le Journal of Ethnic and Migration Studies , indique que la moitié des musulmans français, belges et autrichiens sont fondamentalistes, c'est-à-dire qu'ils considèrent que les musulmans doivent revenir aux racines de la foi, qu'il n'y a qu'une seule interprétation du Coran et que les règles religieuses sont plus importantes que les lois civiles. Cette vision est inconciliable avec les fondements de nos démocraties. Prétendre que la doctrine islamique - qui est beaucoup plus qu'une religion - ne joue aucun rôle dans les attentats qui se commettent actuellement relève d'un déni psychotique de la réalité.