lundi 25 avril 2016

France — Face aux menaces du radicalisme musulman, le gouvernement socialiste serre la vis aux écoles libres

Face aux menaces du radicalisme musulman, le gouvernement socialiste en France a lancé une vague d’inspections des établissements hors contrat, pourtant ces établissements sont surtout laïcs et chrétiens. Le projet du gouvernement socialiste de durcir les procédures d’ouverture d’écoles suscite l’inquiétude.

L’enseignement privé hors contrat en France est majoritairement laïc. Comme il ne reçoit aucune subvention de l’État, il est par conséquent payant, mais possède une certaine autonomie quant aux programmes scolaires et une grande liberté quant à la méthode pédagogique.

Presque tous (97,3 % des élèves en 2011-2012), dans les établissements privés sous contrat (dit loi « Debré ») avec l’État, relèvent de l’enseignement catholique, mais il n’y a presque plus d’instruction catholique : ni la formation des enseignants ni le programme ne diffèrent d’avec l’enseignement public. Ces écoles sont subventionnées par l’État.

En finir avec « le laisser-aller », partager les « valeurs de la République ». C’est la mission que s’est donnée la ministre socialiste Najat Belkacem à l’égard des écoles privées hors contrat. S’ils ne sont pas tenus de respecter les programmes officiels, les établissements ne peuvent, insiste son cabinet, « s’affranchir de la nécessité de faire partager les valeurs de la République ».

Sur la vingtaine d’écoles inspectées (musulmanes, juives, chrétiennes, laïques), « six à huit » posaient problème. « Ni djihad, ni extrême droite, ni promotion de valeurs hostiles à la République [qu’est-ce que cela signifie : être contre l’immigration de masse ?] mais plutôt une pauvreté pédagogique, un trop faible niveau scolaire », précise-t-on au ministère. L’État ferme-t-il les nombreuses écoles publiques qui ont un trop faible niveau scolaire ?

Aujourd’hui, pour ouvrir une école hors contrat, une déclaration en mairie suffit. Le maire a huit jours pour vérifier que les locaux sont conformes aux normes d’hygiène et de sécurité. L’État, lui, a un mois pour s’opposer à la création d’un nouvel établissement. Mais le contrôle pédagogique n’intervient qu’a posteriori, dans l’année qui suit l’ouverture, puis tous les cinq ans environ. L’idée serait de passer à un contrôle a priori, sur la base du projet.

Cette réflexion laisse sceptique Sœur Marie-Irénée, directrice de l’Institution Saint-Pie X, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), sous tutelle des dominicaines du Saint-Esprit. « Personne ne va annoncer avant le lancement de son école qu’il entend tenir un discours radical aux élèves », fait-elle valoir. Si elle est convaincue que « le hors-contrat ne peut se situer hors de la société », le fait de devoir obtenir un feu vert avant toute ouverture exposerait ceux qui le sollicitent à un risque de refus « de la part de personnes qui ne seraient pas forcément objectives ».

Son établissement de jeunes filles a fait le choix du hors-contrat pour ses parties collège et lycée afin d’y proposer notamment « une formation littéraire plus ambitieuse que celle prévue par les programmes ». Il a été contrôlé « sans difficulté » en juin dernier. « Il serait injuste de pénaliser toutes les écoles hors contrat, alors que la prévention de la radicalisation ne se pose que dans une infime partie d’entre elles », estime, de son côté, Anne Coffinier (voir sa lettre ouverte ci-dessous), la présidente de la Fondation pour l’école, qui accompagne les projets d’établissements indépendants.

D’après elle, « la seule solution efficace consiste à pratiquer de manière régulière des contrôles inopinés ». Vouloir faire passer sous contrat un maximum d’écoles musulmanes afin de mieux les intégrer lui paraît tout aussi inopérant. « Dans le cas du hors-contrat, c’est l’ensemble de l’école que l’on contrôle, tandis que sous le régime d’association avec l’État, on inspecte les enseignants individuellement en moyenne une fois tous les sept ans. »

À ses yeux, du reste, le danger provient plutôt d’écoles « sauvages », non déclarées. « On assiste à un développement inquiétant de réseaux qui, sous couvert d’enseignement à domicile, embrigade les enfants », glisse-t-on au cabinet de Najat Belkacem. L’Association des maires de France, elle aussi, a alerté fin 2015 sur la multiplication des demandes de « déscolarisation ». Terme un peu ambigu en France qui signifie non seulement le fait de ne pas fréquenter une école en dur, mais évoque aussi défavorablement la non-instruction des enfants, ce qui est bien évidemment un abus de langage (on peut être très bien instruit à la maison avec l’aide au besoin de précepteurs).



Pousser les écoles musulmanes à passer sous contrat ? Inutile et même dangereux
par Coffinier, Anne*

Anne Coffinier lors de son passage
à Montréal en décembre 2013
Conclure des contrats « loi Debré » avec toutes les écoles musulmanes ne préviendrait en rien la radicalisation de certains de leurs élèves et empêcherait de surcroît toute ouverture d’école catholique sous contrat d’association, s’inquiète la directrice générale de la Fondation pour l’école*.

« Najat Vallaud-Belkacem dit vouloir lutter contre la radicalisation des jeunes à l’école. C’est en effet urgent. La logique voudrait qu’elle concentre son action sur l’école publique parce que les terroristes, même si c’est pénible à reconnaître, en proviennent. Il y a un énorme travail à accomplir dans les “écoles de la République”, tant l’hostilité à la France semble pouvoir s’y déployer facilement, sans doute alimentée par des programmes qui ne donnent pas assez de raison de l’aimer. Il faut aussi mettre un terme à l’antisémitisme qui se développe en toute impunité dans une partie des écoles publiques.

S’agissant du privé, on sait que la loi Debré de 1959 a institué la faculté, pour les établissements privés, de conclure avec l’État un contrat qui prévoit des droits et des obligations réciproques. Or, paradoxalement, le contrat loi Debré, en lui-même, n’empêche pas que se développent au sein de l’établissement un communautarisme de repli et une hostilité à la France et aux valeurs de la République. L’affaire du collège privé Averroès, sous contrat, l’a bien montré. Les contrôles portant sur les écoles privées sous contrat sont rares, une fois tous les sept ans en moyenne ; parcellaires, ils ne concernent que les professeurs isolément et non l’ensemble de l’établissement. Surtout, ces contrôles ne peuvent pas porter sur les matières qui ne relèvent pas de l’obligation scolaire, comme l’enseignement religieux. Rien n’empêche donc d’enseigner la charia dans un établissement sous contrat. Et rien n’interdit à une école sous contrat de recevoir des financements complémentaires en provenance de l’Arabie saoudite, du Qatar ou de l’Algérie, pour financer les investissements, les enseignements ou activités ne relevant pas de l’obligation scolaire.

De façon inattendue, le contrôle des établissements hors contrat est bien plus étoffé : les contrôles doivent intervenir l’année d’ouverture puis tous les cinq ans ; ils sont étendus à l’ensemble de la vie et des enseignements de l’établissement, et portent sur le développement affectif, intellectuel et civique des enfants. Il ne tient qu’à l’Éducation nationale de diligenter courageusement toutes les inspections prévues. Nul besoin de changer la loi. Le projet de Najat Vallaud-Belkacem de passer sous contrat loi Debré les écoles musulmanes existantes pour prévenir la radicalisation n’est donc pas une solution pertinente. De surcroît, les foyers de radicalisation principaux se situent pour l’essentiel dans des lieux d’enseignement qui ne sont pas déclarés comme des écoles, mais sont en lien avec des lieux de prière eux-mêmes non répertoriés. On les trouvera aussi dans certaines écoles coraniques, qui prennent en charge les enfants durant le temps périscolaire. Par conséquent, les contrôles renforcés sur les écoles hors contrat ne les concerneront en rien.

Par ailleurs, la décision de conclure des contrats loi Debré prioritairement avec les écoles musulmanes aurait pour conséquence certaine de créer des tensions politiques et religieuses fortes en France. La raison en est simple, mais peu connue : les gouvernements successifs n’ont jamais remis en cause l’accord politique des 80-20 % mis en place au lendemain des grandes manifestations de 1984 pour la liberté scolaire. Selon cet accord, l’ensemble de l’enseignement sous contrat ne doit pas scolariser plus de 20 % des élèves. Ainsi, si des écoles musulmanes passent sous contrat, c’est autant d’établissements catholiques ou non confessionnels qui seront privés de contrat et de financements publics.

Si l’on ajoute le projet du ministère de l’Éducation nationale de passer sous contrat les écoles musulmanes à celui de renforcer les contrôles sur le hors contrat en rendant plus difficile l’ouverture de nouveaux établissements libres par la mise en place d’un régime d’autorisation préalable, on arrive à un résultat paradoxal en raison de la persistance anachronique et difficilement justifiable des 80-20 % : les écoles musulmanes seraient financées sur fonds publics, sans être sensiblement plus contrôlées ; les ouvertures d’écoles catholiques ou non confessionnelles seraient quasi impossibles en raison de la procédure d’autorisation préalable. Et pour corser le tout, la politique du gouvernement entretiendrait des rivalités malsaines entre les différentes confessions.

Si l’on veut prévenir les risques de radicalisation à l’occasion de l’enseignement, il vaut mieux concentrer notre énergie sur les décisions suivantes : mobiliser les services pour détecter rapidement tous les lieux d’enseignement clandestins et les fermer, interdire de délivrer les enseignements profanes ou religieux exclusivement en arabe, prohiber les financements étrangers, réconcilier les musulmans avec l’école publique en la dépolitisant et en la recentrant sur l’instruction, et surtout mettre en place des contrôles inopinés sur tous les établissements, qu’ils soient publics, sous contrat ou hors contrat, par des corps d’inspection enrichis de compétences antiterroristes issus du ministère de l’Intérieur et notamment d’arabisants confirmés.

Il n’y a aucune raison que les écoles (hors contrat ou sous contrat) catholiques, juives, protestantes ou aconfessionnelles fassent les frais de la lutte contre le péril islamiste qui menace notre pays. »


* Ancienne diplomate de carrière et ancienne élève de l’École normale supérieure et de l’École nationale d’administration. La Fondation pour l’école est une fondation reconnue d’utilité publique.

Voir aussi

Anne Coffinier sur la liberté scolaire, les réformes du système scolaire, le financement des écoles

Compte rendu du colloque international sur l’éducation catholique tenu à Montréal


France — « C’est dans les écoles libres qu’on trouve les meilleures formations »



2 commentaires:

  1. Employer une petite croix pour faire un appel de notation me semble maladroit, cela fait penser que la personne est décédée. Employer usuellement l'étoile ou le chiffre entre parenthèses sans crénage.
    Merci pour cet article qui accompagne nos efforts, ici: http://l-ecole-a-la-maison.com/actualite-droit-de-loi/

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  2. Oui, l'obèle (le nom technique) ici est sans doute peu approprié, mais son usage n'est pas interdit.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ob%C3%A8le#Usages_typographiques_d.C3.A9riv.C3.A9s

    « L’obèle peut servir comme appel de note en complément de l’astérisque (*). L’usage veut que l’on utilise l’astérisque comme premier appel de note, l’obèle simple (†) comme second, le double obèle (‡) comme troisième »

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