jeudi 10 mars 2016

Augmentation du nombre d'immigrants par le PLQ, les réactions fusent

Scène de rue bilingue à Montréal
Nous avons déjà cité le démographe Guillaume Maurois sur le peu d’effets (au mieux) de la hausse du nombre d’immigrants de 50 000 à 60 000 par an sur la population active au Québec.

Voici deux autres réactions sur cette hausse annoncée par le Parti libéral du Québec. D’abord, la lettre ouverte de Tania Longpré, enseignante en francisation des immigrants depuis 2007 dans diverses écoles. Ensuite, la réaction plus politique du chroniqueur Mathieu Bock-Côté.


Cher Philippe Couillard,

Aujourd’hui, vous avez dit que le Québec devait accueillir 10 000 immigrants de plus.

Vous êtes même allé jusqu’à dire au chef de la deuxième opposition officielle qu’il « soufflait sur les braises de l’intolérance » en s’inquiétant de la possible hausse des seuils d’immigration, qui passeraient à 60 000 par année.

Taxer quelqu’un d’intolérant est d’ailleurs l’attaque la plus facile dans ce type de dossier, lorsque nous ne pouvons pas répondre par un argument solide aux inquiétudes des autres.

Je suis triste de constater que, pour vous, réfléchir au sujet de l’amélioration de l’intégration des immigrants, c’est d’être intolérant. Je pense que pour solidifier votre position, vous êtes prêt à tomber rapidement dans de douteux amalgames alors que les questionnements de monsieur Legault sont légitimes.

Brian Myles écrivait ce matin dans Le Devoir qu’il y avait des « fissures dans l’édifice de l’intégration ».

Il se trompe. En fait, c’est plutôt des crevasses et des trous béants, par contre, vous ne semblez pas considérer le colmatage de ceux-ci avant de hausser les seuils d’immigration. La réalité, c’est que l’intégration de nos immigrants est comparable à l’état de nos routes au printemps : catastrophique et pleine de nids-de-poule.

Lorsqu’on travaille sur le terrain, en immigration, on se rend compte que la réalité, c’est que votre gouvernement — comme tous ceux qui l’ont précédé — abandonne les nouveaux arrivants en déléguant les responsabilités liées à leurs intégrations à des organismes, en se préoccupant très peu de leur sort. L’important, c’est de séduire les gens avant qu’ils ne soient ici, afin d’atteindre les seuils que nous nous fixons. S’occuper d’eux une fois arrivés ? Bof !

Avant de hausser les seuils, pourquoi ne pas s’occuper de réduire l’attente dans le cas des équivalences d’études ? De faire en sorte que les employeurs soient plus flexibles avec les nouveaux arrivants qui n’ont pas encore de « sacro-sainte expérience de travail québécoise ? »

Vous prévoyez probablement faire ça après ? Pourtant, ça fait des années que des immigrants qui sont déjà ici attendent !

Je me pose plusieurs autres questions sur la hausse des seuils migratoires.

Par exemple, investirez-vous enfin dans la régionalisation de l’immigration ? Réaliserez-vous que le Québec a besoin de travailleurs aussi en région, n’en déplaise à vos amis du Conseil du patronat ?

De plus, que diriez-vous à mes étudiants immigrants qui doivent s’absenter des cours de francisation pour aller chercher de l’aide alimentaire ? À ceux qui reçoivent honteusement du chômage alors qu’ils étaient professionnels dans leur pays ? Que diriez-vous aux 27 % d’immigrants francophones qui sont sur le chômage à Montréal ?

Que diriez-vous à ces médecins syriens qui n’arrivent pas à trouver du travail dans leur domaine ?

C’est le genre de question que je me pose, me taxerez-vous d’intolérante, Monsieur Couillard ?

Tania Longpré


Pour ce carnet, il vaut mieux accueillir 25 000 immigrants par année, plutôt que 60.000, mais bien les choisir pour éviter qu'ils soient au chômage et y mettre les moyens pour bien ce faire en leur fournissant d’excellents services de francisation et d’intégration si nécessaire. Pour une population de 65 millions, la France accueille environ 200 000 immigrants légaux par année. Cela revient à peu près, proportionnellement, à 25 000 immigrants pour le Québec.

La chronique de Mathieu Bock-Côté :

60 000 immigrants?

Rien n’arrête le gouvernement libéral, surtout pas la décence.

Il envisage en ce moment une hausse des seuils d’immigration de 50 000 à 60 000 par année. Philippe Couillard a même été plus loin: nous n’aurions pas le choix.

Aussi bien dire qu’il a perdu tout sens de la mesure. Le Québec accueille déjà plus d’immigrants qu’il n’est capable d’en intégrer. La machine à intégrer est brisée. Tout simplement.

À Montréal, ce sont moins les immigrants qui s’intègrent aux Québécois francophones que ces derniers qui s’intègrent à un nouveau peuple montréalais bilingue et multiculturel. François Legault l’a bien noté: la hausse de l’immigration serait dangereuse pour le français à Montréal.

On devine que cela n’empêche pas le Parti libéral de dormir, qui rêve d’une province bilingue et multiculturelle, parfaitement compatible avec le Canada de Justin Trudeau, qu’on nous vend comme un Disneyland cosmopolite.

Multiculturalisme

Cette hausse massive de l’immigration s’explique d’abord politiquement. Le vote francophone s’est historiquement détourné du Parti libéral. Le Parti libéral préfère alors miser sur une immigration massive pour augmenter son électorat. C’est une stratégie efficace. Il a ainsi à peu près rayé de la carte le PQ de Montréal et de Laval.

Le Parti libéral cadenasse aussi démographiquement l’avenir constitutionnel du Québec. Car quoi qu’en disent les analystes qui portent des lunettes roses, les immigrants, massivement, sont fédéralistes. Ce n’est pas sur le point de changer.

Et ce n’est pas parce que les souverainistes ne sont pas assez ouverts, mais simplement, parce qu’ils arrivent au Canada, et que ce pays anglophone a une plus grande force d’attraction que le petit Québec francophone qui doute lui-même de son identité.

Apparemment, l’immigration massive serait nécessaire à notre prospérité. Mais c’est loin d’être une évidence.

En fait, les faits suggèrent le contraire. Le gouvernement s’appuie sur le discours du patronat qui y voit une main-d’œuvre nécessaire à l’économie québécoise.

Mais pour le patronat, les peuples n’existent pas. À la grandeur de la planète, les idéologues néolibéraux ne voient que des populations interchangeables qu’ils peuvent déplacer à loisir pour s’offrir selon les besoins du moment une main-d’œuvre à bon marché.

Déracinement

On déracinera alors les êtres humains pour les traiter comme de simples ressources humaines. Cette vision a joué un grand rôle dans la mutation démographique et politique de l’Europe, aujourd’hui minée par les tensions interethniques.

À travers cela, le poids des francophones diminue au Québec. Et ceux qui s’en inquiètent se font systématiquement culpabiliser. On les accuse de xénophobie, de racisme. En matière d’immigration, on ne tolère qu’une réponse: toujours plus!

Il devrait y avoir un front commun des nationalistes pour transformer notre politique d’immigration en profondeur. Le PQ comme la CAQ, en la matière, ont le même intérêt: réduire significativement les seuils d’immigration.

Devant l’arrogance du gouvernement libéral, ils devraient en parler franchement et calmement, en expliquant pourquoi l’immigration massive est contradictoire avec les intérêts vitaux du peuple québécois.




3 commentaires:

  1. «C'est désormais le premier ministre qui va décider seul des seuils d'immigration. Au diable la démocratie! Au diable la procédure parlementaire! C'est lui seul, dans son bureau, qui décidera des sujets sur lesquels nous pourrons débattre dans cette Chambre. Seul, il a décidé, sans attendre les consultations, qu'il fallait hausser les seuils d'immigration de 50 000 à 60 000, déjà prévu. Pas le droit d'en discuter ici, pas du tout, surtout pas.»


    Vidéo :

    https://www.facebook.com/florence.plourde.3/posts/10154143203926178?pnref=story

    Réaction de Makka Koto

    En temps qu’ex Franco-Ontarien de naissance, qui a réintégré le Québec, son pays d’origine, il y a maintenant quarante ans et après trois générations d’exile, je tenais à vous faire part d’une subtilité parlementaire qui passe souvent inaperçu!

    En 1976, Camil Laurin, sous le gouvernement de René Lévesque, promulgua la loi 101, afin d’offrir une protection minimale à notre langue française, qui était et qui est toujours en danger au Canada. Il est important de noter qu’une loi implique un débat et un vote au parlement et dans le cas de la loi 101, une vaste consultation populaire auprès de la population.

    À titre de comparaison, il y a cent trois ans, en 1912, le gouvernement Orangiste de l’Ontario décréta le règlement 17, qui rendait l’enseignement du français illégal en Ontario avec les conséquences qu’on connait aujourd’hui… c'est-à-dire l’ethnocide de nos frères ontariens du à l’assimilation. La différence entre une loi et un règlement, c’est que ce dernier n’est ni discuté, ni voté au parlement, mais il est décrété par une signature unilatérale sur le coin du bureau du ministre. Ce gouvernement autoritaire régna en Ontario pendant plus d’un demi-siècle, au point d’hériter le nom de « Big Bleu Machine! », qui démontrait le contrôle qu’il a exercé sur toutes les sphères du gouvernement. Pour avoir vécu la fin de ce régime, et le qualificatif n’est pas trop fort, la « Grosse Noirceur » de Duplessis n’était rien en comparaison à ces derniers!

    Si j’ai bien compris Maka, le gouvernement Couillard serait rendu à utiliser les bonnes vieilles méthodes du gouvernement orangiste ontarien. Je vous souligne que les Orangistes sont le bras canadien du KKK… contre les nègres blancs francophones!!!!

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  2. Chiffres catastrophique sur l'immigration, le chômage, l'assistance sociale, le manque d'assimilation

    https://scontent-lga3-1.xx.fbcdn.net/hphotos-xtf1/v/t1.0-9/12795574_1105884956129618_6042388866909130753_n.jpg?oh=ad532acf050fac8ef09d74339d3a3f6f&oe=57582374

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  3. Bock-Côté en remet une couche:

    "Soyons sérieux: doit-on comprendre que selon Philippe Couillard, il suffit de ne pas souhaiter une augmentation massive de l’immigration pour souffler sur les braises de l'intolérance? Il y aurait donc deux alternatives en matière d’immigration : soit on est favorable à la logique du toujours plus, qui consiste à toujours augmenter les seuils comme s’il s’agissait d’une nécessité vitale pour la prospérité québécoise, et alors, on est démocrate, ouvert et généreux, soit on questionne cette hausse et alors, on passe du côté obscur de la démocratie. Soit on augmente les seuils d'immigration à 60 000, soit on questionne cette mesure et on flirte avec la xénophobie. C’est insensé.

    À moins qu’il suffise, selon Philippe Couillard, de ne pas croire que l’immigration a seulement des vertus pour se complaire dans un ressac anti-immigration caractéristique de l'extrême-droite? Suffit-il de rappeler que l’intégration des immigrants n’est pas toujours une réussite pour exciter les passions négatives d’un peuple qu’on ne cesse de suspecter de xénophobie, comme si laissé à lui-même, et délivré des contraintes imposées par un gouvernement libéral supérieurement éclairé et moralement irréprochable, il se laisserait aller au repli identitaire?"

    http://www.journaldemontreal.com/2016/03/12/lextreme-droite-selon-philippe-couillard

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