dimanche 7 février 2016

Nénufar peut s'écrire ainsi depuis le XVIIe siècle

On a fait grand cas de la réforme (facultative) de l’orthographe suggérée en 1990 et adoptée par les éditeurs scolaires.

Voici quelques caricatures récentes récoltées sur les réseaux sociaux qui se moquent de la nouvelle orthographe proposée pour le mot « nénufar » :




Or Littré préférait déjà « nénufar », voir le fac-similé ci-dessous page 712 du tome 3 de l’édition de 1873-1874.


De même le Larousse universel en deux volumes de 1922 mentionnait déjà les deux graphies « nénuphar » et « nénufar » :


Il en va de même du Larousse en sept volumes de 1907.

Le dictionnaire de l’Académie française de 1835, Tome 2, page 261, écrivait également « nénufar » :



La 9e édition du Dictionnaire de l’Académie (dans son 3e volume paru en 2011) précise :
NÉNUFAR ou NÉNUPHAR n. m. XIIIe siècle. Emprunté du persan nilufar, de même sens. La graphie nénuphar date du XIXe siècle. Genre de plantes aquatiques de la famille des Nymphéacées, pourvues de larges feuilles rondes et de grandes fleurs solitaires diversement colorées. Le nénufar blanc. Le nénufar jaune, ou Jaunet. Le nénufar a longtemps été appelé lis d’étang.

On retrouve la graphie nénufar dans des ouvrages nombreux du XVIIIe siècle :

Familles des plantes, par M. Adanson à Paris en 1763

Que s’est-il donc passé ? D’où vient la graphie avec le « ph » ? De quand date-t-elle ?

Voici l’historique qu’en fait le Dictionnaire de l’histoire de l’orthographe française publié chez Larousse en 1995 :
  • nenuphar : écrit ainsi en 1549, 1564, 1606 (sans accent) [à une époque qui tend à latiniser et à helléniser la graphie, parfois à mauvais escient, voir sçavoir, azymuth, autheur, le « h » dans la graphie anglaise « author » n’est pas étymologique, mais une hellénisation pédante.]
  • nenufar : écrit ainsi en 1694, 1718 (avec un « f », sans accent)
  • nénufar : la forme reçue de 1740 à 1878 (avec « é » et « f »)
  • nénuphar : à partir de 1935 dans le dictionnaire de l’Académie sous la fausse supposition qu’il s’agissait d’un mot grec.

La notice précise :
« Thierry [1564] et Nicot [1606, deux lexicographes autour du XVIe siècle] enregistrent les premiers ce mot venu de l’arabe avec un “ph” non étymologique (sous l’influence du latin venu du grec nymphea). [...] L’académie n’introduit la graphie faussement grecque que dans sa dernière édition complète en 1935, reprenant ainsi une ancienne réfection savante disparue depuis le XVIe s. Littré ne donne que nénufar. Les deux graphies, “ph” et “f”, sont données par le Grand Robert (1969 et 1986), le GLLF [Grand Larousse en 7 volumes] et d’autres dictionnaires actuels. »
Pour ce carnet, écrire « nénufar » n’est vraiment pas une mauvaise idée, pas plus que les étranges paires qui sont rectifiées par le réforme de 1990 (« boursoufler » devient « boursouffler » comme « souffler », « imbécillité » devient « imbécilité » comme « imbécile », « bonhomie » devient « bonhommie » comme « homme », etc.)



3 commentaires:

  1. Témoignage d'une enseignante :


    Comme énormément de mes collègues de primaire (et la plupart des profs blogueurs), j'écris en nouvelle orthographe et je l'enseigne, depuis sept ou huit ans. De plus en plus de mes manuels sont déjà à jour. Cela passe quasiment inaperçu tant ces rectifications sont légères, très loin de l'hystérie collective qui s'est emparée des réseaux sociaux ces jours-ci.

    Comme mes collègues, j'applique les programmes qui, depuis 2007, puis 2008, puis 2015*, demandent aux profs d'adopter comme référence l'orthographe révisée de 1990.

    Ce blog est écrit en nouvelle orthographe, depuis 2008, et, soyez honnête, est-ce qu'il vous pique les yeux ? Est-ce que la langue française vous semble défigurée ? Alors on respire un coup, on ne se laisse pas manipuler par les lanceurs de psychodrames, TF1 et autre BFM en tous genres, et on se documente avant de faire une crise d'hystérie... (et ensuite on passe à autre chose parce qu'il y a bien d'autres dossiers plus importants concernant l'orthographe de nos élèves que ces quelques millepattes sur leur nénufar).

    À l'IUFM, j'ai eu un professeur de français qui nous a expliqué les raisons de ces rectifications. J'ai compris qu'il ne s'agissait pas de simplification, ni de nivèlement par le bas, mais seulement de faire vivre notre langue, comme l'ont fait les académiciens durant les siècles passés.

    En effet, au cours des siècles, l'orthographe française n'a cessé d'évoluer. Par exemple, y a-t-il encore un seul enseignant qui écrirait :

    En sortant de la chosrale du collége, les enfans sont allés rue du Roy, pour veoir leur grand’mère et lui ont donné un poëme.

    Non, n'est-ce pas ?
    Si vous n'écrivez plus le français ainsi, c'est parce que l'Académie Française a, une fois ou deux par siècle, proposé des réformes et que les instituteurs de nos grands-parents ont accepté de les appliquer. Ils ont accepté d'écrire désormais voir et non veoir, de remplacer l'apostrophe de grand'mère par un trait d'union, d'abandonner ce joli tréma sur poëme, de changer l'accent aigu de collége en accent grave...

    Suite :
    http://www.charivarialecole.fr/j-enseigne-en-nouvelle-orthographe-et-tout-va-bien-a291726

    RépondreSupprimer
  2. Je trouve qu'il faudrait aller nettement plus loin : suppression de toutes les consonnes doubles.

    Je trouve qu'il faudrait aler nètement plus loin : supression de toutes les consones doubles.

    RépondreSupprimer
  3. À Madame Laurette,

    Je me contenterai de vous dire simplement ceci : que vous n'ayez pas le profil d'une battante politique, ça peut se concevoir. Néanmoins, ne prenez pas pour acquis que des nationalistes conservateurs impitoyables n'arriveront jamais au pouvoir. Il se pourrait fort bien que cela arrive, et ce jour-là, je vous garantis que ce sera la situation pré-1990 qui prévaudra. Je vous garantis aussi que tous les IUFM fermeront leurs portes et que toutes les réformes inspirées par les Philippe Meirieu de ce monde seront jetées à la poubelle.

    Il y a des gens qui, dans l'ombre, Madame, ont des vues sur le pouvoir politique. Sachez-le.

    RépondreSupprimer