vendredi 11 septembre 2015

Troubles de l'attention : une pilule qui passe mal (m-à-j)


Vidéo de l'émission Bazzo.TV du 10 septembre



Devant la hausse importante de cas de TDAH au Québec, difficile de savoir par où commencer alors que les études sur les traitements de la maladie se contredisent. Comment expliquer cette vague de diagnostics et la croissance exponentielle d'ordonnances de psychostimulants? Doit-on s'inquiéter ou dédramatiser? Et si le TDAH était une fausse maladie? Jean-Claude St-Onge, auteur de l'ouvrage « TDAH? Pour en finir avec le dopage des enfants » et Dr Martin Gignac, psychiatre à l'unité des adolescents de l'Institut Pinel, sont avec nous pour en discuter.


Billet du 7 septembre
 
Présentation de l'éditeur Votre enfant a beaucoup d’énergie – un peu trop, même, aux dires de ses enseignantes? Il est par­fois distrait, impulsif ou colérique? Comme des milliers d'autres jeunes, il pourrait recevoir un diagnostic de trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperac­tivité (TDAH) et se voir prescrire un psychostimulant tel le Ritalin. Mais ces comportements sont-ils nécessairement les symptômes d’une « maladie » appelée TDAH? Quelle est la validité de ces diagnostics quand on sait que plus de la moitié d'entre eux sont ultérieurement retirés par un centre spécialisé? Poursuivant son travail sur le pouvoir d'influence de l’industrie pharmaceutique, J.-Claude St-Onge se penche cette fois-ci sur le phénomène du TDAH, qui a littéralement explosé depuis une trentaine d'années. Or, il s'agit d'un diagnostic hautement controversé: les critères pour l'identifier manquent de scientificité et il n’existe aucune preuve que ces symptômes soient le résultat d’un déséquilibre chimique du cerveau. Quant aux médicaments, à long terme, ils ne font aucune différence sur les résultats scolaires et les comportements des enfants. Pire, ils peuvent même aggraver leurs symptômes. Cela n'empêche pas l’industrie pharmaceu­tique d'exploiter sans scrupule cette corde sensible des parents et des enseignants sont pour engranger des profits faramineux, sur la base d'essais cliniques aussi biaisés qu'incomplets. Dénonçant la surmédicalisation des problèmes de comportement et de la détresse psychologique des jeunes, J.-Claude St-Onge plaide pour une approche qui tienne compte de leur contexte familial, social, économique et environnemental. Pour en finir avec le dopage des enfants...
À l’heure où nos gouvernements coupent dans les services aux élèves en « difficulté », nous assistons à une explosion de diagnostics de TDAH et à une surprescription [surordonnance] de psychostimulants. Si l’industrie pharmaceutique s’en réjouit, nous devrions nous inquiéter et amorcer une réflexion critique sur ce triste constat. C’est ce à quoi nous invite ce livre fort actuel et extrêmement pertinent. – Dre Marie-Claude Goulet, médecin de famille
Entretien avec La Presse de Montréal

Après L’envers de la pilule et Tous fous ?, Jean-Claude St-Onge continue à critiquer vertement l’industrie pharmaceutique et le recours rapide aux médicaments. Son quatrième essai s’attaque à un sujet délicat : le diagnostic du trouble du déficit de l’attention (TDAH) et la médication des enfants.  

Pourquoi écrire sur le TDAH ?

Parce que les diagnostics de TDAH ont explosé. Au Québec, les prescriptions de psychostimulants ont été multipliées par quatre au cours de la dernière décennie. C’est ahurissant ! Il commence à y avoir une prise de conscience, même le ministre de la Santé dit qu’on prescrit trop de Ritalin. Le Collège des médecins parle de surdiagnostic du TDAH et du fait que les médecins ne sont pas véritablement formés pour diagnostiquer les troubles du comportement et de l’apprentissage.

Où est le problème dans le diagnostic, selon vous ?

Les critères diagnostiques n’ont aucune validité. Je ne suis pas le seul à le dire : Thomas Insel, directeur du National Institute of Mental Health aux États-Unis (NIMH), a causé un véritable tsunami dans la communauté scientifique l’an dernier en disant que le DSM n’était d’aucune utilité pour les diagnostics [le sigle DSM est l’acronyme de Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, ouvrage de référence en psychiatrie]. Il disait qu’il n’a aucune validité, car il est fondé sur les symptômes.

 Les symptômes du TDAH, c’est quoi ?

Des comportements qu’ont les enfants : ils ne prêtent pas attention aux détails, ils sont souvent inattentifs durant les jeux ou le travail, ils n’écoutent pas… Il y a neuf critères comme ça. Si vous en avez six, vous êtes TDAH. Pourquoi six et non pas huit comme c’était le cas jusqu’en 1994 ? Pire encore, les critères sont redondants : dire qu’on ne prête pas attention aux détails, qu’on est inattentif dans les jeux ou au travail, c’est dire qu’on est inattentif parce que vous manquez d’attention !

Les diagnostics posés au Québec reposeraient sur ces seules questions ?

La plupart du temps, oui.  

Sans approfondir ?

Il y en a qui veulent vraiment savoir et qui vont dans des cliniques privées et qui paient 1500 $ ou 1800 $. On leur fait passer toutes sortes de tests et toutes sortes de questionnaires pour être sûr d’avoir un bon diagnostic, mais il n’y a pas de méthode diagnostique sûre pour le TDAH. […] Ces diagnostics-là reposent principalement sur les critères du DSM qui, comme moi je le considère, n’ont aucune validité.

 Qu’est-ce qui vous incite à affirmer que les diagnostics au Québec ne sont faits qu’à l’aide de ces questions ?

C’est comme ça que c’est fait la plupart du temps. Très souvent, c’est fait sur le coin du bureau, lors d’une rencontre de 15 minutes avec le médecin ou le pédiatre.  

Ces diagnostics sur le coin du bureau ne relèvent-ils pas du préjugé ?

Non, c’est très souvent fait lors d’une rencontre très brève dans le bureau du médecin où il fait remplir les questionnaires habituels. C’est fondé sur l’observation des parents et des enseignants. […] L’inattention peut être causée par un paquet de conditions médicales ou sociales. Les enfants de familles pauvres qui arrivent à l’école le ventre vide, c’est clair qu’ils vont être inattentifs, ça ne veut pas dire qu’ils ont une maladie du cerveau. Il n’a d’ailleurs jamais été prouvé que le TDAH est une maladie du cerveau, un déséquilibre chimique d’origine génétique impliquant un déficit en dopamine. Il y a trois ou quatre grandes classes de médicaments prescrits pour le TDAH et ils agissent sur différents neurotransmetteurs !  

Quel rôle joue l’école dans le processus diagnostique ?

L’école veut que ça marche rondement. Quand quelque chose accroche, ça ne marche pas. Quand un enfant est turbulent ou cause des problèmes, qu’il perturbe les classes, alors ils vont parfois – très souvent, même – essayer de convaincre les parents que leur enfant a un TDAH et qu’il faut l’emmener chez le médecin pour qu’un diagnostic soit posé. […] Les enseignants, sans le savoir, deviennent des intermédiaires entre les sociétés pharmaceutiques et les parents pour que les enfants aient un diagnostic de TDAH. Les écoles reçoivent deux ou trois fois plus de financement pour les enfants TDAH ou autistes que pour les enfants normaux. Alors, dans un contexte où on coupe, il est très tentant pour les directions d’école d’obtenir des diagnostics pour ces enfants-là et recevoir un plus grand financement.  

Le système d’éducation pousse au diagnostic, selon vous, entre autres pour des raisons financières ?

Oui, tout à fait. C’est exactement ce qui s’est passé aux États-Unis. Des études ont été faites pour montrer de façon assez claire que c’est l’un des éléments qui expliquent l’augmentation des diagnostics de TDAH. Vous dénoncez des études en brandissant d’autres études. Comment faire la distinction entre la science et l’idéologie ? Toutes les études ne sont pas créées égales. Il faut observer leur protocole. Est-ce que le nombre de participants est assez élevé ? Quels sont les critères d’exclusion ? Quelle est la durée de l’étude ? Qui l’a financée ? […] Une étude faite par des psychiatres (dont certains reçoivent de l’argent des pharmaceutiques) s’est rendu compte qu’une étude financée par l’industrie était 4,9 fois plus susceptible que les études indépendantes de conclure que le médicament était plus efficace que le placebo.  

Qu’avez-vous à dire aux parents dont l’enfant a eu un diagnostic après un processus qu’ils jugent sérieux, qui ont choisi la médication et qui constatent une différence ?

Oui, effectivement, à court terme, ça fait une différence. C’est vrai qu’ils peuvent être plus attentifs, mais parmi les études indépendantes à long terme – j’en cite quatre dans le livre –, il n’y en a pas une qui montre que c’est efficace à long terme. […] Après trois ans, les enfants qui n’étaient pas médicamentés ne se portaient pas plus mal que ceux qui continuaient à être médicamentés, au contraire : ils n’avaient pas de moins bonnes notes, ils n’avaient pas plus de problèmes de comportement.

TDAH :pour en finir avec le dopage des enfants
par Jean-Claude Saint-Onge,
chez Écosociété,
à Montréal (Québec)
parution en septembre 2015
214 pages 24,00 $ (papier)
18,00 $ (numérique, Epub)
ISBN : 9782897192105

1 commentaire:

  1. J'ai vu dans la presse que les commissions scolaires avaient contesté ce livre. Apparemment, elles ne recevraient pas plus d'argent pour un TDAH que pour un autiste.
    Par contre, l'autisme va bon train. Ca me rappelle qu'il y a 5 ans, mon fils a été maltraité par un CPE qui voulait lui faire mettre un diagnostic d'autisme : il y a eu humiliation devant les autres enfants, isolement et le plus grave, on le traitait de "sale malade" ou quelque chose de similaire (j'ai été témoin d'un scène de la part d'un enfant, or les enfants répètent), on lui enlevait ses lunettes pendant de longues heures(il n'y voyait rien). Mon fils avait de l'anxiété pour la bonne et simple raison que sa vision était déficiente et il a eu négligence de la part des médecins de la gravité de son problème (d'ailleurs, certains devraient aller voir de ce côté-là, la vision ou la négligence médicale). C'est ainsi que lors d'une observation et d'une mise en scène de la garderie (on a remplacé son éducateur par une complice), mon fils a été salement maltraité. On a décrit un enfant "mentalement" très perturbé... Mon fils a toujours été parfaitement normal et on sait aujourd'hui qu'elles se sont basées sur un handicap visuel mal soigné pour essayer d'en mettre un autre sur la tête de l'enfant. Il s'en est suivi de plusieurs années de souffrance étant donné qu'à cause de ces personnes, les soins ont pris deux ans de retard. Je n'ai jamais cru que mon fils était autiste et des examens (à l'étranger) ont effectivement confirmé qu'il ne l'était pas! Le problème, c'est que ces faux renseignements ont été transmis à l'école et nous avons dû quitter le Québec. Installés en Ontario, ça fait donc 3 ans que les médecins se battent à ce qu'il retrouve une vision la meilleure possible. Nous avons eu plusieurs thérapies visuels, plusieurs pairs de lunettes... Nos plaintes à l'égard de ces personnes n'ont pas été entendues. La question est : ces personnes continuent-elles à maltraiter des enfants pour asseoir leur diagnostic? Dans quel pays démocratique, une éducatrice de garderie a le droit d'émettre un diagnostic? Elles savent pourtant convaincre les professionnels. Justement, ces professionnels se basent sur des symptômes et en quelques minutes sont capables d'émettre un diagnostic totalement erroné sans tests sans examens. Or un enfant qu'on secoue ou qu'on maltraite, comme le mien à la garderie aura forcément des symptômes. En outre, si l'enfant n'y voit rien, il est désorienté! Il est donc facile de provoquer l'enfant, de transformer cette désorientation en désorganisation et maltraiter l'enfant. J'aurais donné cher pour ne pas que cela arrive à mon fils.

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