lundi 31 août 2015

Québec — Les intérêts du ministère et des syndicats au centre du système scolaire ?

Billet d’Adrien Pouliot, chef du Parti conservateur du Québec

L’automne risque d’être chaud en éducation. Pendant que les syndicats des enseignants battent les tam-tams de grève, le Forum des idées du Québec se penche sur le système d’éducation du XXIe siècle au Québec, espérant pouvoir identifier certains points sur lesquels les politiques d’éducation du Québec devraient être concentrées afin d’atteindre ce que devrait être, ou ce à quoi devrait ressembler, un système d’éducation idéal pour le Québec du XXIe siècle.

Les propos de Line Camerlain, vice-présidente de la Centrale des enseignants du Québec (CEQ), relatifs aux quatre innovations dans le système scolaire du Wisconsin soulignées par Mathieu Perreault de La Presse [le 22 août] laissent présager le genre de collaboration que le Forum pourra recevoir des syndicats ancrés dans l’immobilisme et le corporatisme tous azimuts, peu importe l’impact sur les élèves.

Au Wisconsin, de plus en plus de commissions scolaires rémunèrent au mérite et ces évaluations servent aussi aux promotions et aux congédiements, plutôt que l’ancienneté. Qu’en pense Mme Camerlain ? Elle balaie cette idée du revers de la main. De toute façon, selon elle, le prof ne compte que pour 15 à 20 % du succès scolaire ! Belle façon de valoriser la tâche de ses membres ! Et les écoles à charte ? Horreur : c’est une privatisation avec une gestion axée sur les résultats ! Imaginez : au Wisconsin, les résultats comptent !

Que dire de l’idée de permettre aux enseignants d’enseigner les matières qu’ils connaissent bien sans avoir un diplôme en éducation ?

[On se rappellera cette histoire rapportée dans Le Devoir d’un excellent prof de latin qui, lui aussi, n’était pas qualifié au sens de la Loi. Il avait dû renoncer à son poste et enseigner le latin à son successeur qui ne le connaissait pas ou peu, mais qui détenait le diplôme nécessaire en pédagogisme. La chose avait même ému Josée Boileau dans le Devoir qui dénonçait « un incroyable salmigondis administratif, goutte d'eau qui s'ajoute à un parcours fait d'obstacles syndicaux et bureaucratiques qui ne peuvent faire rire que dans les films de Denys Arcand ou un épisode des Bougon. »]

Mme Camerlain affirme que ce n’est pas parce que quelqu’un est bon dans un labo qu’il peut bien enseigner. Madame Camerlain, préférez-vous un prof qui ne connaisse rien en science, mais qui l’enseigne parce qu’il a un diplôme d’enseignement ? Quant à envoyer des premiers de classe universitaires enseigner dans les écoles défavorisées, Mme Camerlain croit qu’on ne fait qu’utiliser de la « main-d’œuvre à bon marché ».

Pendant ce temps, au Québec, on tenait la semaine dernière le grand encan des esclaves, journée où, tour à tour, les enseignants ayant le moins d’ancienneté se font offrir, par un tirage au sort équivalant à un bingo ou une loterie, des tâches où ils auront plusieurs matières à enseigner à des élèves de plusieurs niveaux différents, parfois même dans des écoles différentes. Ces enseignants apprendront à quelques jours de la rentrée des classes ce qu’ils devront enseigner, sans véritablement avoir le temps de se préparer convenablement. Ceux qui ont le plus d’ancienneté, peu importe leurs compétences, ont pu, eux, choisir leurs assignations au printemps dernier.

Nos écoles regorgent de braves directeurs et de valeureux enseignants qui ont à cœur le succès de leurs élèves, mais le système éducatif coulé dans le béton des conventions collectives enlève les incitatifs à innover pour faire progresser leurs élèves, les menottant dans un immobilisme étouffant.

Afin de revitaliser notre système d’éducation, il y a lieu d’abord de placer les besoins des élèves et l’action constructive des parents au cœur de son fonctionnement. Les parents et leurs enfants doivent commander l’attention première et ultime des gestionnaires des écoles primaires et secondaires.

Les responsabilités et l’imputabilité des conseils d’établissement doivent être rehaussées, quitte à en faire de véritables conseils d’administration, afin qu’ils puissent exercer pleinement leur leadership en matière de pédagogie et d’administration. Une fois les écoles autonomes et responsables, les commissions scolaires deviendraient inutiles.

Les directions d’école devraient pouvoir négocier elles-mêmes la rémunération de leur personnel enseignant avec leur syndicat respectif et elles devraient, dans le cadre d’une évaluation juste, pouvoir congédier ceux qui n'ont pas de bons résultats et promouvoir ceux qui le méritent.

Le ministère de l’Éducation devrait continuer d’établir le cadre général de l’éducation québécoise et de déterminer un cahier de charges par cycle, mais les curriculums doivent être décidés par les directions d’école avec leurs enseignants. Pour éviter que le ministère ne soit juge et partie, je propose qu’une commission d’évaluation (relevant de l’Assemblée nationale plutôt que du ministère) fixe les standards à atteindre au primaire et au secondaire en les relevant progressivement. Elle serait aussi chargée de concevoir et de faire passer les examens nationaux et de diffuser largement les résultats obtenus par les écoles.

Tout en respectant l’universalité de l’accès à l’éducation, je préconise un nouveau mode de financement des écoles qui mettrait un levier de premier ordre entre les mains des parents. Il s’agit d’un système de bons d’étude universels comme on le retrouve notamment en Nouvelle-Zélande, au Danemark et en Suède. Tout parent d’un enfant inscrit à l’école primaire ou secondaire recevrait un bon d’étude pour couvrir les coûts de l’année scolaire et il pourrait ensuite « magasiner » son école, soit l’école publique de son quartier, l’école publique du quartier voisin, ou encore l’école privée (OSBL ou à but lucratif) de son choix.

Je n’invente rien : le ministère de l’Éducation utilise déjà une formule qui s’apparente aux bons d’étude pour financer les universités et les CÉGEPS. En effet, les étudiants des niveaux postsecondaires ont le choix de leur programme à l’intérieur de ces institutions, lesquelles reçoivent une subvention correspondant au nombre de cours suivis par ces étudiants inscrits dans les programmes à une date donnée. En exerçant ces choix, les étudiants soumettent les institutions universitaires et collégiales à la concurrence.

En effet, les bons d’étude universels, offerts à tous les parents, seront de nature à augmenter la qualité des écoles au moyen d’un mécanisme de choix du parent, lequel choix signifie un financement supérieur pour l’école. Il semble évident que les écoles offrant les meilleures formations et celles les mieux adaptées aux besoins des élèves seront choisies plus souvent.

Finalement, il faut vraiment valoriser les professeurs — ils ont un impact majeur sur nos enfants. Les fonctionnaires du ministère ne devraient plus prescrire les méthodes d’enseignement. Désormais imputables de leurs résultats devant leurs patrons ultimes — les parents —, les enseignants, de concert avec les directions d’écoles, auraient la responsabilité d’adopter les méthodes leur apparaissant les plus efficaces. Cette liberté diversifiera l’offre de services éducatifs aux parents.

L’establishment scolaire ne cesse de dire qu’il faut placer l’élève au centre des préoccupations du système alors que, dans les faits, c’est l’intérêt des enseignants syndiqués qui fait l’objet de toutes les attentions. Tant que les enfants et leurs parents n’auront pas le pouvoir de choisir et seront traités comme les récipiendaires des largesses de l’État plutôt que comme des clients, il y a fort à parier que les syndicats continueront d’avoir la main haute sur l’éducation de ceux qui feront l’avenir du Québec.

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