dimanche 22 mars 2015

Le Devoir : la Cour suprême et la « reconfessionnalisation »

Antoine Robitaille du Devoir commet cette chronique. On y apprend qu’apparemment les écoles privées confessionnelles auraient toutes été déconfessionnalisées... Loyola aurait donc cessé à un moment d’être catholique, déconfessionnalisée ? Curieux.
« Un des éléments centraux de la déconfessionnalisation du système scolaire québécois, le programme Éthique et culture religieuse (ECR) pourrait paradoxalement devenir un facteur subtil de reconfessionnalisation. La faute à qui ? La Cour suprême.

N’ayant pas lu le jugement, le ministre de l’Éducation François Blais, habile, s’est rabattu sur une métaphore, jeudi à l’Assemblée nationale, pour commenter la décision de la Cour suprême dans le cas de l’école secondaire Loyola : « La Cour a l’habitude de fermer des portes, d’en laisser certaines ouvertes et d’en ouvrir d’autres. » Or une porte, ouverte jeudi, a de quoi inquiéter.

Loyola n’a jamais voulu donner le fameux cours ECR. Elle a commencé par demander une exemption. Celle-ci lui a été refusée ; elle a ensuite offert au gouvernement un « programme de remplacement ».
M. Robitaille se méprend : la demande d’exemption s’est accompagnée d’une proposition de programme équivalent selon le demandeur.

D’une part, l’exemption est accordée s’il y a un programme équivalent, voir l’Article 22 du règlement d’application de la Loi sur l’enseignement privé, R.Q. c. E-9.1, r.1 :

« 22. Tout établissement est exempté de l’application du premier alinéa de l’article 32 pourvu que l’établissement offre des programmes jugés équivalents par le ministre de l’Éducation. »

D’autre part, la première lettre adressée par Loyola à la ministre, bien avant tout procès, le dit :
Dans la deuxième lettre au ministre (toujours avant les procès), Loyola précise ce que sont ces cours de religions du monde.
Autre refus. Ce programme était, au sens du ministère, « fondé sur la foi catholique et [avait] pour principale finalité la transmission des croyances et convictions catholiques ».

Même si c’était vrai, quelle horreur dans une école catholique !
 Loyola va devant les tribunaux. On est en 2008. Après un ping-pong devant la Cour supérieure (qui donne raison à Loyola) et la Cour d’appel (qui lui donne tort), la Cour suprême coupe la poire en deux dans un jugement sophistiqué (au sens péjoratif) : c’est oui et non. Oui pour enseigner selon le prisme catholique les portions éthiques sur le catholicisme ; non pour enseigner les autres religions de la même manière. Il faudra être neutre, factuel. Étrange : le plus haut tribunal instaure une géométrie variable dans l’enseignement d’ECR en fonction de la religion enseignée.

Après tout, opine la cour, « enseigner les valeurs éthiques d’autres religions est en grande partie une démarche factuelle ». On a envie de répondre : en revanche, pour un professeur croyant, enseigner la sienne risque de ne pas l’être ! Et c’est là la brèche que ce jugement opère dans l’essence même d’ECR. Et cela qui risque d’entraîner d’importants problèmes d’application.

Par exemple : un enseignant croyant catholique sera-t-il porté à présenter les zones d’ombre de l’histoire de sa religion ? À l’école Loyola, parlera-t-on des Croisades et de l’Inquisition ? Peut-être bien, mais les chances sont minces que les élèves aient accès à une « description neutre des coutumes et des pratiques », de l’histoire d’une religion en laquelle un professeur croit. Et les élèves issus de familles non religieuses, devant ces mêmes professeurs croyants ? Ne retournons-nous pas, avec ce jugement, à des situations d’avant la possibilité que ce même type d’élèves soient exclus des « cours de catéchèse » ?

En raison d’une conception de la liberté de religion semblant au sommet d’une hiérarchie des droits, la Cour s’est empêchée de suggérer que les organisations religieuses puissent, en dehors des heures normales, donner des cours de religion à l’école. Elles peuvent actuellement en plus en donner dans leurs lieux de prière.

Que fera le gouvernement libéral face à ce jugement bancal ? « Mon appui à ce cours [ECR] est indéfectible », a affirmé le ministre Blais, après avoir fait l’éloge de son maître


Et certains pensent qu’il n’y a de disciples et de doctrinaires indéfectibles que religieux (traditionnels).
le philosophe Georges Leroux, concepteur du cours ECR (et aussi collaborateur du Devoir).
Eh, oui ! tous ces gens se connaissent et partagent les mêmes idées. C’est beau la diversité.

Cet appui indéfectible conduira-t-il à l’invocation de la clause « nonobstant » afin de déroger à ce jugement ?
Invocation que Jocelyn Maclure, professeur à la Faculté de philosophie de l’Université Laval et membre de la commission Bouchard Taylor, ancien collègue de François Blais, appelle lui aussi à considérer, comme c’est curieux.
La question se pose. Le cours ECR a bien des défauts (flou en raison des « compétences », peu de place à l’athéisme, multiculturalisme bonbon, etc.), mais il a fait l’objet d’un consensus dans un Québec ayant soif de laïcité.
Ah, l’appel au consensus ! Encore ce bel amour de l’uniformité, même face à un programme bancal. Et pour un programme grevé de « défauts » dans une école catholique il faudrait utiliser la clause dérogatoire ?


Voir aussi

George Leroux : L’État doit viser à déstabiliser les systèmes absolutistes de croyance

« Georges Leroux est mon gourou », déclare le directeur de la fédération des écoles privées au sujet d’ECR.

Georges Leroux – le pluraliste jacobin (1 sur 2).

Georges Leroux – le pluraliste messianique (2 sur 2).


1 commentaire:

  1. Ces journalistes sont assez médiocres (ou très militants) et dire qu'Antoine Robitaille donne des leçons à tous les politiciens quand ils font un lapsus...

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