mardi 21 octobre 2014

Médias — Le cinéma francophone sous la coupe du prêt-à-penser ?

Avec la sortie en France de Samba, « comédie » à la gloire des immigrés illégaux et de ceux qui les aident, le cinéma français s’enfonce une nouvelle fois dans un moralisme qui ne date pas d’hier, mais se fait de plus en plus pesant, utilisant la fiction pour changer les mentalités.

Il existe un pays merveilleux où les immigrés ne posent pas le moindre problème, mais ne sont qu’une source incontestable d’enrichissement mutuel ; une contrée enchantée où, tous sans exception ou presque, ils sont gentils, travailleurs, modestes, laïcs, avides de s’intégrer sans rien renier, naturellement, de leurs racines (car tout peut se concilier, la contradiction n’existant pas dans ce pays de cocagne), généreux, chaleureux, ne connaissant de la violence que celle qu’ils subissent de la part d’une minorité d’autochtones aussi racistes que lâches, et d’une police qui s’obstine à les traquer sans raison valable. Ils sont certes un peu truqueurs, brandissent parfois de faux papiers ou des identités fictives, mais ce n’est qu’un hommage à ce pays fabuleux où ils rêvent de vivre pour de bon, et où ils mèneraient une vie paisible si une législation absurde ne persistait à leur refuser l’accueil fervent qu’ils méritent.

Songerie que tout cela, me direz-vous, au regard d’une actualité où chaque jour apporte son lot de nouvelles qui contredisent ce tableau idyllique et nous confirment hélas, de djihadisme en faits divers en passant par des manifestations croissantes d’un communautarisme agressif, que l’intégration paisible de millions d’immigrés d’origine extraeuropéenne relève plus de la douce utopie que de la promenade de santé, quand bien même une majorité d’entre eux la souhaiteraient : ce pays n’existe pas, ne peut pas exister. Eh bien si, ce pays existe : c’est le cinéma français.

S’il abrite heureusement des provinces plus réalistes, où la vie quotidienne est affrontée dans sa complexité, de la Haine à la Désintégration en passant par Pierre et Djemila, notre cinéma national s’est en effet fait le chantre, depuis quelques années, d’une vision hagiographique de l’immigration, visant à sanctifier notamment les clandestins et à culpabiliser les Français qui ne se montreraient pas assez accueillants voire racistes. Sur nos écrans depuis le 15 octobre, Samba, d’Éric Toledano et Olivier Nakache, en fournit une variante exemplaire. Écrit et réalisé par les auteurs d’Intouchables, le film semblait promis à un vaste succès qui, à la manière du récent Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ?, devrait lui permettre de marquer durablement les esprits. Cependant le démarrage de Samba semble avoir été plutôt décevant : il n’arrive qu’en 15e position par nombre d’entrées en première semaine pour l’année 2014.



Samba, c’est le prénom d’un immigré sénégalais (Omar Sy), qui vit en France depuis dix ans, mais n’a toujours pas de papiers. Une demande de régularisation produit l’effet inverse, et réveille l’attention des autorités françaises, qui menacent de l’expulser. Avec un Maghrébin dans le même cas (Tahar Rahim), il s’en sortira grâce à l’aide d’une Française (Charlotte Gainsbourg) investie dans une association de défense des clandestins, et aussi par une pieuse usurpation.



Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? montraient des jeunes femmes exemptes de racisme (les quatre « catholiques » épousant des minorités ethniques). Ce film montrait une France traversée par un racisme superficiel, largement partagé par toutes ses communautés sauf lesdites jeunes femmes, mais très facilement soluble dans un peu de bonne volonté (une bonne messe de minuit, une bonne Marseillaise en commun, et hop ! plus de problèmes d’intégration), Samba offre une vision Bisounours de l’immigration en France où, à part la police, tous les Français de souche trouvent la présence de ces clandestins parfaitement normale, à commencer à nouveau par les femmes, sur qui l’exotisme semble avoir des effets érotiques irrépressibles... (Les deux réalisateurs sont des hommes issus de l’immigration...) À cause de cet idéalisme, le film, bien loin de présenter les aspérités qui faisaient le charme d’Intouchables, s’enlise dans un humour tout-le-monde-il-est-beau-tout-le-monde-il-est-gentil, dégoulinant de bons sentiments et de consensualisme. À force de vouloir nous montrer Samba comme un brave garçon, les cinéastes finissent par en faire un ravi de la crèche, plus ridicule qu’autre chose.

Tout cela ne donnerait qu’un film niaiseux de plus si les scénaristes n’en profitaient pour scander un message implicite : la France est un droit de l’homme, qui ne devrait pouvoir être refusé à personne. Théorie largement partagée dans le milieu du cinéma, comme le prouve encore la lettre ouverte signée en septembre par 80 cinéastes, Josiane Balasko en tête, en soutien à des clandestins — le même collectif avait déjà produit en 2010 un film au titre explicite : On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici !
Le discours immigrationniste du cinéma français ne date pas d’hier, comme le prouve le cas du film d’Yves Boisset, Dupont Lajoie, sorti en 1975 (voir ci-dessous l’analyse d’Éric Zemmour), mais le phénomène se renforce. Actuellement sur les écrans, Papa was not a Rolling Stone ne fait qu’enfoncer un clou sur lequel on n’a cessé de taper ces dernières années : dans des registres différents, Indigènes, La Marche, Neuilly sa mère !, Né quelque part, Michou d’Auber, les Invincibles ont repris ce même refrain — on pourrait allonger à l’infini la liste de ces films, souvent tombés dans l’oubli à cause de leur médiocrité militante subventionnée par les contribuables. Le titre de l’un d’entre eux suffit d’ailleurs à les résumer tous : Welcome, de Philippe Lioret, éloge de la désobéissance civile de ceux qui aident les clandestins. Avec toujours la même méthode : émouvoir à partir d’un cas particulier, pour neutraliser le raisonnement, dans le but plus ou moins avoué de « faire bouger les mentalités ».

Mais l’immigration n’est évidemment pas le seul sujet où s’exercent la bien-pensance cinématographique et ce désir moralisateur d’utiliser la fiction pour formater les esprits et ainsi révolutionner le réel. L’homosexualité en est un autre, de prédilection : après l’avoir pendant des années décrite comme une aventure romantique (de L’Homme blessé de Chéreau, en 1983, aux Nuits fauves de Cyril Collard, en 1992), le cinéma français — mais aussi occidental — emploie maintenant une énergie considérable à nous démontrer qu’elle est d’une banalité totale, et que rien ne distingue un couple homo d’un couple hétéro. D’ailleurs, tout hétéro n’est-il pas un homo qui s’ignore, comme Bernard Campan dans L’Homme de sa vie (2006), ou qui se cache, comme Guy Marchand dans l’Arbre et la Forêt (2008) ? L’hétéro est un homosexuel comme les autres, en quelque sorte...

Comme les autres : tel était justement le titre d’un film-tract (2008) en faveur de l’homoparentalité, qui avait l’air de trouver tout à fait normal que Lambert Wilson et Pascal Elbé manipulent une pauvre clandestine pour récupérer son bébé à leur profit... C’était aussi la philosophie de la Vie d’Adèle, la palme d’or cannoise 2013, qui sans ses scènes lesbiennes torrides n’aurait été qu’une romance d’une banalité à pleurer.

Autre sujet de militance sur la Toile : l’euthanasie et le suicide assisté. Un film emblématique en France sur le sujet : Quelques heures de printemps (2012), qui voyait Vincent Lindon escorter sa mère jusqu’en Suisse pour qu’elle s’y fasse injecter des substances létales. Citons aussi Amour de Michael Haneke, palme d’or à Cannes en 2012 pour ce film qui voyait Jean-Louis Trintignant tuer sa compagne... par amour. Le cinéma québécois a également abordé la question, comme allant de soi, dans Les Invasions barbares de Denys Arcand, film qui a, par ailleurs, des qualités certaines.

Le cinéma bien-pensant aime aussi à « déconstruire » tout ce qui touche à l’identité française. L’histoire de France sera volontiers salie, vue par le petit bout de la lorgnette, calomniée ou ridiculisée — à l’instar de la nouvelle version d’Angélique, où Louis XIV était transformé en un gandin cynique et pleurnichard. Qu’on songe seulement à la guerre d’Algérie qui, en dehors du cas particulier de Pierre Schoendoerffer et de son Honneur d’un capitaine, a presque exclusivement été l’occasion de tableaux à charge, où la dénonciation de l’usage de la torture par l’armée française occupait toute la place, de la Trahison (2005) à l’Ennemi intime (2007) en passant par Mon colonel (2006).


Une exception récente : Des Hommes et des dieux

Le christianisme est naturellement à cet égard une cible de choix : dans le cinéma français, il est dépeint au mieux comme quelque chose de vaguement folklorique, au pire comme une structure perverse et culpabilisante, tandis que les religions des autres sont forcément sympathiques, sincères et chaleureuses. L’Amen de Costa-Gavras (2002), qui peignait l’Église en complice du nazisme génocidaire, est évidemment un sommet de cette cathophobie cinématographique, mais on pourrait en donner bien d’autres exemples — citons seulement Le Moine, avec Vincent Cassel, ou La Religieuse, avec Isabelle Huppert, qui donnaient l’un et l’autre une vision cauchemardesque de la vie monastique. Pourtant, on préférera terminer sur un contre-exemple, qui montre que le cinéma français, quand il veut bien s’en donner la peine, est aussi capable d’une scrupuleuse honnêteté. Car, avec Des Hommes et des dieux (2010), c’est un cinéaste athée, Xavier Beauvois, qui rendait superbement hommage au sacrifice des moines de Tibhirine et à sa force évangélisatrice. Comme quoi même le cinéma français peut abriter, parfois, des miracles.


Dupont Lajoie : veules et lubriques franchouillards contre nobles Maghrébins

Racisme anti-Blanc Dupont Lajoie vu par Zemmour

Dans le Suicide français (Albin Michel), Éric Zemmour analyse des événements symboliques de la déconstruction de la France. Parmi eux, en 1975, la sortie du film Dupont Lajoie d’Yves Boisset, qui ridiculise un couple de Français moyens (Jean Carmet et Ginette Garcin), idiots et odieux, qui poussent l’abjection jusqu’à détourner les soupçons d’un viol commis par le mari en direction d’honnêtes immigrés algériens. Yves Boisset, diagnostique Zemmour, « a voulu dénoncer avec force le rejet de l’Arabe : il a révélé la haine de la bourgeoisie pour le prolétariat ; il a accusé la haine de race et a révélé sa haine de classe. Il a voulu exhumer la xénophobie française et a mis au jour la prolophobie des élites parisiennes. Il a cru mettre en lumière le rejet du bicot, du raton, du bougnoul ; il a affiché son mépris de la canaille, comme disait Voltaire, du beauf, comme dessinait Cabu, de la populace que tuait M.Thiers. Yves Boisset a cru faire un film sur le racisme ; il a en réalité fait un film raciste ».

Sources : Valeurs actuelles, Le Suicide français, Le « Box Office » pour les nuls.

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