lundi 17 décembre 2012

L'école catholique, cette brebis galeuse

Lettre ouverture envoyée au Devoir jeudi passée, non publiée à ce jour.

Par Richard Bastien

Au début de décembre, la Cour d’appel du Québec a rendu un important jugement sur le cours d’Éthique et culture religieuse (ÉCR) que le ministère de l’Éducation oblige toutes les écoles à offrir depuis quatre ans.

Le jugement met en cause Loyola High School, une école catholique ayant sollicité du ministère de l’Éducation une exemption de l’obligation d’inclure le cours ÉCR dans son enseignement au motif qu’elle offre déjà un cours sur les différentes religions et philosophies morales, dont l’objectif est le même que celui du cours ÉCR, à cette différence près qu’il est donné selon une perspective catholique. Le ministère a refusé d’accéder à cette demande, arguant que compte tenu de la pédagogie proprement catholique de Loyola, son cours ne pouvait être considéré comme équivalent à celui d’ÉCR.

Loyola soutient que cette décision porte atteinte à sa liberté religieuse puisqu’on lui impose d’enseigner en faisant fi de la foi catholique. Bien que souscrivant à l’objectif d’un enseignement impartial et objectif sur les religions et l’éthique, Loyola affirme qu’on ne saurait la forcer à ignorer sa mission et ses valeurs, soit son identité même. Prendre sa foi au sérieux, c’est justement apprendre à voir la réalité en fonction de ce que l’on croit, la foi projetant son propre éclairage sur les choses.

En 2010, dans une cause l’opposant au ministère de l’Éducation, l’école Loyola a obtenu de la Cour supérieure du Québec un jugement reconnaissant son droit de substituer au cours ÉCR son propre programme de culture religieuse. Dans son jugement, la Cour supérieure a même soutenu que l’obligation que lui imposait le ministère de l’Éducation d'offrir un enseignement contraire à sa pédagogie catholique était d’inspiration « totalitaire ». Toutefois, la Cour d’appel vient d’infirmer ce jugement en reconnaissant à l’État le droit de contraindre une école catholique à offrir un enseignement même si celui-ci est incompatible avec sa pédagogie.

Comme le souligne sur son site Web Doug Farrow, professeur à l’Université McGill et témoin expert au procès, les deux jugements contradictoires soulèvent plusieurs questions, mais il y en a au moins deux qui sont fondamentales du point de vue de la liberté de religion.

La première est de savoir si le ministère de l’Éducation et la Cour d’appel sont justifiés de prétendre qu’il y a incompatibilité entre la volonté de Loyola de maintenir une pédagogie catholique dans son enseignement sur les religions et l’éthique, d’une part, et d’autre part, sa fidélité proclamée aux deux objectifs du cours ÉCR, à savoir « la reconnaissance des autres et la poursuite du bien commun  » ? Si la réponse à cette question est positive, ce n’est pas seulement le cours sur les religions et l’éthique de Loyola qui devient inacceptable, mais tout enseignement catholique sur quelque sujet que ce soit. Pourquoi en effet l’État reconnaîtrait-il officiellement un enseignement qui met en doute « la reconnaissance des autres » et refuse de coopérer à « la poursuite du bien commun » ?

La deuxième question est plus importante encore : l’État peut-il obliger une école confessionnelle à faire abstraction de son identité et de ses croyances et à se conformer au diktat du ministère de l’Éducation pour certaines activités pédagogiques ? Et si tel est le cas, quelles en sont les répercussions concernant le respect de la liberté de religion ?

Sans doute y a-t-il des circonstances particulières où l’État est appelé à obtenir des accommodements d’une confession religieuse pour faciliter la poursuite du bien commun. En temps de guerre, par exemple, il pourrait demander que les soldats soient exemptés de certaines obligations religieuses. Mais ce n’est pas de cela qu'il s'agit. Ce que la Cour d’appel exige, c’est que Loyola fasse quelque chose que la conscience catholique réprouve, à savoir enseigner que toutes les religions se valent, y compris l’islam qui n’admet pas de séparation entre l’Église et l’État et considère la femme comme inférieure à l’homme, ou l’hindouisme qui établit des castes, ou le bouddhisme qui est foncièrement athée.

Ce qui est contraire à la liberté religieuse, ce n’est pas que le cours ÉCR oblige les enseignants à exposer des cultures religieuses et des idées morales de manière juste et objective – une exigence parfaitement raisonnable en soi –, mais qu’il les oblige à adopter une attitude de complète neutralité à l’égard de son contenu. Dans le cas d’une école catholique, une telle exigence est manifestement absurde. Pour respecter cette exigence, un enseignant à qui un élève demanderait dans le cadre du cours ECR si l’islam ou le bouddhisme est aussi vrai ou légitime que le catholicisme serait en effet tenu de dire qu’il ne peut pas répondre à la question. Puis, quelques heures plus tard, dans le cadre d’un cours sur la foi chrétienne, il expliquerait au même élève que le seul vrai Dieu est celui des chrétiens. Bref, l’exigence de neutralité imposée à des enseignants catholiques les oblige à une sorte de schizophrénie religieuse et morale.

En accédant à cette exigence de neutralité, Loyola se trouverait à violer sa conscience et à reconnaître le droit de l’État de se poser en juge de cette conscience, ce qu’elle ne peut en l’occurrence faire sans trahir sa fidélité à l’Église catholique.


Richard Bastien est directeur de la Ligue catholique des droits de l’homme pour la Région de la capitale nationale et collaborateur de la revue Égards.






(Nous doutons que Le Devoir publie cette lettre, il a toujours été partial dans ce dossier,
un de ses chroniqueurs pense même que l'instruction à la maison serait « antidémocratique »
et que « l'école n'est pas au service des parents ».
Certains nationalistes le trouvent « confus »
et les opposants à la réforme scolaire ne sont pas plus tendres avec lui).

5 commentaires:

JP Proulx a dit…

«. Pour respecter cette exigence, un enseignant à qui un élève demanderait dans le cadre du cours ECR si l’islam ou le bouddhisme est aussi vrai ou légitime que le catholicisme serait en effet tenu de dire qu’il ne peut pas répondre à la question. Puis, quelques heures plus tard, dans le cadre d’un cours sur la foi chrétienne, il expliquerait au même élève que le seul vrai Dieu est celui des chrétiens.», écrit M. Bastien.

Je dirais à ce professeur que s'il devait parler dans son cours sur la foi chrétienne, et de la foi chrétienne et des autres religions, il trouverait dans la Déclaration conciliaire sur le l'Église et les religions non chrétiennes des propos très inspirants et marqués par une grande ouverture d'esprit.

Il verrait que l'on a dépassé la perspective de «nous» qui possédons LA VÉRITÉ et «les autres» qui sont dans l'erreur.

Cette question a fait l'objet d'un très difficile débat au concile, mais l'opposition traditionnelle noir et blanc a été heureusement dépassée.

Voir: http://lyon.catholique.fr/?Declaration-conciliaire-Nostra

Vade Retro Subiective a dit…

Jean-Pierre Proulx devrait aussi considérer un texte ultérieur du cardinal Ratzinger (je suis sûr qu'il connaît le personnage) : Dominus Jesus qui justement insiste sur le fait que l'Église catholique détient la VÉRITÉ...

http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20000806_dominus-iesus_fr.html

SUR L'UNICITÉ ET L'UNIVERSALITÉ SALVIFIQUE
DE JÉSUS-CHRIST ET DE L'ÉGLISE

eule la révélation de Jésus-Christ « fait donc entrer dans notre histoire une vérité universelle et ultime, qui incite l'esprit de l'homme à ne jamais s'arrêter ».12

6. Est donc contraire à la foi de l'Église la thèse qui soutient le caractère limité, incomplet et imparfait de la révélation de Jésus-Christ, qui compléterait la révélation présente dans les autres religions. La cause fondamentale de cette assertion est la persuasion que la vérité sur Dieu ne pourrait être ni saisie ni manifestée dans sa totalité et dans sa complétude par aucune religion historique, par le christianisme non plus par conséquent, et ni même par Jésus-Christ.

Etc. Etc.

Gérard Oury a dit…

JP Proulx,

Un élève demande à son prof jésuite pendant le cours ECR : « est-ce que Jésus est oui ou non le fils de Dieu, le seul sauveur, est-il mort pour la rémission des péchés ? »

Est-ce que vous prétendez que le prof doit dire « certains disent cela, d'autres le ne croient pas, vous savez les catholiques ne possèdent pas la vérité à ce sujet, les bouddhistes et les athées ont beaucoup à leur apporter sur la rédemption et la nature de Dieu ? »

Vous voulez rire ?

Richard Bastien a dit…

Jean-Pierre Proulx affirme que, depuis le Concile Vatican II, l'Église catholique "a dépassé la perspective de 'nous' qui possédons LA VÉRITÉ, et 'des autres' qui sont dans l'erreur." S'il croit que cette interprétation du Concile est la bonne, il n'a aucune raison de s'opposer à ce que l'école Loyola donner le cours ECR selon une pédagogie proprement catholique. Alors pourquoi lui refuse-t-elle l'exemption qu'elle demande? Bref, si le magistère post-Vatican II est aussi souple que le prétend Jean-Pierre Proulx, Loyola a doublement raison de demander une exemption. Au demeurant, la notion de vérité (sans laquelle il n'y a plus de loi naturelle), la distinction du vrai et faux, celle du bien et du mal sont toujours reconnues valables par l'Église post-conciliaire et ne s'opposent nullement à la tolérance et à l'ouverture d'esprit.
Richard Bastien

ecolemaison a dit…

Ajoutons à cela que cette offensive contre l'Eglise est mondiale...