mercredi 25 avril 2012

Lent déclin du français à Montréal et sa banlieue

Guillaume Marois, doctorant en démographie à l'INRS, revient sur les propos de Michel Kelly-Gagnon qui dans un article récent soutient que ceux qui s'inquiètent de la situation du français à Montréal basent leurs analyses sur une mauvaise interprétation des statistiques. Marois est également coauteur du livre Le Remède imaginaire. Pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec.

« La première erreur consisterait à concentrer les analyses uniquement sur la municipalité ou l'île de Montréal plutôt que sur la région métropolitaine, incluant les banlieues. Puisque les francophones quittent la ville-centre pour la banlieue dans de plus fortes proportions que les anglophones et allophones, ce déplacement de personnes occasionne une anglicisation de la municipalité sans toutefois transformer la composition de l'ensemble métropolitain. Ce n'est pas faux. Toutefois, cela n'invalide en rien les inquiétudes relatives au déclin du français. La raison est simple : entre 2001 et 2006, la chute du français s'est également observée dans les banlieues. Durant cette période, le poids des francophones est passé de 87 % à 85 %. Sur l'île précisément, la situation est encore plus alarmante : les francophones sont passés de 56 % à 54 %. Ce déclin, tant sur l'île que dans les banlieues, ne peut pas être attribué uniquement à l'augmentation de la proportion d'allophones, puisque durant la même période, l'anglais a, lui, progressé. Pour quiconque se préoccupant du sort du français au Québec, ce ne sont pas des tendances réconfortantes.

M. Kelly-Gagnon rappelle qu'en ne considérant que la proportion de francophones, on oublie que la partie restante n'est pas constituée que d'anglophones, mais également d'allophones qui seront, eux ou leurs enfants, éventuellement intégrés à l'une ou l'autre des deux communautés linguistiques. Il s'empresse de rajouter que si on observe les transferts linguistiques d'allophones rapportés par l'OQLF, ils sont un peu plus nombreux à choisir le français que l'anglais (51 % contre 49 %). J'ignore quel est l'objectif de l'auteur en présentant ces chiffres. Certes, c'est la majorité, mais mathématiquement, c'est loin d'être suffisant pour maintenir le poids du français au Québec. Soyons clairs   : ils illustrent que les allophones choisissent le français dans une proportion nettement inférieure au poids relatif de la communauté francophone (80%) et par conséquent, contribuent à son déclin.

Pour une analyse encore plus honnête, il faut savoir que les transferts linguistiques ne sont pas un très bon indicateur des tendances réellement à l'œuvre, car ils ne concernent qu'une faible proportion des allophones   : ceux dont la langue à la maison n'est pas leur langue maternelle. Si un peu plus de la moitié des allophones qui ont changé de langue ont choisi le français, les deux tiers des allophones n'ont simplement pas effectué de transfert linguistique. Est-ce que cette majorité d'allophones s'intégrera à la communauté francophone ou anglophone? Si on regarde les autres indicateurs linguistiques, rien ne laisse présager que le français sera en bonne posture. Par exemple, les chiffres sur la langue la plus souvent utilisée au travail par les allophones et les immigrants indiquent que le français est loin d'obtenir sa juste part.

La réalité est la suivante   : l'intégration des immigrants et des allophones à la communauté francophone se fait un peu mieux qu'auparavant, mais cette intégration demeure encore nettement insuffisante pour empêcher le déclin démographique du français au Québec, d'autant plus que l'immigration est plus forte que jamais et a par conséquent un impact de plus en plus important sur la composition démolinguistique du Québec. Peu importe l'indicateur utilisé, que ce soit la langue parlée à la maison, la langue parlée au travail ou la langue maternelle, et peu importe la géographie concernée (ville de Montréal, région métropolitaine de Montréal, ensemble du Québec), tout indique que le français est en déclin. »

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