Radio-Canada
affirmait le 3 juillet que « [p]lus d'un million de personnes ont envahi les rues du centre-ville de Toronto, dimanche, pour le défilé de la Fierté gaie. » Selon la radio subventionnée d'État, il s'agissait d'« Une foule record ». Étrangement, Radio-Canada donnait un
record supérieur l'année précédente : « La 30
e édition du défilé de la Fierté gaie a rassemblé 1,3 million de personnes à Toronto, dimanche après-midi, malgré la chaleur accablante. »
Le Devoir, cet autre pilier du correctivisme politique dans les médias québécois, affirmait le 4 juillet 2011 : « Plus d'un million de personnes ont envahi les rues du centre-ville de Toronto, hier, portant des ensembles aux couleurs de l'arc-en-ciel à l'occasion du plus important défilé de la Fierté gaie au Canada. »
Parions que ces chiffres apparaîtront bientôt dans les manuels scolaires et qu'ils seront mentionnés avec le plus grand sérieux dans les classes.
Mais d'où provenait ce chiffre d'un million ? Qui avait estimé la foule à ce nombre ? Ni Radio-Canada, ni Le Devoir ne le mentionnent. Au-delà de cette attitude cavalière de ne pas indiquer ses sources pour des médias qui se prétendent de qualité, est-ce que ce nombre est crédible ?
L'hebdomadaire
Maclean's, enfin d'abord un de ses lecteurs, s'est posé la question.
Extraits :
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Participants à la Fierté gaie de Toronto 2011 |
Un million, hein ? Vraiment ? Cela représente environ un cinquième de la population de la région du Grand Toronto entassé le long d'un défilé de 2 kilomètres dans les rues du centre-ville. L'auteur de la lettre, Steven Murray de Victoria (Colombie-Britannique), dont les calculs sont sans aucun doute meilleurs que les miens, souligne que c'est « physiquement et mathématiquement impossible. » « Pour installer un million de personnes dans cet espace », écrit-il, « il faudrait 25 personnes par mètre carré, c'est-à-dire 4 à 5 fois plus qu'il n'est possible physiquement d'y mettre. »
La surface totale de toutes les rues dans l'enceinte du festival de la Fierté gaie, délimitées par, d'une part, les rues Bloor et Gerrard et, d'autre part, les rues Yonge et Jarvis, est d'environ 157 100 mètres carrés. Aaron Gradeen, étudiant à la maîtrise en génie à l'Université Ryerson, a effectué les calculs et il a conclu que même si les gens étaient debout au coude à coude dans chaque rue et ruelle de ce périmètre, ce chiffre [d'un million] serait hautement improbable. « Avec sept personnes par mètre carré, c'est possible, mais cela me paraît très dense. » Le parcours même du défilé n'aurait qu'une superficie d'environ 40.000 mètres carrés. Selon Gradeen, en supposant que le défilé ait eu 20 mètres de large et deux kilomètres de long, vous pourriez au mieux y tenir 280.000 personnes. Et ceci si sept personnes debout occupent chaque mètre carré de cette superficie. À titre d'expérience, j'ai entouré un mètre carré dans le bureau de la rédaction à l'aide d'un ruban et j'ai demandé à mes collègues du Maclean's de s'y tenir. À cinq personnes, c'était bizarre. À six, cela devenait assez intime. À sept, nous nous retenions pour ne pas nous effondrer sur le ruban adhésif qui délimitait le mètre carré.
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Participants/participantes ? de la Fierté 2001 |
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Mettons de côté l'arithmétique pour l'instant. Résumons ici ce qui a pu se passer et comment on en est arrivé à cette assistance record impossible. Elle prend sans doute sa source dans les chiffres publiés dans un Rapport d'impact économique de la Fierté de Toronto en 2009.
« Le concept d'assistance est problématique » de déclarer Michael Harker, associé principal à la firme de sondages de Toronto Enigma Research Corporation, la société qui a rédigé ce rapport. « Il y a une grande différence entre visites et visiteurs uniques. » Le document en question estime la participation et l'impact économique, il a été soumis et approuvé par Industrie Canada. Et on y retrouve le chiffre d'un million. L'édition 2009 du festival de la fierté de Toronto, qui a duré du 25 au 28 juin aurait attiré environ 1.120.000 visites.
« Une visite, c'est quand un gars vient trois fois, vous le comptez à trois reprises. Une visite unique, vous ne comptez un gars qu'une fois, même s'il vient trois jours de suite. » Ce chiffre d'un million représente le nombre total de visites lors des festivités — y compris donc des visites multiples par une même personne pendant les quatre jours de l’évènement et non pas le nombre de personnes présentes lors du défilé. Le nombre total de visiteurs uniques était de 411 450, et là encore ce chiffre ne correspond pas uniquement aux participants du défilé, mais à tous les visiteurs pendant les quatre jours de l'évènement.
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Participant dans l'assistance clairesemée
du défilé Fierté 2011 |
« En général, les organisateurs d'un évènement aiment citer l'estimation de fréquentation la plus haute possible, comme vous pouvez bien l'imaginer. Ils utiliseront ce chiffre dans une entrevue, puis un journaliste au lieu de rappeler qu'il s'agit de visites dira qu'il s'agissait là de la fréquentation et la prochaine personne interprétera mal ces mêmes chiffres. Je pense que c'est là la cause de beaucoup de malentendus sur les chiffres d'assistance à de tels évènements. « Ouais, un million de personnes qui descend la rue Yonge, on ne peut les y mettre. »
Le constable Victor Kwong, chargé des relations avec les médias au Service de police de Toronto, explique que la police ne fournit plus aucune estimation. « Nous avions l'habitude de faire des estimations, mais nous avons reçu au cours des années de nombreuses plaintes. Les gens disaient : Ah, vous estimez à la baisse afin que l'évènement soit moins couvert par les médias
ou Vous estimez à la hausse pour que plus de gens soutiennent cette manifestation.
En conséquence, voilà plusieurs années que nous faisons plus d'estimations. »
« Mais la Fierté gaie n'invente pas de chiffres », explique Harker. « La différence entre ces deux nombres est expliquée à tout un chacun sur leur site web. »
Quand j'ai demandé au directeur de la communication de la Fierté Toronto si ce chiffre d'un million ne lui semblait pas un peu exagéré, il m'a dit qu'il ne savait pas : « Nous n'avons pas encore de chiffres officiels ».
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