lundi 29 août 2011

Legault sur l'immigration et les lois linguistiques en éducation : timide surplace ?

Selon le Journal de Montréal, François Legault estimerait qu'il faut donner « un grand coup de barre » pour défendre et promouvoir davantage le français. Pour y arriver, l'ex-ministre péquiste croit qu'il faut réduire le nombre d'immigrants reçus au Québec à 45 000 pour une période de deux ans.

C'est ce que le porte-parole de la Coalition pour l'avenir du Québec est venu dire lundi matin à Québec à l'occasion du dévoilement de son quatrième et dernier manifeste qui porte cette fois sur la culture et la langue. Il préconiser d'allouer 125 millions $ supplémentaires à l'intégration des nouveaux arrivants.

« La Coalition propose d'observer une pause de deux ans afin de redéployer de manière plus rationnelle et plus efficace l'effort d'intégration des immigrants à la société québécoise. Au cours de cette période transitoire, le nombre d'immigrants au Québec sera ramené à 45 000 personnes par année », a-t-il renchéri.

Rappelons d'abord que le gouvernement Charest a lui aussi déclaré récemment vouloir baisser le nombre d'immigrants à 50 000 par an pour une période de quatre ans, et non deux ans.

Ensuite quelle étrange conception de la « pause » que de faire venir 45 000 personnes par an, un des plus hauts taux d'immigration légale au monde par tête d'habitant...


Pour les ténors de la Coalition, le Québec doit être souverain en matière linguistique et il est donc légitime de recourir à la clause dérogatoire s'il le faut, notamment dans le cas des « écoles passerelles », qui permettent aux parents francophones et allophones d'envoyer leur progéniture à l'école anglaise.

Si cette position s'apparente à celle du Parti québécois, François Legault veut se distinguer de ses anciens collègues péquistes sur l'application de la Loi 101 aux cégeps. Selon lui, on ne devrait pas imposer la Charte de la langue française aux établissements d'enseignement collégiaux.

La dépêche de presse n'explique pas pourquoi il faudrait faire une différence entre le cégep (originalité québécoise inconnue en Europe par exemple où ces années sont intégrées au secondaire) et l'école secondaire.

Pour des réformes en profondeur du système éducatif, on se reportera à ce que le gouvernement britannique met en œuvre avec ses « écoles libres ».




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3 commentaires:

  1. Legault & Sirois sur le français: la lucidité sans l'audace

    Par Josée Legault


    Ce matin, l'ex-ministre péquiste François Legault et l'ex-recruteur libéral Charles Sirois - son partenaire de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) - ont présenté leurs «propositions» sur la langue et la culture.

    Le tout au moment où les sondages continuent de leur offrir les faveurs d'une part importante de l'électorat, où le PLQ remonte et le PQ chute, les deux hommes s'approchent de plus en plus de la création d'un nouveau parti politique à temps pour la prochaine élection générale...

    Si vous le permettez, je me concentrerai ici sur le volet «question linguistique».

    De quelques observations et analyses

    Ce qui ressort essentiellement du document, est ceci: des constats archi connus - que les deux hommes ont au moins le mérite de reconnaître à leur tour -, mais malheureusement accompagnés de «propositions» pour la plupart timides et dont le défaut principal est de ne pas être à la hauteur des constats les précédant...

    Quelques exemples:

    Constat: messieurs Legault et Sirois affirment que le «recul» du français appelle des «mesures rigoureuses» qui doivent être prises dans le cadre d'une «action politique vigoureuse». Proposition: ils ne parlent néanmoins qu'en termes de «promotion» et de «consolidation» de la langue française et ne proposent aucun renforcement cohérent et concret de la Charte de la langue française (loi 101).

    Constat: ils reconnaissent l'importance d'augmenter la proportion des transferts linguistiques des allophones vers le français par l'adoption du français comme langue d'«usage». On parle donc ici, à terme, d'assimilation linguistique.

    Proposition: Trente-quatre ans après l'adoption de la Loi 101, ils font encore appel, comme dans les années 60 (!) à la «responsabilisation» des francophones à ne pas passer à l'anglais lorsque leur «interlocuteur n'a pas le français comme langue maternelle» alors que dans les faits, ce sont surtout les gouvernements qui, depuis des décennies, ont refusé de se responsabiliser eux-mêmes face à de nombreux jugements des tribunaux venus affaiblir considérablement la Loi 101...

    Constat: les deux dirigeants de la CAQ avancent que l'«augmentation spectaculaire» du nombre d'immigrants - 53 985 personnes en 2010 - «n'a pas été accompagnée de la mise en place de ressources appropriées pour assurer l'intégration de cet important contingent de nouveaux venus». Proposition: une «pause» de deux ans «afin de rédéployer de manière plus rationnelle et plus efficace l'effort d'intégration» en ramenant ce chiffre à 45 000 pour cette période. Suggestion: «doubler» les ressources du ministère de l'Immigration et des communautés culturelles, incluant pour l'«enseignement du français aux immigrants adultes».

    Bien sûr, après plus d'une décennie de compressions irresponsables dans ce domaine, la proposition d'augmenter ces budgets est intéressante. Le problème, par contre, est que messieurs Legault et Sirois voient l'arbre, mais pas la forêt...

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  2. deuxième partie (Joséel Legault)

    La forêt étant le recul du français, entre autres, comme LANGUE DE TRAVAIL - surtout dans la grande région montréalaise.

    Or, sur cette question, le duo de la CAQ propose fort peu. Rien sur l'application de la Loi 101 aux entreprises de moins de 50 employés - là où les nouveaux arrivants et arrivantes se retrouvent souvent dans leurs premières années ici.

    Pis encore, les deux hommes, en insistant beaucoup sur la capacité de pouvoir «se faire servir en français» à Montréal semblent confondre «langue de travail» et «langue d'accueil» dans les commerces.

    Or, ce n'est pas parce qu'un commerce peut «accueillir» ses clients en français que cette langue est nécessairement celle dont se servent principalement les employés sur leur lieu de travail.

    Sans compter que la problématique de la langue de travail s'étend à tous les domaines de l'activité écnomique, et non seulement à celui des «commerces de détail»...

    Ajoutons à ce portrait l'observation suivante: combien d'immigrants arrivent ici connaissant plus ou moins le français pour apprendre rapidement que non seulement il arrive que le français ne soit pas la principale langue de travail dans certaines petites et moyennes entreprises, mais qu'on leur demande la «connaissance de l'anglais» même pour les emplois les moins bien rémunérés...

    Constat: dans le domaine de l'«éducation», ils en font peu. Proposition: messieurs Sirois et Legault s'opposent à l'application de la Loi 101 aux cégeps et y préfèrent des «ressources accrues» pour l'enseignement du français. Or,si personne ne peut refuser plus d'argent, la question n'est-elle pas aussi de savoir si la QUALITÉ de cet enseignement sera meilleure pour autant?...

    Les deux hommes proposent aussi plus d'enseignement de l'anglais dans les cégeps francophones pour «mieux préparer les étudiants au milieu du travail» et «rendre les collèges de langue française encore plus attrayants pour ceux qui souhaitent bonifier leurs compétences linguistiques».

    Et pourtant - si la connaissance de l'anglais est une aussi bonne idée que celle d'une troisième langue, une fois la maîtrise du français acquise -, il y a lieu de douter que cette mesure rendrait en soi les cégeps anglais moins attirants pour la presque moitié des allophones qui, en situation de libre choix, optent pour un cégep anglophone plutôt que francophone. (Le même phénomène se répétant à l'université...)

    Pour ce qui est des francophones, ils sont déjà peu nombreux à opter pour un cégep anglais - ce qui tend à montrer que l'apprentissage de l'anglais se fait pour eux par d'autres moyens que celui de fréquenter un cégep anglais.

    Constat: messieurs Legault et Sirois avancent que «le Québec doit être souverain en matière linguistique». Rien de moins. Proposition 1) Et donc, selon eux, «il est légitime pour son gouvernement d'utiliser la clause dérogatoire» lorsque «ses objectifs fondamentaux en matière de protection de la langue française au Québec sont compromis par une interprétation de la Constitution de 1982 à laquelle le Québec n'a toujours pas adhéré».

    Un exemple: la CAQ «n'exclut pas le recours à la clause dérogatoire» pour interdire les fameuses écoles passerelles permettant aux parents plus fortunés d'acheter à leur enfant l'accès à l'école anglaise subventionnée, privée ou publique, après un bref séjour dans une école anglaise non subventionnée (ce «droit» acheté à gros prix sera ensuite transféré, gratuitement, à tous les frères, soeurs et leurs futurs descendants.

    Il est donc à espérer que l'expression «n'exclut pas» veut en fait dire que si la CAQ, une fois métamorphosée en parti politique, devait prendre le pouvoir, les deux hommes s'engagent aujourd'hui clairement à utiliser ici la clause dérogatoire (1)...

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  3. 3e partie Josée Legault

    Bref, la rhétorique du document est nationaliste et les constats sont connus.

    Le problème est plutôt dans le caractère incomplet des «propositions». Tout particulièrement dans les domaines fondamentaux de l'éducation et de la langue de travail - cette dernière étant loin de se limiter à la question, aussi importante soit-elle, de la langue d'accueil dans les commerces.

    Même lorsque le duo s'intéresse au travail de l'Office québécois de la langue française (OQLF) en proposant d'augmenter ses ressources, il passe à côté de ses principales faiblesses à corriger.

    Soit, entre autres, l'urgence de dépolitiser l'OQLF en commençant par la modification du mode de nomination de son grand patron. Nommé dans les faits par le premier ministre du jour, le président de l'OQLF, tout comme le Vérificateur général, devrait être nommé par l'Assemblée nationale pour assurer sa pleine indépendance politique et intellectuelle.

    Sans compter que lorsque les deux hommes demandent aussi de mieux appliquer la Loi 101, ils oublient que cette requête ignore ce petit détail: après trois décennies de jugements de tribunaux ayant invalidé la portée de diverses sections, cette loi est en fait aujourd'hui une version affaiblie et diluée de ce qu'elle était lors de son adoption en 1977. Donc, demander à l'OQLF d'appliquer plus rigoureusement une loi affaiblie n'a rien de particulièrement prometteur...

    Exemple: en mars, on rapportait que l'OQLF avait les noms de commerce anglais «dans la mire»: http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201103/01/01-4375175-lolf-a-les-noms-de-commerce-en-anglais-dans-la-mire.php

    Or, comme sa nouvelle présidente le reconnait elle-même, ces noms sont tout à fait légaux, «mais l'OQLF peut tout de même forcer ces entreprises à ajouter quelques mots de français dans leur affichage, selon le règlement en place».

    Pour ou contre cette initiative, il reste que la loi 101, tel qu'amendée par la loi 86, permet l'affichage commercial bilingue en autant que le français prédomine. Et l'affichage commercial devient en effet de plus en plus bilingue... avec ou sans des raisons sociales en langue anglaise.

    On peut certainement être pour ou être contre, mais on ne peut nier que cela est de plus en plus la réalité dans la région montrélaise.

    Et pendant ce temps, la même nouvelle présidente de l'OQLF, sur l'essentiel, déclarait ceci au Devoir en février dernier quant au «recul» du français: «Je ne crois pas qu'on recule. Je crois par contre qu'il y a toujours du travail à faire. Il faut être prudents et vigilants.»....

    Alors, à quand la nomination du président ou de la présidente de l'OQLF par l'Assemblée nationale?

    La «lucidité» sans l'audace

    Si on revient au document de la CAQ, résumons-le ainsi: la «lucidité» y est certes dans la plupart des constats, mais l'audace, l'imagination dans les mesures proposées de même que la compréhension de la complexité des problématiques, y sont malheureusement plus rares...

    En cela, force est de constater qu'au-delà de la rhétorique et hormis le recours possible à la clause dérogatoire pour interdire les écoles passerelles (une question déjà consensuelle au Québec), la plupart des propositions de la CAQ se font le reflet du refus généralisé que l'on retrouve depuis longtemps au sein du milieu des affaires de renforcer concrètement une loi 101 pourtant fort affaiblie.

    Ce qui ne devrait guère surprendre dans la mesure où, après tout, les dirigeants de la CAQ eux-mêmes figurent parmi ses plus beaux fleurons...

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