jeudi 28 avril 2011

Tous africains, mais il y aurait des populations génétiquement plus riches que d'autres ?

Article intrigant du Point du 21 avril 2011. Selon celui-ci, « l'homme a perdu des phonèmes tout comme il a perdu de sa richesse génétique. Faut-il en conclure que l'immigration africaine actuelle est une chance pour enrichir notre langue et nos chromosomes ? »

Cet article laisse perplexe à plus d'un égard.

Qu'est-ce que la « richesse » génétique ? La simple diversité ?

Comment « enrichir » nos chromosomes ? Est-ce qu'après cet enrichissement de « nos chromosomes » certaines personnes ou populations seraient meilleures, supérieures que celles non « enrichies » ? Est-ce que l'immigration non européenne en France qui rend la France plus diverse génétiquement et fait désormais de la drépanocytose la première maladie génétique en France est  réellement un « enrichissement » ?

Mais laissons là la génétique. Comment l'immigration enrichirait-elle les langues des pays destinataires en phonèmes ? Dans les rares cas où une langue s'enrichit de phonèmes par un apport extérieur dans nos sociétés modernes, le facteur déterminant n'a pas été l'immigration massive d'allophones : les immigrants aux États-Unis n'y ont pas enrichi phonétiquement l'anglais, aucun nouveau son distinct ne s'est imposé à l'anglais enseigné à l'école américaine à la suite de l'immigration massive italienne, russe ou polonaise. À notre époque de la normalisation des langues,  de l'écrit et des médias électroniques, si de nouveaux phonèmes s'ajoutent à une langue c'est plutôt à la suite d'une très forte influence culturelle qui n'implique pas une migration massive. C'est le cas notamment du /ŋ/ à l'anglaise apparu en France avec l'importation de mots comme « parking » ou « camping ». En allemand, les nasales françaises sont conservées, mais bien ressenties comme étrangères et approximées par beaucoup d'Allemands dans die Orange, der Cousin, das Feuilleton et das Croissant. Ce dernier mot se prononcera donc [kʁo̯aˈsɑ̃], [kʁwaˈsɑ̃], [kʀwaˈsaŋ] ou encore [kʀɔˈsɔŋ] en Allemagne. Tout cela sans immigration massive française en Allemagne, mais une forte influence culturelle française pendant plusieurs siècles.

Comme on le voit, le parallèle phonème/chromosome ne tient pas : il n'y a pas d'enrichissement phonétique obligatoire par immigration. En fait, on pourrait tout aussi bien soutenir l'inverse : les immigrés approximent souvent la langue du pays d'accueil et ils peuvent renforcer certaines tendances « appauvrissantes » comme la disparition de l'opposition entre a antérieur et postérieur en français dans « tache » et « tâche » respectivement puisque ces distinctions sont le plus souvent absentes de leurs langues. Il ne s'agirait pas là d'un enrichissement en termes de phonèmes, bien au contraire. En outre, la mondialisation, la facilité de voyage et le brassage des populations ont tendance à uniformiser les prononciations, à raboter les traits les plus distinctifs des parlers locaux. On comprend donc mal ce passage de la phonétique à la génétique. Cela ressemble à une justification de l'immigration par un journaliste qui ressent le besoin de la valoriser et de la dire « enrichissante », même si c'est faux en terme linguistique.

Sur le plan linguistique, l'étude de Quentin Atkinson, un biologiste de l'Université d'Auckland en Nouvelle-Zélande, affirmerait que plus une langue est parlée loin d'Afrique, plus elle est pauvre en phonèmes, c'est-à-dire en entités sonores distinctes.




L'article sous-entend donc que le nombre de phonèmes des langues a diminué au fil des migrations et donc du temps, mais il s'agit là d'une vision linguistique simpliste : le français a nettement plus de phonèmes que le latin dont le foyer est plus proche de l'Afrique que celui du français. C'est ainsi que le français, plus tardif et plus éloigné, a beaucoup plus de voyelles, de nasales et semi-voyelles que le latin : /y/ («lune»), /ø/, /œ/ (« fleur »), /ɛ̃/, /ɑ̃/, /ɔ̃/ (« citron »), /œ̃/, /ɥ/ (« hui »). Il possède également des consonnes inconnues en latin comme le /ʃ/ de « cheval », le /ɲ/ d'« agneau » et le /ʒ/ de « je ». Qu'est-ce qui prouve donc que le !xu d'aujourd'hui n'est pas plus riche que sa langue ancestrale ?


Notons en outre que les langues bantoues les plus proches géographiquement du !xu, le sotho et le tswana, n'ont que 48 et  35  phonèmes respectivement.

Comme le souligne Merritt Ruhlen de l'Université Standford en Californie dans un entretien avec le New Scientist : « La plupart des linguistes ne pensent pas que l'on puisse remonter la piste linguistique au-delà de 10 000 ans ». Or Atkinson décrit des phénomènes qui se seraient produits il y a 50 000 à 100 000 ans...

D'autres critiques s'attaquent au peu d'importance donné par Atkinson aux tons dans le poids phonémique qu'il utilise. Peu d'importance qui défavoriserait les langues comme le mandarin, le vietnamien, les langues papoues et amérindiennes (voir la première planisphère ci-dessous). Or, selon ces critiques, la perte d'un ton serait nettement plus importante que la perte d'une consonne. En général, ces détracteurs pensent qu'il faut sérieusement se pencher sur les effets de mesure et de méthodologie de cette étude et que les corrélations qu'établit Atkinson ne sont pas évidentes.




À titre complémentaire, voici les distributions vocaliques dans le monde :

Petit inventaire vocalique : 2 à 4 voyelles (93 langues)
Moyen : 5 à 6 (288 langues)
Grand : 7 à 14 (183 langues)
et enfin consonantiques :

Petite diversité consonantique : 6 à 14 consonnes (91 langues)
Relativement petite : 15 à 18 consonnes (121 langues)
Moyenne : 19 à 25 (182 langues)
Relativement grande : 26 à 33 (116 langues)
Grande : plus de 33 consonnes (53 langues)



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2 commentaires:

Durandal a dit…

Bon sang. C'est carrément du racisme anti-Blancs. Et du racisme au vrai sens du terme : sans le métissage avec les Africains, les Blancs resteraient génétiquement inférieurs !

Anonyme a dit…

Certaines phrases sont tellement burlesques qu'on se demande même si le rédacteur ne voudrait pas se venger de sa rédaction ?!

Notamment : les explorateurs qui ne peuvent emmener avec eux la richesse d'un langage...!

On croirait un pastiche d'un document mal écrit par des enfants du primaire et passé par la moulinette ECR.

Avec la maladresse des enfants en plus car l'auteur critique les langues océaniennes et sud américaines "plus monotones".